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«Nous avons renoncé à l'esprit du 18 octobre»
Interview exclusive - Lotfi Zitoun sans concession
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 09 - 2012

Nous n'avons pas été délégués par le peuple pour lui changer son mode de vie
Chez les militants islamistes domine un sentiment de persécution
Le 23 octobre est un rendez-vous réel, pour le dépasser, il faut se mettre autour d'une table et parler
La rencontre avec Lotfi Zitoun s'imposait. Mais le grand pourfendeur des médias allait-il accepter de recevoir La Presse, un journal qui suit une ligne indépendante et critique?
Le rendez-vous est pris en 24 heures. L'entretien dure plus de trois heures. Le conseiller politique avec rang de ministre est parfois humain et convaincant. D'autres fois, l'homme politique reprend le dessus et les réponses sont convenues ou politiquement correctes. Le lecteur jugera.
Il est certainement sincère lorsqu'il parle, avec une émotion perceptible, du sentiment de persécution qui habite les militants d'Ennahdha et du harcèlement inhumain dont des centaines ou des milliers de familles ont été victimes sous l'ancien régime, à l'instar de toute l'opposition d'ailleurs.
Intéressants également, ses propos au sujet de la peur qui habite une partie des militants de ce parti, peur d'un retour du passé, impression d'être mis à l'index du fait même qu'ils revendiquent une identité islamique forte.
Enfin, et c'est un aveu considérable, il reconnaît l'échec du gouvernement et de la coalition avec la contribution de l'opposition dans la gestion des affaires du pays: «l'élite choisie par le peuple a échoué et n'a pas été à la hauteur de la confiance placée en elle ». Un mea culpa qui va susciter des réactions. Entretien.
Lorsque vous faites votre bilan au pouvoir, quels sont les points négatifs et les points positifs ?
La révolution n'avait pas eu de leaders pour des raisons longues à expliquer. Par la suite, le peuple a délégué à l'élite politique la réalisation des objectifs de la révolution, en distribuant, à mon avis, les voix de manière très rationnelle. Le peuple a choisi de façon à ce que la constitution et la gestion du pays soient distribuées sur l'ensemble des tendances politiques. Maintenant, il faut dire les choses comme elles sont, oui cette élite a échoué et n'a pas été à la hauteur de la confiance placée en elle. Je pense aussi que le peuple tunisien aurait été satisfait si nous avions réussi à former un gouvernement d'union nationale, plutôt que la division actuelle. Et de voir cette période de transition exclusivement consacrée à la rédaction de la Constitution et à la promulgation de certaines lois indispensables. Or, nous nous sommes trouvés dans une situation conflictuelle d'un pouvoir qui se défend et d'une opposition qui demande des comptes.
Serait-ce une critique directe à ceux que vous avez invités à partager le pouvoir avec vous et qui ont refusé ?
Oui, et à nous-mêmes aussi. Nous avions préalablement décidé dans le mouvement de ne pas monopoliser le pouvoir, même si on recueillait 60 % des voix. Notre position était de former un gouvernement d'union nationale. Le fait est là, nous avons été victimes de la séduction «ighra» du pouvoir. Et, lorsque deux formations politiques ont accepté de former la présente coalition, nous n'avons pas été chercher plus loin. Nous n'avons pas été suffisamment convaincants ni n'avons déployé les efforts qu'il fallait pour convaincre les récalcitrants. Nous avons renoncé rapidement à l'esprit du 18 octobre. Ce pacte qui a uni les islamistes et les démocrates et qui constitue le meilleur et la plus importante production de l'élite politique.
L'accord du 18 octobre, c'est un consensus sur les questions les plus litigieuses, le code du statut personnel, la question de la femme, la place de la religion, la démocratie. Mais nous avons tous renoncé à cet acquis. Nous ne sommes pas les seuls fautifs; certains comme Néjib Chebbi qui était l'un des porte-flambeaux du 18 octobre, ont préféré faire cavalier seul.
Mais les mauvais indicateurs économiques, les mouvements sociaux, l'instabilité sécuritaire, ne trouvent pas tous leur origine dans cet éparpillement politique...
Si, ils les ont nourris. Depuis la révolution, nous n'avons pas fait de saut qualitatif. Et quand je dis nous, je parle de toute la classe politique ; le gouvernement, et l'opposition, n'avons pas été à la hauteur de la confiance du peuple. C'est ce qui a poussé le peuple dans les régions et les jeunes qui ont payé le prix fort, au désespoir.
Nous avons tous continué à creuser cette division politique. Et nous n'avons pas pu nous placer au dessus des divergences, dépasser nos obstacles psychologiques pour pouvoir se mettre au tour d'une table et discuter. Or la démocratie exclut les humeurs, il faut savoir traiter avec tout le monde, toutes les tendances. Le blocage s'est creusé, l'opposition a fait de l'échec du pouvoir un argument de combat. Les gouvernants au pouvoir y ont vu de la mauvaise foi, le gouffre s'est creusé. De plus, la faiblesse de l'opposition a porté atteinte au processus démocratique. Mais je dois dire également que ce qu'a fait Ben Ali est passible de saborder toute opposition, si ce n'était la solidité de l'élite politique. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une atmosphère politique post-révolutionnaire. De son côté, le peuple a épuisé toute sa capacité d'endurance, il faut le dire.
L'opposition qui est éparpillée comme vous le dites, n'est quand même pas responsable de l'état du pays, alors que vous détenez les rênes et tous les leviers ?
Nous sommes dans une atmosphère post-révolutionnaire et de grande agitation. Le peuple a des revendications urgentes, politiques, économiques et sociales. Dans ces conditions, chaque entité, si petite soit-elle, peut être en mesure de perturber le pays, parce qu'elle surfe sur une vague déjà haute. Il ne suffit pas d'avoir la majorité pour faire marcher le pays. C'est pourquoi nous avons besoin de concorde pour pouvoir gérer la situation qui est déjà très perturbée. Pour que la transition démocratique se poursuive et pour ne pas tomber dans le chaos ou sous la férule d'un seul parti. Le danger existe avec l'une des deux options, il faut qu'il y ait de grandes coalitions et nous allons vers cela.
Est-ce qu'il y a des rencontres entre vous et les partis d'opposition, en ces temps difficiles ?
Il a discussions marginales, non approfondies, il y a une prise de conscience collective après le message envoyé par les partis El Joumhouri et El Massar. Il y a une réaction positive d'Ennahdha. Nous allons encourager tous les partenaires à s'asseoir et dialoguer. Il y a une feuille de route prête pour la création d'un conseil de dialogue national. Il faut que le dialogue soit ouvert. D'un autre côté, comment ouvrir un dialogue avec 140 partis, c'est un problème. C'est pour cela que les grands partis ont tendance à se limiter à eux-mêmes.
Oui, la situation est difficile et je commence à avoir peur de nous voir perdre l'acquis d'avoir été les premiers à faire la révolution. Nous sommes en position de leader du printemps arabe, c'est un acquis important sur tous les plans ; politique, culturel mais aussi économique. Je vois que l'Egypte est en train de menacer cette position. Dans notre histoire, ça a toujours été ainsi, des Fatimides à Ibn Khaldoun. J'ai bien peur que si nous n'arrivons pas à faire une constitution où il y a des élans créatifs (Ibdâa) et un esprit de concorde, si cette phase n'est pas dépassée avec succès, nous risquons d'être en marge du printemps arabe. Mais la révolution est irréversible. C'est un fait.
L'esprit de concorde appelle le compromis de part et d'autre. On ne voit pas du côté du mouvement Ennahdha, notamment à l'ANC, une volonté de faire des concessions, concernant les sujets litigieux, les acquis de la femme, entre autres....
L'élaboration de la constitution est une occasion rare pour un peuple, et c'est donc une occasion de débattre de tous les sujets controversés. Mais je dois dire que la division politique de l'Assemblée se répercute dans les postures. Ajoutez à cela que nous avons échoué, toute la classe politique, à sortir la question de l'identité du débat politique. Depuis l'indépendance, ce pays souffre d'un problème identitaire.
On pensait que cette révolution l'a résolu et que la religion allait retrouver sa place initiale. Or, il y a une partie de la population qui a voulu se venger, l'autre a pensé préserver le statu quo identitaire de Bourguiba et Ben Ali. Nous n'avons pas pu avancer. Maintenant, je dois dire que nous essayons de nous convaincre — car nous ne sommes pas tous convaincus — qu'il y a un travail à faire avec notre environnement, nous ne sommes pas apaisés par rapport à cette question de l'identité arabo-musulmane. Il a fallu comprendre et faire comprendre que nous n'avons pas été délégués par le peuple (Fawadhana) pour lui changer son mode de vie. Que ce soit pour habiller les femmes ou pour autre chose. C'est une maladie tunisienne que cet intérêt pour les vêtements de la femme. L'un veut la déshabiller, l'autre l'habiller. La femme est victime dans tout cela. Par ailleurs, nous essayons d'avancer sans ce sentiment de persécution qui nous habite.
Ennahdha est un mouvement à référentiel islamique qui a paradoxalement du mal à maîtriser le champ religieux, à tel point que vous êtes battus sur votre propre terrain par les salafistes !
Nous sommes dans une période de grands changements dans la vie des peuples, et c'est une période où toutes les maladies remontent à la surface. Ce n'est pas un signe de maladie mais de convalescence. Et n'oubliez pas que le mouvement Ennahdha a été exclu de la vie, non pas politique, mais de la vie tout court pendant vingt ans. Il y a eu une rupture dangereuse entre les générations. Et dans son absence, ces courants radicaux ont dominé la scène et les télévisions. C'est une conséquence directe de la dictature.
Parce qu'il faut savoir que chaque pays produit son propre message religieux. Chaque pays a sa culture et son discours religieux et l'insère dans son quotidien. En Tunisie, nous avons été empêchés pendant très longtemps d'introduire nos valeurs islamiques dans notre vie et notre vécu. Lorsque Imam Chafai a quitté Bagdad pour l'Egypte, il a changé son fiqh, il n'en a gardé que très peu. Ses fatawis ont changé. Lorsque les jeunes tunisiens ont été empêchés d'écouter le moindre discours religieux, on les a poussés à importer le fiqh. Ni le Coran ni les livres de Hadith dont la publication continuait en Tunisie n'ont été importés mais c'est l'exégèse étrangère truffée de traditions, de rituels qui nous sont lointains, qui ont été injectés.
Par ailleurs, Ennahdha n'est pas vaincue, c'est une vraie école qui travaille dans la sérénité et se fonde sur le dialogue. Nous avons une approche politique différente, que certains considèrent comme du laxisme, (tarakhi ) ou de la compromission.
Oui, mais des régions entières sont aux mains de salafistes qui contrôlent des mosquées, sèment la terreur et ne reconnaissent pas la démocratie....
Ces jeunes sont le produit de la dictature, d'un vide religieux et de l'absence de discours tunisien. Ce courant peut devenir d'une violence extrême, similaire à celle de l'Algérie ou de l'Afghanistan. Nous voulons donner l'occasion aux jeunes d'écouter un nouveau discours. Nous voulons lancer un dialogue et les séduire pour les ramener à la légalité et la démocratie. C'est une approche que j'appelle juridique, elle n'est ni politique ni sécuritaire. La démocratie est une grande philosophie, et le système le plus apte d'attirer tout le monde vers la modération et «El Wasatia».
La démocratie accepte les gens qui sont contre elle. Si on rentre dans la machine démocratique, il faut qu'on s'adapte. Il n'est plus question de faire marche arrière. Le travail sera en plein jour dans la légalité, parce qu'il faut savoir que c'est la clandestinité qui est la situation la plus dangereuse. Cette approche doit être accompagnée de la sanction sévère de toute entrave à la loi ou violence et c'est l'essence même de l'approche légaliste Il faut savoir que le courant salafiste en Egypte s'est intégré dans la démocratie. Laissons-les faire leurs prêches, si c'est fait de façon pacifique. Et les peuples jugeront, les peuples dans les démocraties se situent au milieu et ont le vote pour arme, pour sanctionner ou pour approuver.
Il faut patienter un peu. Par ailleurs il faut savoir que les salafistes ne s'attaquent pas uniquement aux laïcs, ils s'attaquent à Ennahdha et nous traitent de mécréants. La plupart des charges de Hizb Ettahrir sont contre les islamistes d'Ennahdha. Pour protéger notre pays de la violence, cette violence terrible, nous sommes en train d'avancer mais avec trop de lenteur.
Le 23 octobre prochain est-il une date-butoir ?
Oui, c'est un engagement moral, sauf cas de force majeure. Pour ma part, j'ai été étonné du calendrier que j'ai vu avec toutes ces pauses. C'est un rendez-vous réel et pour le dépasser, il faut qu'on se mette autour d'une table et qu'on parle. Il faut qu'il y ait un accord de l'ensemble des parties prenantes, accord sur les étapes qui vont succéder également. Peut-être que nous serons appelés à remettre en avant un gouvernement d'union nationale. Il faut qu'on soit d'accord sinon, c'est toute la transition démocratique qui sera en péril.
Selon quelle logique certaines personnes annoncent la fin de la légalité le 23 octobre à minuit avec quelques appels à l'intervention de l'institution militaire? C'est de la légèreté. Après la révolution, on nous avait promis des élections au mois de juillet, elles se sont tenues au mois d'octobre, il n'y a pas eu révolution.
Mais il faut respecter ses engagements parce que les peuples punissent et peuvent marginaliser celui qui ne tient pas ses engagements.
Le peuple est impatient, il considère aussi qu'il y a eu mauvaise gestion des affaires de l'Etat, il y a de l'inexpérience ?
Nous sommes tous des novices, nous étions exclus, toute la classe politique était exclue. On excelle dans le militantisme, les grèves de la faim et la rédaction des communiqués.
Donc, le pays aurait eu besoin de technocrates ?
Oui, il faut des technocrates, c'est vrai mais ce n'est pas à eux de diriger. Du moins, ceux qui ont travaillé sous Ben Ali n'ont pas à nous diriger. Il n'en est pas question. D'un autre côté, il y a le manque d'expérience, la division dans l'Assemblée, les lenteurs pour discuter le projet de loi complémentaire de finances, les questions au gouvernement. Tout cela a ralenti la marche du pays, il aurait fallu des commissions qui se consacrent à ça. Notre Assemblée est chargée d'élaborer la Constitution d'abord.
La campagne Ekbess, on dit que vous en êtes l'instigateur et son père spirituel, est-ce vrai ?
C'est une initiative spontanée d'un certain nombre de jeunes qui ont senti que ce gouvernement est lent dans la réalisation des objectifs de la révolution et notamment dans l'assainissement et ont voulu le faire savoir. Il y a la réapparition des rcdeistes, même au niveau de la base dans des régions isolées, ce qui a créé un sentiment de peur. Et quand il y a un grand corps politique, Nida Tounès qui exprime, bon gré mal gré, et selon l'appréciation générale, une volonté d'unification des rangs des rcdeistes dans une nouvelle mise en scène, les jeunes ont réagi.
C'est ce qui s'est passé dans certains pays de l'Europe de l'Est, d'ailleurs. Certains anciens partis ont injecté une nouvelle élite qui ne s'était pas compromise et de grandes compétences et ont pu renaître.
Il faut savoir que cette jeunesse qui a adhéré à Ennahdha n'est pas la jeunesse historique du mouvement. Elle a été ramenée par la révolution. Comme d'autres ont adhéré au CPR ou encore au PDP. Leur priorité, c'est de réaliser les objectifs de la révolution. Ils ont commencé par faire pression et peuvent partir un jour vers d'autres horizons politiques s'ils ne sont pas satisfaits. C'est par ailleurs une richesse pour le mouvement pour renouveler son corps. Leurs objectifs font partie de notre programme.
Pour réaliser les objectifs de la révolution, tels que l'assainissement, il aurait fallu créer l'instance indépendante de Justice transitionnelle..
La justice transitionnelle est une grosse machine, il ne faut pas qu'il y ait la moindre faille, il faut qu'il y ait l'accord de tout le monde sur les procédures. Il faut épuiser le dialogue avec toutes les parties prenantes, la société civile, les corporations professionnelles, les victimes... les instances internationales aussi ont leur mot à dire. Nous avons besoin d'experts, et de fonds pour conduire le processus et pour réunir le fonds des indemnisations.
Est-ce que le ministère de la Justice ou celui des Droits de l'homme avec les moyens que nous connaissons sont en mesure de monter cette grande machine et de la financer? Bien sûr que non, et puis il ne faut pas oublier que cette instance va juger une grande période de l'histoire du pays, ça demande du temps, et lorsque les victimes raconteront ce qui s'est passé, le peuple tunisien pleurera. Ce qui a été fait dépasse l'entendement. La vraie justice n'est pas une revanche, elle demande donc du temps pour que tout soit fait dans les règles, il ne faut pas rater une seule étape.
Il y a dans tout ça comme un esprit de revanche...
Il y a eu un changement d'état d'esprit chez les islamistes, au vu de certaines réactions au dossier des indemnisations. Les victimes ont été stigmatisées, traitées de voleurs. Or, c'est un processus qui donne de la force aux victimes à travers un processus civilisé de justice ou alors il faut choisir, et laisser chaque victime prendre sa revanche toute seule.
Si on regarde à travers le monde, le lobby des droits de l'homme mondial a imposé de nouvelles dispositions de justice notamment en Afrique du Sud. Sans cela, dans cette partie du monde, une race aurait pu être exterminée, les blancs.
D'autre part, l'indemnisation financière figure dans le programme de plusieurs partis politiques tunisiens dont le POT, ce n'est pas quelque chose que ce gouvernement a inventée, le décret-loi sur l'amnistie générale a été signé par l'ancien gouvernement.
Maintenant, il faut le dire qu'à ce jour, aucun barème n'a été posé ni de listes faites. Avec la démission du ministre des Finances et les réactions de la classe politique, et des surenchères de certains, les blessures des victimes ont été rouvertes. Ces victimes transformées aux yeux du peuple en larrons. Les médias ne leur ont pas donné la parole. Le sentiment de persécution a été ravivé. Nous avons vu le même discours de diabolisation revenir sur la scène. Les islamistes ont même senti et l'ont dit que si ces gens reprenaient le pouvoir, ils (les islamistes) seraient encore une fois jetés en prison et persécutés. C'est le sentiment qui règne chez beaucoup d'islamistes non pas uniquement relevant d'Ennahdha.
Et ceux qui ont pris les armes contre les Tunisiens demandent aussi à être indemnisés ?
Nous n'avons pas encore atteint cette étape nominative et d'établissement des listes, nous ne savons pas encore qui va en bénéficier. Nous avons seulement exclu les dirigeants du parti, ils ne toucheront rien, bien que certains dirigeants du parti soient vraiment dans le besoin. Le traitement opportuniste et de récupération politique de ce dossier a changé l'état d'esprit chez les jeunes.
«Ekbes» exprime une nouvelle humeur de révolte chez les jeunes islamistes, et je répète, il ne faut ni les diaboliser ni les affronter, sinon, ils iront vers des courants radicaux. Il faut savoir les accueillir au lieu de les rejeter. C'est dans cet esprit que je suis descendu à la Kasbah. Dans une démocratie, je reconnais que cela s'appelle une rébellion dans un même parti, mais j'ai tenu à les récupérer tout en mettant en garde les manifestants que leur sit-in n'est pas autorisé et qu'il fallait observer le calme.
Le parti Ennahdha a perdu une grande partie de son électorat, déjà, alors que vous venez à peine de prendre le pouvoir !
N'empêche, c'est l'usure du pouvoir, dans une ambiance post-révolutionnaire. Les peuples qui font les révolutions sont dans un état de colère et de grande agitation. Nous sommes dans une gouvernance partagée de la Troïka, tout le monde voit un peu comment nos amis du CPR notamment nous traitent.
Ennahdha est en train de payer le prix. Le peuple n'est pas satisfait de notre rendement, c'est vrai mais nous continuons à travailler, en essayant de récupérer les mécontents par des réalisations tangibles. Mais il faut savoir par ailleurs que la machine Ennahdha n'a pas encore lancé sa campagne électorale. Cette machine qui a un long parcours et des acquis indéniables.
Au moment des bilans, lorsque les réalisations seront exposées, ce sera l'heure de vérité. Il ne faut pas minimiser la force du mouvement. D'un autre côté, nous nous soumettrons à la volonté du peuple. Nous savons être disciplinés, je vous rappelle que lors du mandat de Béji Caïd Essebsi, nous n'avons pas fait une seule manifestation. Pour ce qui est des prévisions, nous sommes très confiants et nous serons le premier parti encore une fois et encore une fois, nous n'allons pas gouverner seuls et ferons appel aux autres.
Une partie de la population commence à exprimer une grosse appréhension par rapport aux prochains rendez-vous politiques !
Tout dépend de la posture de l'élite politique. S'ils voient un esprit d'union et de concertation régner, cela aura la meilleure influence. Nous avons une jeunesse en colère mais non suicidaire. Si cette jeunesse trouvait un modèle, des dirigeants solidaires et respectant l'esprit révolutionnaire, la confiance nous serait redonnée. Et pour cause, nous avons la même religion, même langue, même «madhab», même race, et beaucoup de querelles politiques ont été inventées. Il est temps de nous unir. La vérité, je ne vois pas une grande différence entre nous, quand je me mets avec le CPR ou avec le PDP, quand on se réunissait avec Néjib Chebbi, on faisait ensemble la prière. Oui en politique nous avons simplement des méthodologies différentes.
Vous êtes un ministre très controversé et on dit de vous que vous êtes frontal !
La politique est frontale. La Tunisie a connu des centaines de ministres, rares sont ceux dont on connaît la voix. C'était le modèle politique sous les dictatures. Au contraire, dans les démocraties, le politique parle et argumente, il doit défendre son programme, son parti devant l'opinion, il tient des débats avec les adversaires. Il doit sortir vainqueur dans tout débat (mounadhara). La rivalité politique se base sur les débats, on le voit à l'étranger.
Oui controversé, peut-être je ne connais pas l'environnement, d'une part, et d'autre part les médias sont pour la plupart dans une posture d'adversité. Dans les démocraties, toutes les flèches se braquent sur celui qui réussit. Les adversaires vous attaqueront dans tous les cas, chacun défend son agenda politique. L'essentiel, c'est d'avoir le soutien de son parti.
Dans votre parti, vous avez recueilli 17 voix sur 1200 !
Oui, pour présider le congrès. Les jeunes ne me connaissent pas, je vivais à l'étranger. Abdellatif Mekki est connu de tous, il a été choisi et c'est normal. Cela n'a pas créé de problèmes entre nous. Je suis conseiller dans le bureau exécutif du mouvement, je suis heureux et me sens aimé. Il faut savoir que la révolution a réalisé tous mes objectifs politiques. Je voulais que la dictature tombe, c'était pour moi le grand événement. Après, j'ai pris la décision de m'occuper de ma famille qui a beaucoup souffert.
Je ne suis pas là pour m'imposer dans la Fonction publique, je peux très bien me défendre dans autre chose. Il faut savoir que ceux qui ont fait les prisons sont prioritaires pour occuper les postes de direction même si nous avons parfois plus d'instruction parce que nous avons eu l'occasion de nous instruire. Ils ont la légitimité, il faut savoir en outre que les islamistes sont solidaires, il est vrai que le pouvoir menace cet esprit.
Justement, un problème commence à prendre forme et faire parler de lui entre les expatriés d'Ennahdha et les résidents, «El Mouhajrine » et on va dire «El Mourabitine».
C'est notre réalité, mais nous donnons une importance majeure au dialogue interne. Nous avons vécu dans des sociétés étrangères et d'autres ont passé une partie de leurs vies dans les prisons, d'autres n'ont pas fait la prison mais ont été persécutés. Ceux qui ont vécu à l'étranger ont conduit le mouvement.
De fait, nous avons deux types de légitimité, celle du militantisme et du combat menés par les locaux, pourtant ils n'ont rien fait, ou ils sont en prison ou chez eux surveillés. Et les expatriés qui ont préservé l'unité du mouvement dans des conditions très difficiles d'éparpillement. Ce sont deux courants qui viennent de se rencontrer. Certes, il y a une différence d'évaluation entre les deux catégories qui apprennent à se connaître avec l'avènement du pouvoir.
A propos des récentes nominations dans les médias, le chef du gouvernement voudrait revenir sur au moins celle de Dar Essabah, et vous avez été contre cet assouplissement, dit-on
J'ai envie de me défendre et de révéler des secrets sur la façon dont se sont faites ces nominations mais je ne vais pas céder à la tentation et je ne vais rien dire. Tous les secteurs ont été infestés et tous les secteurs sont en cours d'auto-assainissement. Mais les médias sont dans le déni. Tout le secteur bénéficie d'une solidarité interne et d'un appui externe.
Le syndicat des journalistes est tout à fait disposé à collaborer, il a demandé l'appui du ministère de l'Intérieur et des départements de l'Etat pour lui communiquer les dossiers
Ne réveillez pas les vieux démons. Nous avons arrêté un accord, une commission commune composée par les membres du gouvernement et le syndicat. Tous ceux qui vont y siéger seront sous serment, les listes préparées seront soumises à l'étude, tout le dossier sera traité dans la concertation et il sera transféré à la justice, si besoin. C'est un grand pas. J'ai bien peur qu'il n'y ait un recul. Or c'est une revendication de l'opinion de la classe politique et même de l'Union européenne que d'assainir le secteur. Cette crise ne doit pas s'étendre et ne doit pas diviser les journalistes.
Toujours est-il que les nominations continuent à être contestées...
Il faut savoir qu'on n'est pas tous des héros. Il y a des gens qui n'ont pas de cause à défendre et n'aiment pas les confrontations, pourquoi veut-on les jeter dans un combat ? Il y a des gens qui voudraient préserver leur gagne-pain. Et de plus, partant de cette logique, tous les journalistes qui ont travaillé à l'Atce notamment, seraient coupables ! Non, et pourtant c'est un organisme qui nous a directement persécutés.
L'Atce est la grande machine de guerre qui a été montée contre nous. Cette agence dépensait des millions pour nous faire la guerre et finançait des livres à l'étranger.
Imen Bahroun est une journaliste qui a travaillé à la TAP, dont les émissions ont été arrêtées sur Hannibal. Je l'ai dit, il y a quatre catégories de jour
nalistes ; ceux qui ont milité et combattu le régime et l'ont payé très cher. D'autres n'ont pas adhéré à la dictature, mais se sont tus et je les considère aussi comme des héros. Comme les Palestiniens, ceux qui habitent dans les territoires sont des héros. D'autres ont traité avec la dictature sous la pression, je connais des journalises, ils ont adhéré au RCD sous la pression, ou encore sous la tentation, et pour moi c'est pareil, parce que même l'attrait «ighraa» est une forme de pression. D'autres enfin qui sont une minorité, qui prônent le programme de la dictature et l'éradication de toute opposition et s'en vantent, qui ont bénéficié d'un enrichissement outrancier. Il faut faire la différence entre ces 4 catégories, partant même de nos valeurs islamiques de tolérance et de pardon. Oui, nous avons un problème avec la quatrième catégorie.
Vous avez renoncé à publier les listes noires...
Nous sommes dans l'esprit de cet accord et nous l'avons dit et redit que cela relève de la responsabilité du syndicat. Ensuite, il faut réfléchir, que faut-il en faire ? Les publier ? Est-ce que nous sommes dans une logique de fichage des gens ? Ou bien faut-il les transférer à l'instance de justice transitionnelle ?
Je tiens à dire que nous n'avons pas commencé par les médias, cette politique d'assainissement a commencé par la justice avec la révocation de juges. L'institution sécuritaire a commencé le travail.
De plus, je ne veux pas combattre les médias, je ne suis pas dans cet état d'esprit. J'ai vécu 20 ans à l'étranger. Les médias anglais ont la plus grande crédibilité dans le monde. En Grande Bretagne, la BBC est un média public interdit de publicité et financé exclusivement par les contribuables, pour ne pas subir de pressions. En contrepartie, elle présente un service d'une très grande qualité. C'est un média transformé en service public.
Mon objectif si j'ai le droit d'en avoir, c'est d'arriver à ce niveau de qualité. Et je considère que les médias publics égyptiens sont en avance aussi. Il faut qu'on arrive prochainement à faire un secteur libre et démocratique. Les gens des médias forment l'élite, ils orientent l'opinion publique et c'est un pouvoir que je classe non pas quatrième mais premier.
Par ailleurs, personne n'est en train de donner des directives. Même quand nous pensons que c'est utile. M.Jebali, Premier ministre, est sorti participer à la campane de propreté, récemment sous la pluie, il méritait de passer à la TV. Il n'est pas passé. Le président Marzouki est le premier président tunisien à avoir prononcé un discours à l'Assemblée française, il n'est pas non plus passé en direct. Pourquoi ne passe-t-on pas ces activités ? Nous sommes encore à neuf mois des élections.
Quelle est la réalité des deux chaînes que vous possédez ?
J'avais une société, dont j'ai démissionné. C'est ma femme qui la dirige. Et j'en ai une autre, le Centre tunisien des études prospectives, c'est un centre à but non lucratif.
De toute façon, l'affaire a été déférée devant la justice. Le statut et les comptes qui sont de l'ordre de 0 dans une société et 3000 pounds dans une autre, seront exposés. Ce ne sont pas des biens. Je ne possède pas une association ni une société qui n'est plus la mienne. Ma femme possède une voiture, et moi je possède une grande bibliothèque. En Grande-Bretagne, j'ai changé 14 fois de domicile et la belle maison qu'on m'a attribuée, je n'en suis pas propriétaire.
Et à maintenant, encore une fois mon adresse est diffusée. Il y a des gens qui ne veulent pas qu'on se remette de ce sentiment de persécution. Allez voir ma famille, une maison à Bab Mnara, je ne peux être très riche et laisser mes parents dans la pauvreté. C'est du pur mensonge, une piètre opération d'exécution morale, un lynchage que les Tunisiens n'ont pas vu depuis longtemps. Nous n'avons aucune relation avec la chaîne de télévision Zitouna.
Tunis Today a obtenu le visa tout juste fin juillet, ma femme a lancé la procédure, cette chaîne devait diffuser depuis Londres pour la diaspora arabe. Ma femme n'est pas affiliée au parti et quant aux fonds, on va demander aux hommes d'affaires et aux expatriés de nous financer et c'est encore en projet. Je tiens à dire que les papiers qui ont été présentés sur le Net seront les mêmes présentés au juge pour prouver mon innocence. De plus moi et ma femme sommes sous le régime de la séparation des biens.
Vous êtes conseiller avec rang de ministre, il aurait fallu tout déclarer pour donner l'exemple...
Je ne possède pas de biens ni à l'étranger ni ici. Et Mme Zitoun a une autorisation de télévision et non pas une chaîne. Les biens à l'étranger, je n'ai rien à déclarer, et j'avais demandé à l'époque à M.Mohamed Abbou qui m'avait répondu que du moment que je ne faisais pas partie du gouvernement, je n'ai pas à effectuer de déclaration.
Et je tiens à dire aux gens des médias et aux politiques que la dignité humaine est une ligne rouge. Ma famille a été visée. Cette façon de perpétuer la persécution donne un alibi à la violence. Je répète si cette jeunesse désespère de l'expérience tunisienne, il n'y aura plus de transition démocratique, car cette jeunesse peut basculer dans la violence. La Tunisie deviendrait l'un des centres d'Al Qaida.
Cette diabolisation des islamistes me fait penser aux juifs qui sont très susceptibles à tout sentiment antisémite. Parce que leur tragédie a commencé avec la diabolisation par Hitler. Taoufik Ben Brik a dit une fois, lorsqu'il était objectif, que les islamistes sont les juifs de la Tunisie.
Ce discours ambiant pousse les islamistes à se défendre et à réagir. Le sentiment de persécution est très destructeur. Un imbécile a posté sur la page de Nida Tounes que si jamais ils reprenaient le pouvoir, les islamistes seraient jetés en prison. Je vous certifie que ce sera le slogan de la prochaine campagne d'Ennahdha. Les islamistes ne permettront plus jamais un autre holocauste. Il ne faut pas pousser le pays vers la violence, vers une nouvelle «mahraka» (holocauste) Les jeunes n'accepteront jamais de subir ce que nous avons subi.
Est-ce une menace ?
Je suis en train de dire ce qui pourrait arriver. Cette diabolisation des adversaires pousse à la violence. Nous avons observé l'expérience algérienne. Quand la transition démocratique a échoué, qu'est-ce que ça a donné ? J'y ai vécu après le coup d'Etat et j'ai vu de mes propres yeux des tragédies. 200 mille Algériens ont péri. Les armes sont à côté, en Libye, au Mali.... Nous sommes prêts à signer demain notre sortie de la politique totalement avant qu'un seul Tunisien ne périsse. Moi personnellement, du moins je le ferai. Nous avons tous peur de la violence. Il n'y a pas que vous. Mais je répète, il ne faut pas pousser ces jeunes au désespoir.
Est-ce vrai que les décisions importantes du gouvernement ne sont prises qu'avec l'aval préalable de Cheikh Ghannouchi ?
Il est le président du parti majoritaire de la Troïka. La politique du parti est le produit de ses institutions. Dans la pratique, le président du parti préside généralement le gouvernement, mais comme la situation est compliquée, Rached Ghannouchi n'occupe pas ce poste. Il est chargé par son parti de voir ce que fait ce gouvernement. Maintenant de là à dire qu'il intervient dans chaque décision et que celles-ci sont discutées au préalable au niveau du parti, c'est faux. Dans les impasses, Cheikh Rached avec son autorité morale intervient. De plus, il a de bons rapports avec les deux autres présidents. Il rencontre des personnalités, il a rencontré Béji Caied Essebssi. Un exemple : Rached Ghannouchi était totalement contre l'augmentation des prix du carburant, et pourtant elle a été appliquée.
Il était également contre la révocation du ministre des Affaires étrangères, paraît-il.
Le ministre des Affaires étrangères a été nommé par le mouvement et non pas par cheikh Rached, avec vote. Trois fois, il y a eu vote dans trois institutions différentes du parti, et trois fois il a été confirmé. Dans la logique qui est répandue, Ameur Lariedh n'a pas le droit d'accéder au gouvernement parce que son frère est ministre de l'Intérieur. En Europe, il y a plus d'un cas où les deux membres d'une même famille sont dans des postes politiques. Ameur Lariedh dans le mouvement est aussi fort que son frère.
Sinon, vous avez personnellement le soutien inconditionnel de Cheikh Rached...
Dans le gouvernement non, mais je considère Cheikh Rached comme mon père spirituel, il m'a donné le savoir, il m'a encouragé à poursuivre mes études dans des conditions très difficiles, je n'oublierai jamais ça, et dans mon mariage il a été là présent et il a joué le rôle de père, nous avons vécu vingt ans ensemble presque dans une même famille. Quant aux décisions, c'est bien le chef du gouvernement qui les prend, décisions que nous défendons.
Pour conclure ..
Pour finir je tiens à dire que nous sommes différents et nous n'allons pas nous rencontrer. Mais nous avons de grands objectifs communs, un pays que nous aimons, et une nouvelle expérience que nous traversons ensemble. Nous avons été, il ne faut pas l'oublier, les précurseurs du printemps arabe, il ne faut pas que cette expérience se transforme en échec. Nous n'avons pas d'autre solution que de protéger cette expérience tout en préservant nos différences dans le respect mutuel. Le rôle des médias reste décisif.


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