Miser sur le moyen et le long termes. Le présent c'est déjà le passé! Après moult protestations et critiques pointant du doigt les défaillances et les lacunes du secteur sanitaire tant dans son domaine public que celui privé, et après la dépréciation palpable signifiée par une population mécontente quant à la qualité des prestations sanitaires et l'iniquité en matière d'accès aux soins, le ministère de la Santé publique apporte enfin une réponse prometteuse qui nécessite, néanmoins, la patience et un travail de longue haleine. Il s'agit de l'élaboration d'un projet réformateur visant à réviser la stratégie nationale en matière de santé et la préparation d'une politique sanitaire inclusive impliquant aussi bien les maîtres du secteur que les secteurs concernés que ce soit directement ou indirectement par la santé ainsi que la société civile. Le 8 octobre 2012, le coup d'envoi à un dialogue national sur les politiques, les stratégies et les plans nationaux de santé sera donné. Un projet qui s'étalera sur une année et dont la finalité consiste à réviser l'approche sanitaire, discuter d'éventuelles approches plus appropriées au contexte sanitaire ainsi que celui socioéconomique et à même de répondre aux besoins de la population dans le respect bien évidemment du budget accordé au secteur. Ce projet, concocté par un groupe d'experts et de spécialistes relevant du ministère de la Santé publique en collaboration avec des ONG œuvrant dans le domaine sanitaire et celui du développement social bénéficiera du financement de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS ). Pour annoncer ce projet au grand public et appeler ainsi les personnes impliquées dans le secteur sanitaire à y prendre part, le ministère de la Santé publique a organisé, hier, à son siège, un point de presse durant lequel l'intérêt requis à travers ce projet mais aussi des difficultés que connaît le secteur sanitaire à l'heure actuelle ont été débattus. Présidant ce point de presse, M. Abdellatif El Mekki, ministre chargé de la Santé publique au sein du gouvernement provisoire, a indiqué qu'il est temps de réviser les choix fixés et réalisés jadis par les décideurs dans ce domaine. Il a précisé que les défaillances actuelles ne sont autres que le fruit de ces choix et l'incompatibilité de cette approche avec le contexte socio-démographique actuel. Le ministre a souligné, également, qu'il n'est plus possible de se pencher sur des solutions de facilité et qu'il est impératif de réfléchir sur une réforme globale du système de santé. M. El Mekki a évoqué trois axes de mutations socio-démographiques majeurs en Tunisie, dont le changement démographique, celui épidémiologique et le changement du mode de vie. Pour ce qui est du démographique, le ministre a parlé de l'augmentation de l'espérance de vie qui a atteint les 75 ans (74 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes) et son impact sur les dépenses réservées à la santé publique. Le changement épidémiologique est étroitement lié au changement démographique. En effet, certaines maladies favorisées par l'âge s'avèrent de plus en plus notables, notamment celles chroniques qui touchent trois millions de Tunisiens. D'où la hausse des besoins en médicaments spécifiques. Le ministre a, par ailleurs, rappelé l'émergence de certains phénomènes sociaux dont l'impact sur la santé est redoutable, comme les accidents de la route ou encore la consommations de stupéfiants. «Les accidents de la route tuent pas moins de 1.400 Tunisiens. Le nombre des blessés est, logiquement plus important, d'où le coût des soins consacrés à ces malades lourds», fait remarquer le ministre. D'autant plus que le changement du mode de vie des Tunisiens vire au négatif surtout à cause d'une mauvaise hygiène de vie, placée sous le signe du tabagisme, de la consommation des boissons alcoolisées, la malbouffe, etc. Résultat: la Tunisie enregistre chaque année près de 11 mille cas de maladies cancéreuses, ce qui pèse lourd sur le budget de l'Etat. Le diabète, lui, touche 6% de la population globale et 9,8% de la population âgée entre 35 et 70 ans. Aussi, les diabètiques sont-ils 700 mille personnes. Quant à l'obésité, elle touche 30% de la population. Le surpoids est décelé chez 60% des Tunisiens. Seuls 10% des Tunisiens représentent un poids normal. Tous ces changements font que le contexte socio-démographique ne va plus de pair avec l'approche sanitaire. «le projet du dialogue national sur les politiques, les stratégies et les plans nationaux de santé aboutira sur des choix nouveaux, réformateurs, qui seront adoptés désormais», souligne le ministre. La feuille de route est toute prête Inclusif, communautaire et multipartite, ce projet, dont l'élaboration s'étalera sur une année, comprendra six étapes. La première commence déjà à prendre forme: elle consiste en la préparation d'une feuille de route et la mise en place des structures de gestion, à savoir un comité de pilotage, une unité de gestion et un comité de suivi. Il est à noter que le comité de pilotage compte aussi bien les acteurs du secteur de santé tant dans le domaine public que celui privé, mais aussi des représentants de la société civile, des représentants de secteurs stratégiques comme le transport, l'agriculture et autres, ainsi que des membres de l'ANC. La deuxième étape vise à dresser l'état des lieux sanitaires, d'analyser les problématiques et les aspirations majeures à partir de données précises sur la transition démographique et épidémiologique, l'iniquité quant à l'accès aux soins, les attentes de la population, etc. Quant à la troisième étape, elle permettra d'aboutir à un consensus fixant les objectifs futurs; un consensus qui sera annoncé lors d'une conférence nationale sur les états généraux de la santé. La quatrième étape sera assurée par le comité de pilotage du projet, qui s'appliquera à la formulation et l'adoption de la nouvelle politique sanitaire et l'élaboration de plans et stratégies à même de concrétiser la réforme. La cinqième étape de ce projet visera, par ailleurs, à la création d'un plan stratégique cadre qui s'étalera sur le prochain quinquennat. Enfin, l'intérêt sera axé sur le maintien de ce dialogue en tant que nouvelle tradition politique, favorisant l'échange et l'esprit inclusif. D'autant plus qu'il y aura une évaluation périodique permettant le suivi du projet. Certes, ce projet dénote une nette volonté de réformer l'un des plus basiques et des plus problématiques des secteurs stratégiques. Toutefois, il appelle les acteurs du secteur sanitaire à fermer l'œil sur des problèmes pressants vécus au quotidien non sans peine et à regarder, en bons optimistes, vers un avenir assez lointain. Alors que les syndicats de la santé publique réclament des droits et des interventions pressantes pour asseoir les jalons d'un climat de travail sécurisant, alors que le Tunisien s'inquiète en raison du manque de médicaments indispensables, les parties officielles, elles, projettent, sereinement, un projet à moyen et à long terme...