A pied ou à cheval, ou même cloué dans une chaise roulante, à ne jamais renoncer à la vie, aussi métamorphosée soit-elle. C'est du moins le nœud fondamental de l'intrigue de cavaliers seuls. Récemment sorti en salles, en France, ce film documentaire de Delphine Gleiz et Jean Rochefort dépeint le silence des hommes et le brouhaha des passions. Au carrefour des solitudes, figurent deux hommes et une femme. Occupant un fauteuil électrique, Marc Bertrand de Balanda est un ancien champion international de saut d'obstacles. Sa gloire de grand cavalier n'est plus qu'un lointain souvenir. Et son âme tourmentée fait parfois vibrer son corps immobile. Au seuil de la mort, ce vétéran séducteur a choisi de faire passer son savoir-faire de cavalier au jeune Edmond, inlassable féru d'équitation. De là, les deux hommes réunis par l'amour des chevaux seront, au fil des jours, à l'épreuve du cycle, notamment celui des vies. En d'autres termes, l'un aide à monter celui qui l'aide à descendre. De ce fait, dans la panoplie des sensations, retenue, tendresse, humour et rudesse s'opposent et se complètent, brouillant les repères du spectateur. A leurs côtés, l'auxiliaire de vie de Marc, Martine, se montre touchante et digne, surtout lorsqu'elle fixe des prothèses aux genoux de son compagnon. La caméra alterne, ainsi, flash-back, travelling et gros plans pour suivre de près le quotidien de ces trois individualités solitaires. Les réalisateurs jouent, donc, sur l'image pour livrer à nu les pensées de chacun. C'est en son for intérieur que Marc ressent deux objectifs contradictoires à réaliser: tirer sa révérence élégamment en contribuant à l'arborescence d'une autre vie, celle d'Edmond. Aussi, le film donne à lire et à voir une réflexion sur l'apparence et la vérité, l'aspect extérieur et l'identité véritable, la dignité perdue, mais aussi celle retrouvée. Tout autant qu'une réflexion sur l'acte et son intention. C'est dans cette même perspective que la marche du cheval devient un acte cinématographique fort symbolique dans cette œuvre documentaire. Ce serait, fort probablement, une allusion à la fois directe et indirecte aux traces de l'homme vis-à-vis d'un temps qui ne suspend jamais son envol. Un sentiment d'humanité profonde traverse, du reste, ce film, conférant à ses personnages —ces véritables deltas de destinées — une beauté excessive.