Visiter une exposition de Samir Makhlouf est toujours une expérience délicieuse qui pourrait s'apparenter à une traversée du miroir. L'univers dans lequel nous invite à pénétrer Samir Makhlouf ressemblerait à celui de Lewis Caroll. Et les textes ciselés qui accompagnent les œuvres doublent le plaisir esthétique d'un plaisir intellectuel. Chez cet artiste qui ne voit rien comme tout le monde, qui est également architecte et architecturologue, les maisons s'envolent, les tables se dressent à l'envers et les grenouilles géantes racontent d'étranges histoires. Fidèle à la galerie de la Médina où il retrouve ses aficionados inconditionnels, Samir Makhlouf investit les lieux en poète, en conteur. Ses œuvres sont autant de séquences de «vies à l'envers». Car ce que l'on y voit, ou qu'on croit y voir, n'a rien, mais alors rien à voir avec ce qu'il veut nous dire. Et c'est quand vous croyez avoir compris que vous avez tout faux en fait. Car, lui-même, il le reconnaît, n'a rien compris. Et c'est probablement cette incompréhension qu'il essaie de partager. De toutes les façons, il n'y a rien à comprendre. Tout juste à appréhender avec le cœur, avec les yeux, avec plaisir et avec sensibilité. Je n'aurais qu'un reproche à faire à Samir Makhlouf : c'est de ne pas avoir réalisé un catalogue qui nous permettrait de garder la mémoire de ces textes craquants qui illustrent et expliquent — mais expliquent-ils vraiment ? — les énigmes que posent ses tableaux. Tableaux dont je réalise, à l'issue de cet article, que je n'ai rien su vous en dire. Sauf, peut-être : courez les voir.