Par notre envoyée spéciale Olfa BELHASSINE Malgré ses énormes réserves pétrolières les Emirats Arabes Unis cherchent à mettre en place une stratégie de diversification de leurs ressources. Objectif : préserver les flux de devises étrangères qui inondent la fédération, y compris après la disparition de la rente pétrolière. S'exprimant dans un bon anglais et drapée d'un noir nikab (voile intégral), la fonctionnaire de la municipalité de Fujairah présentait, dans ses atours traditionnels, aux journalistes invités pour les célébrations de la fête nationale émiratie, le 2 décembre de chaque année, les projets futuristes de son émirat. Agrandissement du réseau routier, développement des activités de loisir en rapport avec le tourisme et création d'une zone franche virtuelle transformeront complètement, selon les projections de la dame, la physionomie de Fujairah cernée de montagnes noires et bordée de quelques plages au sable blanc et aux récifs coralliens. Sous cette apparence particulière, la fonctionnaire voilée de noir, qui fait partie de la population de femmes diplômées en évolution constante dans ces contrées, résume quelques uns des paradoxes d'un Etat fédéral constitué de sept émirats unis depuis le départ des Anglais en 1971. «Mon pays n'est pas le voisin de la Suisse !» Un Etat, en quête perpétuelle d'équilibre entre une société hyper conservatrice et une économie à 90 % urbaine, puisant majoritairement dans une main-d'œuvre importée du monde entier. Le vent des révolutions arabes ne semble pas avoir fait bouger beaucoup de choses ici... «Mon pays n'est pas le voisin de la Suisse ! Nos frontières sont entourées par des pays peu commodes. Il ne peut évoluer qu'au rythme d'un jeune Etat, qui ne se prétend pas être démocrate-libéral mais essaye d'améliorer sa gouvernance, la qualité de l'enseignement offert à ses citoyens et de donner plus de place aux femmes sur la scène publique», soutient le Dr Anwar Gargash, ministre d'Etat des Affaires étrangères. En quarante ans, les EAU ont muté de petites entités tribales, pauvres, démunies de toute infrastructure de base, vivant, dans un territoire dominé par les sables mouvants, uniquement de la pêche perlière, qui périclitera avec le développement de la perle de culture en des Etats les plus riches au monde. Au début des années 60, un premier gisement d'hydrocarbures est découvert à Abou Dhabi, le plus vaste des sept émirats, qui concentre aujourd'hui 90% des richesses pétrolières des Emirats et 10% des réserves mondiales. Avec les nouveaux flux financiers qu'entraine la rente pétrolière, un gigantesque programme de construction de routes, d'écoles, de logements et d'hôpitaux est lancé très vite par le Cheikh Zayed Bin Sultan Al Nahyan, souverain d'Abou Dhabi qui dirigera par la suite les EAU jusqu'à sa disparition en 2004. Moins favorisée en gisements pétroliers, Dubaï marche dans les pas d'Abou Dhabi, capitale des Emirats, tout en se tournant, depuis les années 90, vers le développement de nouvelles ressources, tels les ports francs, les nouvelles technologies, le tourisme de luxe et de shopping et la promotion immobilière de très haut standing. Dubaï, ville de tous les records Cheikh Khalifa succède à son Cheikh Zayed en 2004 et décide de multiplier les réformes structurelles en vue d'aborder au mieux la transition énergétique. A une ère où les ressources pétrolières vont se faire de plus en plus rares, les dirigeants des EAU cherchent à mettre en place d'autres alternatives pour conserver l'arrivée des devises étrangères nécessaires à son essor. «Désormais, nous parions sur l'économie du savoir pour trouver un nouvel équilibre économique indépendant du secteur pétrolier. Notre stratégie consiste également à mettre en valeur nos atouts naturels et culturels tout en axant sur notre politique de partenariat avec les autres pays en matière de transfert de technologie. Afin de continuer à garantir une vie meilleure à nos citoyens et à tous ceux qui veulent profiter des divers services des Emirats. Ainsi à Abou Dhabi, un département de l'université de la Sorbonne a déjà ouvert ses portes. Bientôt sur l'ile Essadiyat, les touristes pourront visiter les musées du Louvre, du Guggenheim et du Cheikh Zayed», affirme Mohamed Omar Abdallah, haut cadre au département du développement économique à Abou Dhabi. De son côté Dubaï, ville qui aime nourrir l'extravagance et collectionner les records, donnera carte blanche aux architectes les plus côtés au monde pour bâtir ses gratte-ciel, dont la tour la plus haute au monde, le Bordj Khalifa, haut de 800 mètres. Mais aussi les mall les plus grands, le palais de la foire le plus vaste, la station de ski la plus gigantesque... «Nous ne voulons pas subir le sort de plusieurs pays africains et asiatiques où le pétrole a représenté une malédiction !», insiste Dr Zaki Nassiba, vice-président du Conseil d'Abou Dhabi pour la culture et le patrimoine. Abou Dhabi : leader mondial du développement durable En 2007, Abou Dhabi présentait sa vision économique à l'horizon 2030 conçue par le Conseil de la planification urbaine, nouvellement formé. Au centre de la stratégie, qui vise à produire des énergies propres tout en transformant le modèle économique de la ville, le projet Masdar City. Sur une superficie de 6 km2, Masdar (Source) se situe à 30 km du centre-ville, dans la zone de l'aéroport. On y prévoit la création d'une Sillicon Valley pour les énergies renouvelables, «un laboratoire grandeur nature pour expérimenter les innovations en matière d'écologie», insiste Dr Nawal Al Hosani, directrice à Masdar. En novembre 2010, l'Institut Masdar pour la recherche mis en place avec le prestigieux Massachusetts Institute of technology accueillait ses premiers étudiants. Mais le « clou » de la station, qui a valeur de symbole et de positionnement stratégique, sera probablement Masdar City, dont la date d'inauguration est prévue pour l'année 2016. C'est la première ville au monde « 0 carbone » », sans déchets et n'utilisant pour fonctionner que l'eau recyclée et l'énergie solaire, thermique et photovoltaïque qui est en train d'émerger du désert (encore un record). Le projet de la cité, un carré de 1,5 km de côté, inspiré de la ville en terre de Shiban au Yémen dessiné par le cabinet d'architecte britannique Foster & Partners accueillera 40.000 habitants. Et dans cette région où les gens semblent férus plus que tout de grosses berlines, notamment américaines, allemandes et japonaises flambantes, les citoyens de Masdar City oublieront leurs voitures pour se déplacer via un dispositif de transport en commun non polluant. Un marketing agressif accompagne l'évolution de l'ensemble du projet dont le cout s'élève à 15 milliards de dollars. Une manière de convaincre sur le temps une population, ancrée dans ses traditions, de l'importance stratégique d'une transition écologique ? Probablement... Repères Population totale : 8. 260. 000 habitants, dont 7.300.000 d'étrangers : les non nationaux représentent 88,5 de la population totale. La Fédération : depuis l'année 1971 et la création d'une fédération, les EAU regroupent sept émirats : Abou Dhabi, Dubaï, Ajman, Sharjah, Fujaïrah, Ras Al Khayma, Oum Al Qaiwain. Abou Dhabi : occupe 87% de la superficie totale du pays, sa capitale est le siège du gouvernement fédéral des sept émirats. Pétrole : les EAU détiennent 10% des réserves pétrolières mondiales. Echanges commerciaux : 52% avec les pays asiatiques non arabes, 17% avec les marchés européens, 8% avec les pays arabes. Taux d'alphabétisation : 88,7%