La soledad de Jaime Rosales touche par sa sensibilité, son réalisme et sa simplicité, soutenu par un casting impeccable qui a su donner la juste valeur à une méditation intéressante sur la vie et la mort L'actuelle édition des Journées du cinéma européen touche à sa fin et les cinéphiles tentent de profiter de ce qu'elle offre de mieux comme longs et courts métrages. C'est ainsi que dans une salle (El Hambra) presque comble, on a projeté jeudi dernier, le film Soledad (La solitude) du réalisateur espagnol Jaime Rosales . Il s'agit de l'histoire de deux femmes qui ne se connaissent pas et qui ne vont pas se connaître. La première, Adela, est une jeune provinciale qui s'installe à Madrid avec son bébé et qui essaie tant bien que mal de commencer une nouvelle vie. Quand, tout à coup, elle perd son bébé dans un attentat (autobus piégé). La deuxième, Antonia (la soixantaine), mène une vie ordinaire entourée de ses trois filles et de son compagnon. Un jour, en faisant le ménage tranquillement, elle a une attaque cardiaque et meurt en silence dans la solitude la plus absolue. Dès le premier plan, on réalise que La soledad ne manque pas d'originalité. Le film s'ouvre sur un décor planté : des vaches broutent dans un pré, un poteau électrique parfaitement vertical en plein centre de l'image coupe le plan en deux parties, presque isolées. Le réalisateur utilisera, d'ailleurs le processus du «split screen» durant tout le film. Les personnages évoluent en livrant de manière assez troublante différentes perspectives d'un même lieu. Et plus l'effet s'étire, plus on réalise que ce n'est pas seulement un effet de style. En effet, cette polyvision est utilisée comme un langage qui renforce la distance émotionnelle séparant les personnages. Plusieurs dialogues sont filmés de cette manière : un personnage de profil à gauche, l'autre de face, en passant du gros plan au plan d'ensemble. Tour à tour, chacun est isolé des autres, ce qui provoque une grande sensation de vulnérabilité et de solitude, d'où le titre. Cela dit, et même si ce dispositif du double écran séduit au début, il perd peu à peu le charme de sa nouveauté. Epreuve solitaire... Tout le film est basé sur l'idée: On naît seul, on meurt seul. Et même si la naissance, par définition, suppose une relation à l'autre, les différends ressentis de toute une vie sont uniques et propres à chacun. Personne ne peut les vivre à notre place quelle que soit sa relation avec l'autre. Le cas de cette maman protectrice (Adela) qui ne peut vivre la mort à la place de son bébé, ni même lui tenir compagnie durant cette expérience (l'attentat). Idem — concernant la solitude dans la mort — pour l'autre maman (Antonia) qui, lors de sa mort, n'était accompagnée de personne, même pas son compagnon ou ses filles. Donc, seul ne veut pas dire isolé, c'est ce que dit le film. On n'y parle pas d'isolement, seul le cadrage provoque ce sentiment de solitude. Chacun est livré seul à ses souvenirs, ses angoisses, ses douleurs... Soledad de Jaime Rosales touche par sa sensibilité, son réalisme et sa simplicité, soutenu par un casting impeccable qui a su donner la juste valeur à une méditation intéressante sur la vie et la mort.