Par Zouheir EL KADHI (*) Face à un contexte économique marqué par la corruption, le népotisme, le favoritisme, une rare façon pour nombre de Tunisiens de s'en sortir est de créer sa propre activité. Cette façon de procéder a été le destin de milliers de Tunisiens pendant des décennies. L'ancien régime a même bloqué, par ses dépassements, toute initiative de développement et d'évolution, de sorte que le passage de l'informel au formel était trop risqué. Il va sans dire qu'avant de chercher à réformer et promettre des choses, il faut d'abord admettre cette dure et triste réalité. Et il ne sert presque à rien de faire des promesses dans la mesure où le système productif ne peut aller au-delà de ses capacités. Nul n'ignore aujourd'hui que le système productif tunisien est largement dominé par le secteur informel, non structuré, ce qui ne veut pas dire que les entreprises concernées opèrent dans l'illégalité et qu'elles constituent une économie souterraine. Force est d'admettre que l'absence d'une définition commune prête à confusion. A ce propos, et pour situer les idées liées au thème, fort complexe, du secteur informel, nous proposons la définition du BIT (1993), le décrivant «comme un ensemble d'unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d'organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations de travail, lorsqu'elles existent, sont surtout fondées sur l'emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme». Partant de cette définition, on peut répartir les entreprises tunisiennes comme suit : Même s'il est difficile de quantifier le secteur informel d'une manière très précise, il n'en demeure pas moins que celui-ci représente plus de 90% du système productif. Des entreprises qui sont, pour un grand nombre d'entre elles, familiales, très petites et dotées de faibles moyens de gestion. On estime souvent que le secteur informel contribue à la création de 15 à 20% du PIB tunisien. Le secteur informel peut-il devenir la clé du développement économique? Il est communément admis que le secteur informel relève de l'économie de survie. Il permet aux plus démunis de trouver les moyens de leur subsistance dans des sociétés où l'emploi formel se fait rare. Autrement dit, le secteur informel permet de dégager des revenus, mais il ne faut pas lui prêter plus de potentiel qu'il n'en a réellement, seul l'Etat serait à même de créer les conditions d'un vrai processus de développement. Nul n'ignore l'importance du secteur privé mais il serait absurde de prêter au secteur informel la clé du développement. Le secteur informel constitue d'abord une économie de survie, non créatrice d'emplois et où l'accumulation est absente. A l'évidence, un vrai processus de développement doit reposer sur l'articulation entre des acteurs privés soucieux de la recherche de maximisation du profit et un Etat capable de créer un climat favorable à l'accumulation de richesses. Dans cette perspective et pour promouvoir l'investissement, l'Etat doit développer les infrastructures, assurer la sécurité des personnes, etc. Au total, même si de nombreuses contraintes empêchent une réelle accumulation dans le secteur informel, l'avenir de nos entreprises peut être brillant si nous savons créer un environnement plus favorable à leur succès qui sera aussi le succès de l'ensemble de notre économie. Il reste pour cela beaucoup d'efforts à fournir. (Economiste)