Mohamed Mediouni, en sa qualité de directeur de la 24e édition des JCC (Journées cinématographiques de Carthage), a choisi de rompre enfin le silence. Il s'est expliqué, lors d'un point de presse tenu jeudi dernier à la Bibliothèque nationale, à propos des problèmes d'organisation qui ont fait couler beaucoup d'encre et provoqué la colère des cinéphiles. Rappelons d'abord ce qu'on reproche aux organisateurs de cette 24e édition des JCC qui a eu lieu du 16 au 24 novembre 2012. Tout a commencé par l'affiche. Une fois dévoilée, celle-ci a créé le buzz sur les réseaux sociaux. Il s'agit d'une photo signée William Perugini qui appartient à la banque d'images «Despositphotos». Après en avoir acquis les droits, on l'a légèrement retouchée, l'utilisant pour illustrer la nouvelle édition du festival qui voulait —par le choix du portrait de «la belle femme noire sur fond blanc»— se réconcilier avec son identité africaine. Les «facebookers» qui avaient crié, trop vite, au «vol manifeste», reprochaient également aux organisateurs leur manque de créativité et le fait qu'ils n'aient pas pensé solliciter les jeunes graphistes tunisiens, capables de faire autant, sinon mieux, et inscrire l'affiche dans son contexte de post-révolution. Le bureau de presse des JCC a tout de suite réagi pour recadrer les choses et dire que les droits de la photo en question ont été achetés auprès de leurs dépositaires et que le comité directeur du festival assumait ses choix artistiques. Concernant le programme, à peine a-t-il été annoncé, qu'il n'a pas laissé les gens du secteur indifférents. La section «compétition nationale des courts métrages», qui faisait le bonheur des jeunes cinéastes, de plus en plus productifs et avides de visibilité, a été annulée. Le cinéma du réel, genre très à la mode dans le paysage cinématographique tunisien et de plus en plus intéressant au niveau de la quantité, de la qualité et de la diversité des écritures, n'a pas eu l'attention qu'il méritait. Bien que primés dans d'autres festivals internationaux, certains titres ont été casés «a-t-on dit» dans des sections fourre-tout, sans avoir une place de choix au programme. Mais c'est surtout l'ouverture qui a fait déborder le verre. Cette dernière s'est déroulée dans une atmosphère d'émeute. La cerise sur le gâteau était le long métrage en compétition, Je ne mourrai jamais de Nouri Bouzid, dont la projection a été annulée (puis reportée), à la dernière minute, en présence d'un énorme public, pour des raisons techniques. La liste de reproches est longue entre changements de programme, pannes techniques, retards de projections et désistements d'invités de marque. Mais que s'est-il passé au juste ? Parole à la défense En prenant enfin la parole pour s'expliquer, Mediouni et une partie de son équipe ont invité les journalistes présents au point de presse, à voir les bons côtés de cette 24e édition des JCC. Autrement dit, à voir le verre à moitié plein. Ainsi, et en prélude, Mediouni a procédé à une relecture totale et en détail du programme. Tant bien que mal, on a réussi à projeter 280 films dont 77 tunisiens. 2.000 abonnements et 40.000 billets ont été vendus. Conclusion : malgré le budget insuffisant, toutes les difficultés techniques, les erreurs d'organisation et de coordination —causées, entre autres, par la démission de certains membres de l'équipe—, et l'inconfort des salles, les JCC ont confirmé encore une fois leur popularité. Mais il fallait quand même «chercher l'erreur». La première est la suivante : il est inconcevable de préparer un festival aussi important avec si peu de moyens humains et matériels (600.000 D) et en si peu de temps (5 mois). Mediouni a précisé que le secteur cinématographique souffrait déjà de plusieurs problèmes qui ne pouvaient que se refléter sur les JCC. Dépendant étroitement du ministère de la Culture, ce festival ne peut que subir les vicissitudes de l'administration. C'est, entre autres, pour cela qu'il y a eu, nous dit le comité directeur, tous ces incidents techniques. Le nombre de machines et de matériel, qui devaient assurer les projections, était insuffisant. «On s'attendait à recevoir 11 machines, l'on s'est retrouvé avec 4 seulement», a ajouté Mediouni. Cela n'est qu'un exemple, le reste résulte d'un manque de clarté : qui fait quoi et qui décide de quoi ? Maintenant que la fête est finie, il est temps d'en tirer les leçons et de se poser les bonnes questions. Par devoir de réserve, et occupé à sauver la face du festival, Mediouni ne voulait rien déclarer. Aujourd'hui, il se prononce en relançant le débat autour de cette question devenue classique : est-ce que les JCC ne gagneraient pas à être confiées à une structure permanente et entièrement indépendante du ministère de la Culture ?