Les révélations mises au jour hier par M. Ali Larrayedh, ministre de l'Intérieur, sont terrifiantes. On le devinait depuis peu grâce à un faisceau de faits et d'indices. Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) a bien tissé sa toile sous nos cieux. En fait, aux dires du ministre de l'Intérieur, le premier noyau d'une cellule qu'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) voulait implanter en Tunisie a été démantelé. Elle est baptisée Brigade d'Okba Ibn Nafaa. Seize de ses membres ont été arrêtés tandis que dix-huit autres de leurs complices demeurent recherchés. Les ratissages se poursuivent notamment au Jebel Chaambi, dans la région de Kasserine et dans la région d'Aïn Drahem. Ladite brigade était sur le point de perpétrer des actes terroristes, dont l'attaque de postes de sécurité et d'autres établissements, au nom du djihad et de la charia. Les terroristes arrêtés sont très actifs au sein du groupe jihadiste Ansar Chariâ. Ils ont une moyenne d'âge de 30 ans. Ils sont entrainés en Libye et dans le désert algérien. Encadrés par des individus liés aux «émirs» d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, notamment Abou Mossab Abdelwadoud ainsi que les groupes impliqués dans les actes terroristes de Rouhia en 2011 et de Bir Ali Ben Khalifa en 2012. Désormais, terrorisme ad portas (le terrorisme frappe à nos portes) pourrions-nous dire. Jusqu'ici, on se croyait prémuni contre ce fléau. Ou bien il paraissait hypothétique et lointain, non sans quelques apparitions sporadiques. On le croyait un peu fantasque même. Mais la réalité est tout autre. Ce qui frappe ailleurs, dans les pays les plus sécurisés de surcroît, ne nous épargne guère. Pour le Tunisien moyen, le choc psychologique de cette annonce équivaut à une épreuve. La tradition séculaire de modération, de tolérance et de sagesse propre aux Tunisiens s'en retrouve ébranlée. Ils ne se reconnaissent plus dans certains de leurs compatriotes, si peu nombreux soient-ils. Ils cultivent des craintes légitimes, des angoisses, des peurs. Le pire, c'est que ces groupes agissent au nom de l'Islam. Dieu est instrumentalisé à des fins criminelles non avouées. Sans scrupules, ni morale. L'attribut essentiel de notre identité commune est détourné. En ces temps difficiles, l'union sacrée s'impose. Quels que soient les différends qui divisent la classe politique, la préservation de la paix sociale s'impose comme une urgence. Certes, on croise le fer, on guerroie pour des considérations politiciennes. On se chamaille à longueur de journée et l'on s'étripe à n'en plus finir. Mais les joutes demeurent somme toute soft, hormis quelques séquences douloureuses et drames irréversibles. Cependant, le socle commun est toujours indemne. La Tunisie, les valeurs de la République sont — doivent être — le bien indivis entre tous les protagonistes. La loi, instrument par excellence de la règle de droit, sanctionne les bévues, les incuries et les écarts. Aujourd'hui, il faut savoir préserver la Maison Tunisie. Les semeurs de discorde et fauteurs de troubles s'immiscent via les lézardes dans l'édifice politique, institutionnel et constitutionnel. La phase transitoire que nous vivons favorise les incursions et interférences extérieures. Et puis, au bout du compte, il faut se dire que les forteresses inexpugnables sont prises de l'intérieur. Plus le consensus autour des questions essentielles et fondamentales est opérationnel, plus le ciment de l'unité nationale est efficient. Aujourd'hui, ce consensus s'appelle élaboration de la Loi fondamentale, la Constitution, la tenue des élections et la mise en place des attributs d'une vie politique démocratique. Le terrorisme est, par définition, une menace permanente. Nul n'en est, théoriquement, à l'abri. Ce serait même une espèce d'épée de Damoclès suspendue au- dessus de la tête de chacun, indéfiniment. Mais certaines sociétés s'y prêtent plus que d'autres. Etre un bon politicien, signifie savoir s'élever à l'intelligence du moment historique. Aujourd'hui, toute la classe politique tunisienne est interpellée. Saura-t-elle être au rendez-vous, honorer le mandat dévolu par les électeurs, faire aboutir les échéances impérieuses ? L'avenir proche nous le dira.