Le rapport de l'Unesco sur les médias tunisiens n'a pas laissé indifférents les acteurs de la presse nationale présents dans la salle. Ceux-ci ont exprimé, en général, leur satisfaction de voir des recherches sur le secteur des médias voir le jour, mais ont également exprimé leurs opinions quant à la manière de réformer le secteur. Nous avons recueilli l'avis de quelques experts et journalistes sur la question. Larbi Chouikha, maître de conférences à Institut de presse et des sciences de l'information, considère que cette étude conduite par l'Unesco a été faite sur la base d'indicateurs précis, à même de mesurer le degré de développement des médias. «Si l'on prend en considération ce rapport et celui de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (INRIC) nous pouvons dire que nous disposons d'un patrimoine de référence qui permettra, s'il existe une réelle volonté politique, de mieux asseoir ce processus démocratique des médias», explique-t-il. Pour lui, trois urgences sont à gérer, tout d'abord l'élaboration d'un cadre juridique, autrement dit activer à tout prix le décret-loi 115 portant sur la liberté de la presse et le décret-loi 116 portant sur la haute instance de régulation pour la communication audiovisuelle. Deuxième urgence, c'est le désengagement total de l'Etat vis-à-vis des médias publics qui doit se faire au plus vite, afin de leur permettre de se déployer librement sans passer par les réseaux étatiques. Et enfin, il est important que les entreprises de presse, dans un souci d'autorégulation, s'alignent sur les standards internationaux, ce qui suppose que chaque entreprise de presse soit dotée d'un conseil de rédaction, d'une conférence de rédaction et d'une charte déontologique. Shirine Ben Abdallah, doctorante en sociologie des médias et chercheur à l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, explique pour sa part qu'il manque au rapport une analyse très importante, c'est celle de l'impact de la coopération avec les organisations internationales en termes de formation. Des formations qui représentent, selon elle, un coût financier non négligeable mais dont l'efficacité reste modeste, car la volonté des partenaires se heurte parfois à la réticence des journalistes qui ne se prêtent pas facilement au jeu de la formation. Les journalistes Salma Jelassi et Sana Seboui abondent quant à elles dans le même sens, estimant que la recherche académique doit être suivie de pas concrets et de décisions politiques, chose qui n'est pas si évidente, si l'on constate que des décrets-lois émanant de l'Etat tunisien sont restés lettre morte. Réagissant à la recommandation du rapport de décriminaliser la diffamation, la journaliste et syndicaliste Salma Jelassi insiste sur l'immunité des journalistes qui ne peuvent être considérés en tant que citoyens comme les autres puisqu'ils contribuent à la formation de l'opinion publique. Après tant de rapports et de débats autour des médias, les protagonistes s'accordent à dire que le temps des réformes concrètes est arrivé, des réformes qui ne peuvent être réalisées sans une véritable volonté politique.