L'espace du Violon bleu, perché sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd, abrite, depuis le 3 mars 2011 et durant un mois, les œuvres de Tahar M'guedmini, un des plasticiens les plus actifs et les plus créatifs de sa génération. De la promotion de Abderrazek Sahli, il a fait ses études à l'école des Beaux- Arts de Tunis avec comme principaux professeurs Habib Chébil et Ridha Ben Abdallah. De 1971 à 1976, il a passé six ans à Paris avec Gouider Triki, Hédi Labbane et d'autres; à l'école des Beaux-Arts de Paris, il étudia le dessin et se concentra sur l'étude de l'anatomie, en particulier avec M. Lecœur, on comprend pourquoi M'guedmini compte parmi les meilleurs dessinateurs de sa génération avec Mohamed Ben Meftah. Après Paris, M'guedmini résidera en Suisse pour un séjour de 14 ans. En 1986, c'est le retour définitif en Tunisie, il réside à Djerba, et fait partie du collectif d'artistes qui se manifeste à l'espace du Violon bleu à Sidi Bou Saïd. Auparavant, il se manifestait à l'espace Chérif Fine Art et d'autres espaces à La Marsa. Les œuvres exposées sont des dessins réalisés au fusain rehaussé de pigments, des formats allant de 90 à 150 cm, les tons et la division de l'espace font l'unité de l'exposition; en effet, M'guedmini peint un même tableau, mais avec des variations significatives. L'atmosphère qui se dégage des œuvres crée un sentiment d'angoisse, de peur et de solitude. La présence humaine est essentielle dans toutes les œuvres, le corps humain dans tous ses états est la préoccupation majeure de M'guedmini, le corps en mouvement — comme chez Vladimir Velicovic — mais différent dans l'exécution ainsi que dans la conception de l'espace environnant, un espace clos mais où il y a toujours une ou des ouvertures : portes ou fenêtres d'où se dégage une lumière éblouissante, une lueur d'espoir. Les œuvres de M'guedmini se prêtent à plusieurs lectures, l'exposition est intitulée «Vibrations», c'est le corps qui vibre, qui tourne comme un derviche tourneur, «exalté, il entre en transe et s'envole dans l'espace et le temps en quête d'un rayon de soleil pour s'accomplir, dépasser les contours de son corps et rayonner au-delà des limites qui quadrillent son monde clos». M'guedmini est passé durant sa carrière par plusieurs expériences. Durant les années 90, les corps humains sont vus en plongée dans un espace exprimant le vide, ils sont enchevêtrés et nous rappellent le monde de Francis Bacon, mais M'guedmini n'opère pas aux déformations et aux couleurs vives et exquises de Bacon, ses dessins sont fidèles au classicisme, et c'est le mouvement, la vigueur du geste et la richesse graphique qui font l'originalité de notre artiste. L'homme se débat toujours dans un espace clos et exprime une image du drame humain, et est en quête d'un rayon de soleil. On a parlé avec M'guedmini de ses impressions sur la création avant et après la révolution. Il a affirmé que la devise de l'artiste est essentiellement d'être sincère et conscient pour procéder à l'aventure créative que ce soit avant ou après la révolution. En conclusion, nous pouvons dire que dans l'œuvre de M'guedmini, cette puissance de dynamisme généreuse réalisée avec un talent exceptionnel de dessinateur, sur des tons sombres, exprime probablement l'état d'âme de l'artiste d'avant la révolution, et exprime également l'angoisse et l'inquiétude qui bouleversaient en fait tous les plasticiens avant le 14 janvier, l'avenir nous dira ce que sera la peinture dorénavant.