Par Foued ALLANI Même s'il est infesté de tares et de défaillances structurelles et conjoncturelles. Même s'il pullule de pseudo-entrepreneurs, d'entrepreneurs qui continuent de se dérober à leurs devoirs fiscaux, d'employeurs qui persistent à ne pas s'acquitter de leurs devoirs sociaux, notre tissu productif doit être protégé contre toutes les pratiques illicites et anti-concurrentielles qui minent notre économie et qui font de lui leur première victime. C'est là notre devoir à tous, celui de l'Etat en premier. Si l'hémorragie des biens de consommation, de capitaux, de devises... par contrebande a un impact très négatif évident sur les finances de l'Etat (manque à gagner et pertes dues à la compensation) et sur ceux des citoyens-consommateurs, l'inondation de notre marché local par des produits illégalement introduits a, elle, pour premières et grandes victimes, nos producteurs locaux. Toutes les branches des secteurs productifs sont pénalisées ou presque. Un fléau endémique qui a pris d'autres formes et touché encore d'autres produits après le déclenchement du processus révolutionnaire, il y a de cela plus de 20 mois. Cela sans parler des dégâts causés au secteur du commerce et aussi à celui des services. Anecdote tragi-comique, la poussée de bon nombre de «praticiens» étrangers se prétendant dentistes et offrant leurs services à bas prix. Phénomène qui a été dénoncé par les représentants légaux de cette profession soumise à une autorité ordinale en plus de celle de l'Etat. Denrées alimentaires, carburant, articles électroménagers, pneus, tabac, fer pour la construction et autres ont ainsi énormément parasité notre appareil productif tout en portant préjudice aux consommateurs eux-mêmes. Un trafic dont le volume a atteint 20% du PIB alors que dans les pays de l'Union européenne il n'excède pas le 1%. Le commerce du carburant en contrebande a, rappelons-le, menacé sérieusement le secteur de la distribution de ce produit à tel point que ses opérateurs avaient appelé à la grève. Celui du fer provenant illicitement d'Algérie a, quant à lui sérieusement pénalisé la production nationale. Les chiffres officiels parlent d'un manque à gagner de 39% au cours de ces huit premiers mois de 2012 par rapport à la même période au cours de l'année précédente et de 50% par rapport à la même période au cours de 2010. Entre autres conséquences, des constructions à haut risque pour leurs usagers et une asphyxie pour les cinq usines du pays qui produisent ce genre de matériau soumis chez nous à des normes rigoureuses de sécurité, ce qui n'est pas le cas chez notre voisin. Une situation alarmante qui a mobilisé les autorités publiques ainsi que les composantes de la société civile concernées. Des coups de filet ont permis de limiter les dégâts et la sensibilisation du consommateur a pris l'aspect de campagnes médiatiques de grande envergure. Là, l'on est en droit de s'interroger sur la légitimité d'une telle campagne lorsque l'on apprend qu'elle est organisée conjointement par l'Etat et non par la société civile seulement. L'Etat, lui, est tenu d'arrêter ce trafic, surtout que le carburant du commerce parallèle se vend sur les routes. Au lieu de se tromper de rôle, l'autorité concernée doit confisquer la marchandise et non jouer les communicateurs. C'est comme si l'Etat déclare son impuissance et essaye de responsabiliser le consommateur. Le message, si message il y a, serait un vigoureux rappel à l'ordre à l'intention des contrebandiers avec menaces de sanctions et vulgarisation des dispositions pénales qui couvrent ces crimes.