La révolution de la Liberté et de la Dignité déclenchée et vécue par le peuple tunisien, fut une rare occasion à saisir pour se débarrasser à jamais de la dictature. Beaucoup de rumeurs ont circulé sur le rôle joué par les agents de sécurité. Comment ceux-ci ont-ils vécu les péripéties de ces évènements ? Quel rôle auront-ils à tenir dans l'avenir ? Pour lever le voile sur certaines zones d'ombre, le Syndicat des fonctionnaires de la Direction Générale des unités d'intervention, a organisé hier au centre d'équitation de La Soukra, un séminaire où beaucoup de révélations ont été faites. Représentants de partis politiques, de la société civile et des personnalités nationales étaient de la partie, en présence des cadres du ministère de l'Intérieur. A l'ouverture des travaux, Mohamed Lazhar Akrmi, ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, chargé de la Réforme, commence par rappeler qu'on ne puisse vivre sans sécurité, en ajoutant que « ceux qui prétendent que la Sécurité est le premier perdant de la Révolution, se trompent. Au contraire, le premier gagnant est la sécurité. Durant des années il y avait une rupture entre la société civile, la société politique et la sécurité. C'était deux mondes qui s'ignoraient, parce que le système sécuritaire servait le régime politique et non la sécurité publique ». L'agent de sécurité qui protège la vie des citoyens et leurs biens, fait un grand travail qui doit être évalué de façon transparente. La société civile évalue ce service. Certains membres des agents de sécurité subissent une injustice et ne se sentent pas en sécurité. Il faut les rassurer, dira le ministre, en améliorant leurs compétences tout en reconnaissant leur rôle. La naissance des syndicats va dans ce sens. La communication sera garantie par ces syndicats, ainsi que les intérêts moraux et matériels des agents. L'homme de sécurité, doit faire face au danger de mort, comme aucune autre personne dans aucun autre corps de métier. Il est normal que les syndicats demandent l'augmentation substantielle de la prime de risque, affirme le ministre qui ajoute que « le citoyen qui sort de chez lui pour exercer son métier devoir et y laisse sa peau devient un martyr ». Il faut réhabiliter les hommes de sécurité. Ils assurent la stabilité avec neutralité et dans l'union. « Ils doivent garder leur distance vis-à-vis de toutes les parties. Il serait dangereux que l'instance sécuritaire soit, un jour infiltrée par un parti ou une tendance politique », conclura le ministre. Commandant Mohamed Arfaoui, a fait une lecture de la Révolution, avant le 14 janvier, la journée du 14 et après, s'appuyant sur une étude faite par le bureau d'études et des experts de la police. Il a rappelé qu'avant la Révolution, l'instance sécuritaire était mal vue par l'opinion publique. Elle était considérée comme une institution de répression, de torture et de corruption qui servait l'ancien régime. Bien avant la Révolution, on commençait à voir les choses venir. Depuis 2008, on sentait la crise, vu la prolifération du phénomène de corruption et de malversations financières, politiques et sociales. Les évènements du bassin minier en 2008, de Ben Guerdane en 2010 et la violence dans les stades durant la saison sportive 2009-2010, présageaient une grande crise. D'ailleurs, les violences lors des matches EST- Hammam-Lif, le Club Africain-Club Athlétique Bizertain, l'Espérance-Mazembi, étaient un signe alarmant. L'institution sécuritaire vivait sous de fortes pressions psychologiques et matérielles. Sur le plan juridique, elle exerce dans un cadre légal privilégiant le service du régime politique. La deuxième étape celle du 17 décembre 2010 au 13 janvier 2011, a été marquée par les confrontations qui ont déclenché la Révolution. Elles ont commencé à Sidi Bouzid pour aboutir à l'annonce de la grève générale. Le pays a été mis à feu avant le 14 janvier, alors que les manifestations étaient pacifiques au départ. Toutes les régions se sont révoltées. Des routes ont été fermées. Des pneux de voiture ont été brûlés. Les mouvements de contestation ont connu un large soutien. Les forces de l'ordre sont au nombre de 50.000. La moitié a été engagée dans la remise de l'ordre. Les forces spéciales n'ont pas été utilisées. Beaucoup d'actions d'agressions contre des postes de police ont eu lieu au Kef, Tozeur, Kébili, Bizerte et des armes ont été prises. Un grand relâchement sécuritaire a eu lieu. Les unités de sécurité ont pris conscience de la légitimité des revendications populaires. Le 14 janvier le slogan devenu mondial « DEGAE » a été lancé. A midi un grand nombre de manifestants s'est rapproché du ministère de l'Intérieur. A 15H un groupe de membres des familles Trabelsi et Ben Ali, ont été arrêtés…La suite tout le monde la connaît. Après le 14 janvier, un relâchement sécuritaire et un vide politique étaient là. Toutefois, l'instance sécuritaire a agi pour protéger les édifices publics et les ambassades. La continuité de l'Etat a été assurée. Progressivement, la situation s'est stabilisée et l'instance sécuritaire a participé à la réussite des élections de la Constituante. La Révolution a eu des conséquences négatives et autres positives sur l'instance sécuritaire. Pour les incidences négatives, on peut citer 14 martyrs parmi les agents de sécurité, 1344 cas de blessures graves et 300 hospitalisations. Le nombre de congés de maladies relatifs aux problèmes psychologiques s'est élevé à 5304, contre 3961 en 2009 et 3879 en 2010. 449 attaques de lieux de résidence ont eu lieu. 304 véhicules de transport administratifs ont été brûlés. 290 attaques d'établissements de sécurités ont eu lieu. Des équipements et des armes ont été perdus : 35 armes individuelles, 17 armes collectives, 15 armes de chasse et 134 matériels de télécommunication. Les incidences positives de la Révolution se reflètent dans la pratique syndicale, l'ouverture sur les composantes de la société civile, la volonté de mettre en place un nouveau cadre légal pour les interventions, la communication… Après la Révolution, des structures de réforme ont été installées. Une réconciliation entre les citoyens et l'agent de sécurité est perceptible. Tout le monde a retrouvé la voie de la liberté et de la dignité.