Créés par le philosophe américain Matthew Lipman (1922-2010), les ateliers de philosophie se répandent de plus en plus outre mer, et même dans des pays voisins, comme l'Algérie. Le principe surlequel se basent ces ateliers est qu'il n'y a pas d'âge pour philosopher. Ainsi, les membres d'un groupe formé de différents profils et origines peuvent se rencontrer autour d'une réflexion sur une question philosophique, qu'ils développent d'une manière interactive. Un groupe pareil vit cette expérience à Tunis, dans l'auberge de la jeunesse à la Médina. Les associations françaises Arp-philo et Coup de soleil, la Faculté de La Manouba et le club Unesco-Alesco Bardo sont partenaires pour ce projet, dont le deuxième volet aura lieu en mars 2013 en France. Danielle Dupin, présidente d'Arp-philo anime ces ateliers qui ont débuté le 25 octobre et qui se poursuivent jusqu'au 4 novembre (ils sont ouverts au public). Les participants, une dizaine, viennent de France, d'Algérie —où ils sont déjà membres d'ateliers philosophiques— et de Tunisie où le contexte de transition démocratique demande justement de telles initiatives pour encourager et encadrer la prise de parole. Le programme inclut des ateliers quotidiens, sur des thèmes comme «Ecoute», «Liberté» et «Identité et différence». L'inter-culturalité est un aspect important et un élément enrichissant de ces rencontres où la question posée et le processus de réflexion sont plus importants que la réponse. Le déroulement de chaque atelier se fait selon des étapes et des règles simples. On se base sur un support commun (texte, vidéo, photo) pour poser une question en rapport avec le thème de l'atelier. Un tour de table s'ensuit, puis un débat où chacun s'exprime librement, en argumentant et en donnant des exemples, dans le respect de son temps de parole et de celui des autres participants et, enfin, un dernier tour de table afin de mesurer le chemin parcouru en écoutant les autres. «Apprendre à penser par et pour soi-même, avec les autres», résume Danielle Dupin, concernant l'objectif principal des ateliers philosophiques. Il y en a un autre, celui de former les participants à animer des ateliers à leur tour. Ils sont d'ailleurs chargés, tour à tour, d'élaborer une synthèse, un compte rendu ou des observations des ateliers, tout en apprenant que l'animateur n'a pas de message à délivrer, il veille seulement au processus. De plus, en parallèle avec l'activité à l'auberge de la jeunesse, le club de français de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de La Manouba accueille une formation à l'animation d'ateliers de réflexion partagée, en présence d'une douzaine de professeurs et d'étudiants. Ce n'est là qu'un exemple du public cible des ateliers de philosophie. «De 5 à 80 ans, tous les publics nous sont possibles», explique la présidente d'Arp-philo. L'expérience a, certes, commencé avec les enfants, mais elle a été tentée, avec succès, avec différents groupes et dans différentes institutions, comme les maisons de retraite et les prisons. Il y a même, en France, un atelier «philo-foot», où les joueurs s'adonnent pendant leur pause à une réflexion philosophique collective, en relation avec leur discipline sportive. Les ateliers philosophiques sont donc parmi nous jusqu'au 4 novembre et il revient aux associations locales de prendre le relais et d'organiser de tels cercles où l'on réfléchit sur soi et sur son appartenance à l'humanité, où l'on apprend à écouter et à développer une pensée critique et créative, tout en favorisant sa confiance en soi et ses capacités d'expression à l'oral. Tant d'outils nécessaires aux Tunisiens pour construire l'avenir sur de bonnes bases.