La Canadienne qu'on a eu à voir dimanche dernier a fait mieux que s'adapter. Au-delà de sa participation dans plusieurs festivals et concerts musicaux, elle a participé à former de jeunes Tunisiens à l'art du piano. Originaire de Bulgarie où elle a obtenu un diplôme d'études supérieures en musicologie, Milena Trifonova, artiste émérite d'Etat et disciple du légendaire Henri Neuhaus du Conservatoire de Moscou, a présenté de nombreux concerts et participé à des tournées et festivals internationaux un peu partout dans le monde. Du Nouveau Monde — le Canada, où elle a choisi de vivre —, elle a la verve et de l'Ancien — l'Europe—, la rigueur. Elle est ainsi devenue très populaire, se produisant souvent en solo. Son côté romantique la fait pianiste exemplaire dans Mozart, Beethoven et d'autres, tant en singleton qu'en groupes de musique de chambre. Solide et sensible, elle aborde Mozart, surtout dans sa musique de jeunesse: Fantaisie en Ré mineur, Variations «Ah vous dirais-je maman», Sonate – K 331, la majeur en quatre parties «La marche turque». Elle s'envole avec les Préludes op. 33 N°5 et N° 12 du Russe Serguei Rachmaninov. Habituée aux défis pianistiques, Milena Trifonova, menue dans sa robe noire, relevant de temps en temps une mèche rebelle, a conquis, dimanche dernier, à l'Acropolium de Carthage, une salle à moitié pleine dans cette première partie du récital. L'artiste trouve son second souffle au cours de la deuxième partie dédiée entièrement au musicien contemporain André Mathieu (1929-1968). Subtile et sensuelle, elle s'engage dans les premières œuvres de l'auteur qu'il a composées à un âge précoce (5 ans). La même fraîcheur accompagne la deuxième pièce qui est un hommage à Mozart enfant, opus 20. Toujours avec la même verve, elle se lance dans un Prélude romantique N°5, suivi de Laurentienne N°2, pour finir avec le Concerto de Québec. Le piano de Milena Trifonova, tour à tour précis et rebelle, amusé et sensuel, célèbre la qualité d'une musique de chambre profondément riche en sonorités voluptueuses. L'assistance, enchantée par tant de classe, a suivi le récital dans un silence absolu, entrecoupé, à chaque passage d'une pièce à une autre, par des applaudissements nourris. La standing ovation a été réservée à la fin du concert. Un bouquet de fleurs est remis à la talentueuse artiste pour une prestation qui valait la peine du déplacement. Décidément, l'Octobre musical de Carthage n'arrêtera pas de nous surprendre..