Dar El Amal est le centre d'accueil de l'Association de lutte contre le cancer dans le Sud tunisien. En 1993, deux services de radiothérapie et de cancérologie ont été créés à l'hôpital Hédi-Chaker de Sfax. Dr Mounir Frikha et Dr Jamel Daoud ont constaté que les malades non hospitalisés, originaires des zones intérieures et des gouvernorats du Sud tunisien, et ceux qui les accompagnent passaient la nuit dans le jardin de l'hôpital. «En premier lieu, nous avons pensé à louer à ces gens qui n'ont pas de l'argent pour avoir une chambre dans un hôtel. Ensuite, nous avons eu l'idée de créer un centre d'hébergement gratuit. Dar El Amal compte actuellement 26 lits. Elle héberge annuellement entre 250 et 280 malades», explique Dr Frikha, président de l'association. Le centre de Dar El Amal est formé d'un rez-de chaussée et de deux étages. Au rez-de-chaussée, une unité de dépistage du cancer du sein par mammographie, une salle de lecture, une salle d'attente et une cuisine. Aux étages, les chambres. Les rayons des femmes et des hommes sont séparés par un couloir. On trouve, également, aux étages les douches et les toilettes. Au deuxième étage, une grande salle de réunion pour les médecins a été aménagée. A côté, il existe une deuxième salle de lecture des mammographies. Les malades sont hébergés à Dar El Amal et les soins se font à l'hôpital. Une cuisine au rez-de-chaussée du centre a été aménagée. Les malades préparent seuls leurs repas. Et c'est l'association qui assure les fournitures nécessaires. «Nous voulons que le malade se sent chez lui. Aucune contrainte n'est exercée dans le centre. Dans une grande salle, les malades se rencontrent, préparent à manger et regardent la télévision. Il y a un peu de thérapie de groupe. Au-delà de l'hébergement, l'association aide les malades pour le transport et l'achat de médicaments. Le budget de l'association est constitué par des donations de personnes physiques. L'Etat n'y participe pas», précise Dr Frikha. Dépistage du cancer du sein Le cancer du sein est de loin le premier cancer de la femme en Tunisie. Son incidence, actuellement de 28 pour 100.000 femmes au Sud tunisien, va doubler en 2020, pour toucher une Tunisienne sur douze, au lieu d'une Tunisienne sur 24 actuellement. Les raisons de cette augmentation d'incidence sont multiples. En plus des changements démographiques, avec la tendance au vieillissement de notre population, nous assistons à une occidentalisation de nos habitudes avec un âge au mariage de plus en plus tardif, un âge de la première grossesse de plus en plus avancé, une diminution de la durée de l'allaitement. En 2004, un autre volet de travail associatif s'ajoute au programme de l'association avec l'obtention d'une mammographie qui est un don du Japon. «Depuis 2004, nous avons mené notre deuxième action importante qui est le dépistage du cancer du sein par mammographie. Les cinq délégations de Sfax sont concernées par cette action. Le dépistage intéresse les femmes âgées de plus de 45 ans, une population de 60 mille femmes. Notre association peut établir une couverture de 60 % de cette population c'est-à-dire 35 mille femmes. En Tunisie, les femmes sont atteintes dix ans avant par le cancer du sein que les femmes en Europe. Et pour ne pas rater ce pic d'incidence, on a préféré commencer le dépistage à 45 ans. Ainsi, nous organisons des campagnes de sensibilisation à travers les médias. Les sages-femmes de l'Onfp font un grand travail et invitent les femmes à visiter notre unité de dépistage». Marathon féminin De même, «nous organisons, au mois de mai, le marathon féminin qui est une action de sensibilisation sur l'importance de dépistage du cancer du sein», ajoute Dr Frikha. L'association a recruté deux techniciens de radiologie et trois radiologues conventionnés pour la lecture des mammographies. Chaque vendredi, une réunion se tient pour détecter les patients et les diriger vers les consultations respectives. «Nous croyons que le seul test qui permette la détection du cancer du sein est la mammographie. Ainsi, nous appelons l'Etat à généraliser cette action à travers toute la Tunisie. Il faut commencer à réfléchir sérieusement à promouvoir cette action pilote, surtout que le taux du cancer du sein va doubler d'ici 15 ans. Pourquoi pas des unités de dépistage dans chaque gouvernorat et des unités de mammographie mobile pour les zones rurales», explique notre interlocuteur. A ce jour, plus de 10.000 femmes se sont présentées à Dar El Amal pour ce dépistage. Jusqu'en juin 2009, soixante et onze cas de cancer ont été dépistés et ont été pris en charge. La majorité de ces cancers étaient au stade de début ; et ces femmes ont été sauvées d'une maladie qui aurait pu leur être fatale. Le seul point négatif de cette expérience est le taux de participation faible : 16.3%, alors qu'on espérait un taux supérieur à 60% pour assurer une meilleure efficacité. Ce taux s'améliore au fil des années, mais nécessite un effort supplémentaire d'information et de sensibilisation. La participation au dépistage diminue avec l'âge et augmente avec le niveau intellectuel. Toutes les femmes habitant Sfax et âgées de plus de 45 ans peuvent bénéficier une fois tous les 2 ans d'une mammographie, un examen simple qui ne demande que 10 à 15 minutes, et qui peut sauver leur vie. «Dar El Amal est actuellement la seule structure en Tunisie qui poursuit cette campagne de dépistage du cancer du sein par mammographie. Elle fonctionne grâce aux donateurs, que nous tenons à remercier», conclut Dr Frikha.