Par Abdelhamid GMATI Au début, il y a eu les salafistes qui ont sévi dans le pays, apportant et instaurant la violence politique. Leurs agression, verbales et physiques, contre les artistes, les journalistes, les partis d'opposition, les opposants, les représentants de la société civile, les universités et même contre les forces de l'ordre et les bâtiments officiels sont restées impunies, par la grâce du laxisme et de la bienveillance du gouvernement, particulièrement par le principal parti au pouvoir, qui les considère comme ses enfants. Mais vu l'ampleur de leurs méfaits, surtout après l'attaque contre l'ambassade américaine, il ne pouvait plus reculer et poursuivre sa politique d'autruche et se devait de sévir. Du coup, les salafistes ont été mis en veilleuse et ont été remplacés par des soi-disant comités autoproclamés «protecteurs de la Révolution». Ces milices réactivées ont pris la relève et en quelques semaines ont multiplié les exploits, s'en prenant comme leurs prédécesseurs à tout ce qui s'oppose et critique le gouvernement et Ennahdha. Le chef du gouvernement a bien identifié les cibles de ces milices. Dans une interview récente à un journal arabe, M. Hamadi Jebali a estimé que le plus grand défi auquel fait face son gouvernement est l'élite politique du pays, qui n'a pas participé à la révolution et qui «veut la voler». Donc, c'est aux «protecteurs de la révolution» de l'en empêcher. Ce faisant, le Premier ministre nahdhaoui s'exclut et exclut son gouvernement et son mouvement de l'élite politique du pays. Jusqu'ici, on croyait naïvement que les élus à la Constituante, les membres du gouvernement et tous les gouvernants faisaient partie de l'élite. Grosse désillusion. Mais on comprend mieux toute l'incompétence dans la conduite des affaires du pays. Et on comprend pourquoi ce sont les opposants, les organisations nationales, dont en particulier la Centrale syndicale, les artistes, les médias, qui sont régulièrement attaqués par ces milices : parce qu'ils font partie de l'élite. Sous d'autres cieux, on est fier de son élite car c'est une richesse, un gage et un élément de la réussite et de la prospérité et on ne la désigne surtout pas comme l'ennemi numéro un. Le dernier grand exploit de ces «protecteurs» a focalisé sur eux l'attention générale et même à l'étranger. «Il est temps de sanctionner les ligues de protection de la révolution», a estimé le porte-parole de la Présidence de la République. Mais d'autres, pratiquement tous les partis politiques, les organisations nationales et la société civile, appellent à leur dissolution. Sauf le mouvement Ennahdha et ses satellites qui veulent les protéger. Car ces ligues, ces milices, les protègent en s'attaquant et en terrorisant leurs adversaires. L'ineffable secrétaire général du CPR, Mohamed Abbou, ex-défenseur des droits de l'Homme, va jusqu'à déclarer, sans rougir, que «la dissolution des ligues de protection de la révolution serait une atteinte aux principes des droits de l'Homme et à la loi». Les principes des droits de l'Homme et la loi auxquels il se réfère n'interdisent-ils pas la violence sous toutes ses formes ? Le secrétaire d'Etat tunisien chargé des Affaires européennes, M. Touhami Abdouli, a fait part de l'inquiétude de partenaires étrangers des agissements de ces LPR : «Ils se demandent ce que sont en train de faire ces ligues et ont fait part de leur inquiétude concernant leurs agissements car il est hors de question que ces ligues se substituent aux lois et aux institutions du pays». De fait, depuis les élections du 23 octobre 2011, le pays s'est doté d'une Assemblée constituante et d'un gouvernement capables de protéger la révolution et d'en concrétiser les objectifs. Alors pourquoi ces milices qui pratiquent la violence, sèment la discorde et portent préjudice au pays et à la révolution ? Il est déplorable de s'entendre dire par le secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale internationale que l'agression contre l'Ugtt a choqué tous les syndicats du monde, qu'elle est une atteinte aux valeurs démocratiques et qu'il s'étonne de la passivité du gouvernement. On pensait être fiers de notre révolution qui, jusqu'ici, nous a valu l'estime, la considération et le soutien du monde entier. Alors ? Va-t-on réagir ? et le gouvernement va-t-il agir comme doit le faire le gouvernement de tous les Tunisiens ? Ou va-t-il continuer à servir les desseins du mouvement Ennahdha et de son gourou qui mènent le pays vers le chaos ?