«Un nouveau Bacon», nous dit-on, par la force de son dessin, la puissance de ses non-dits, la multiplicité de ses lectures. Certes, mais aussi un artiste revendiquant sa tunisianité par des clins d'œil, des références à l'architecture de la Médina. Ibrahim Matous n'est pas son vrai nom. Nul ne sait à quoi il ressemble, ni même s'il assistait —incognito— à son propre vernissage, puisque nul, pas même la galeriste ne le connaît, et donc ne le reconnaîtrait. Ce que l'on sait, c'est que derrière le pseudonyme de ce nouvel Ajar de la peinture se cache un devin, car il fallait un sérieux talent de divination pour intituler son exposition «Hrigua» (incendie), le jour où l'on a brûlé le mausolée de Sidi Bou Saïd. Ce que l'on sait, par contre, c'est que ce n'est pas là le seul talent d'Ibrahim Matous, et qu'il a mis le feu aux cimaises de la galerie Ammar-Farhat, au figuré cette fois. Visiblement de formation classique, maîtrisant parfaitement la technique du dessin, l'artiste a choisi, pour s'exprimer, la pyrogravure sur bois . Et la matière privilégiée, le caractère brut du support, accompagne remarquablement le propos du peintre. Car ici, on s'en rend compte très vite, on n'est pas dans l'esthétique, ni dans le beau, et surtout pas dans le joli . Mais plutôt dans la noirceur de la dérision, du noir humour, d'un désespoir glacé, assumé, et qui sait garder l'élégance de ne pas se prendre au sérieux. «Un nouveau Bacon», nous dit-on, par la force de son dessin, la puissance de ses non-dits, la multiplicité de ses lectures. Certes, mais aussi un artiste revendiquant sa tunisianité par des clins d'œil, des références à l'architecture de la Médina que l'on retrouve dans ses «khama» (cache-visage) dessinées en paquets de cigarettes Cristal, ou ses renvois aux Mille et Une Nuits dans les miniatures illustrant les maillots de ses personnages. Ce n'est pas une œuvre triste que nous offre Ibrahim Matous, et aussi désespérée soit-elle dans cette banalisation de la violence qui transforme pistolets et grenades en jouets d'enfant dorés, elle nous réserve plusieurs niveaux de lecture, plusieurs accroches sans jamais sombrer dans la provocation Et l'on se dit que tant que l'art sait être aussi puissant, aussi courageux, et aussi intelligent, l'espoir demeure.