La célébration du Mouled en Tunisie remonte au IXe siècle, du temps des Hafsides qui ont imitée en cela les Béni Marine au Maroc. Le Sultan Abou Anane a été le plus enthousiaste à accorder à cet anniversaire un intérêt très particulier. Le sultant hafside, Abou Farès Abdelaziz en fera de même. Chants liturgiques, récitations du Coran et «anachid» marquaient la veille de chaque Mouled. Un demi rial était offert aux jeunes du «kouteb» (école coranique) qui récitaient le poème de l'Imam Al-Boussaïri. Viendra par la suite la tradition d'une récompense de cinq rials offerts au «meddeb» (le maître du «kouteb»). Et c'est Youssef Dey qui initie cette habitude au temps de moradites. Hamouda Pacha et son neveu Mohamed Pacha El Mouradi entamèrent cette célébration avec grand soin. Et c'est Dar Naquib El Achraf (maison du doyen des notables) qui devient l'épicentre des festivités. Les grandes «Zaouias» (El Kachachia et Al Bakria, notamment) fêtaient le Mouled durant une bonne quinzaine de jours. La tradition sera perpétuée avec les Husseïnites qui multipliaient les aumônes, lesquelles parvenaient jusqu'en dehors des frontrières tunisiennes du temps de Hussein Ibn Ali qui envoyait à Malte et ailleurs de l'huile pour éclairer les mosquées, et les linceuls pour couvrir les morts. Ahmed Bey, l'initiateur Le premier souverain husseïnite à avoir donné un caractère solennel aux festivités du Mouled a été Ahmed Pacha Bey 1er En 1841, aussi bien à Tunis qu'à Kairouan, la célébration a été grandiose avec deux cortèges d'officiels. En 1876, Mohamed Sadok Bey donna une plus grande ampleur à l'évènement qui allait être célèbré aux quatre coins du Royaume. Un budget était dédié aux festivités à la mosquée Zeïtouna et aux mosquées et zaouias de tout le pays. Le 12 de Rabiï Al Awel, le Bey visite les mausolées des saints: Sidi Ali Ben Zyad, Sidi Mehrez Ben Khalef, Sidi Ben Arous, Sidi Brahim Riahi, Sidi Ali Chiha, Sidi Ali Mohsen. Ces visites s'accompagnent d'un nombre considérable d'aumônes qui prenaient une importance certaine. Après quoi, le cortège beylical revient au sérail où un grand repas est organisé. Outre le Bey, y participent le prince héritier, les ministres, le princes... Mohamed Sadok Pacha Bey a dépensé sept mille rials sur ce repas. Ce qui était énorme par rapport à cette époque (en 1872). Seuls, les musulmans étaient admis au fameux dîner royal du mouled. Pourtant en 1913, il arriva que la règle soit enfreinte et que tous les ministres, tunisiens et français, soient conviés. Après le dîner, le cortège royal se dirigeait à pied vers les souks. Les places et avenues autour de la Kasbah grouillaient de monde. Sur le passage du Bey, les cafetiers versaient du café, ce qui était bon signe. Par la suite, le café sera remplacé par les parfums, versés par les commerçants. Le Bey visitait souk El Berka où il lui arrivait d'acheter un diamant ou une pierre précieuse chez l'«amine» du souk. Puis il traversait souk Chaouachia, souk Hraïria, souk el Blaghgia avant de conclure par souk el Attarine, le plus célèbre d'entre tous, créé par Abou Zakaria Yahya El Hafsi. Le matin du mouled, le Bey écoutait la narration de la geste et des la tradition du Prophète à la mosquée Zeïtouna. Le résident général participe à la cérémonie. Des verres de lait étaient offerts par l'imam après la narration de la geste du Prophète. Les chargés des mausolées (zaouias) envoyaient les plus délicieuses «assidas» au Bey, alors que les préfets adressaient aux souverains des cadeaux de tous genres. Dans les familles, l'«assida» à la farine et au miel est aujourd'hui remplacée par celle à base de pin d'Alep. D'après le livre (Pages choisies de l'histoire de Tunisie)