Ces derniers temps, les communiqués de la BCT se font particulièrement longs. A la cadence du temps que prend le remaniement ministériel. La BCT semble avoir rompu avec la concision qui, au lendemain de l'investiture de l'actuel gouverneur ,a caractérisé ses premières notes de conjoncture. Cette concision avait pourtant le mérite de la clarté, même si à l'époque certains y avaient vu une réticence de la BCT à verser dans les détails. A l'époque, il est vrai, la question de l'indépendance de l'autorité monétaire par rapport au pouvoir politique n'était toujours pas tranchée et la concision des communiqués de la BCT lui permettait de ménager les susceptibilités à la fois du gouvernement et des ardents défenseurs de la non-interférence entre la politique monétaire et la politique budgétaire. La manœuvre était délicate, mais elle a tout en douceur réussi à consacrer non point le principe de l'indépendance de l'autorité monétaire, mais le principe d'une certaine complémentarité pragmatique entre les exigences de bonne gouvernance monétaire et les contraintes budgétaires. Ce qui, au demeurant, n'est évidemment pas peu... Bref, l'actuel gouverneur de la BCT a cherché à arrondir les angles là où son prédécesseur entendait conduire, vis-à-vis du gouvernement, une politique frontale. L'actuel gouverneur a revu à la hausse le taux directeur de la BCT , son prédécesseur l'avait à deux reprises abaissé croyant que le loyer de l'argent représente le principal frein à l'investissement. Ni l'un ni l'autre n'ont réussi à stimuler l'investissement et encore moins à juguler l'inflation et la dérive du déficit commercial. Cherchez donc l'erreur! Tout se passe comme si, hier et aujourd'hui, la politique monétaire était déconnectée de la réalité. Il y a, à cet égard et en l'occurrence, fort à parier qu'en «situation et en temps normaux», les 9e et 10e successeurs de Hédi Nouira à la tête de la BCT auraient trouvé bien plus de points de convergence quant à la politique monétaire à adopter pour sortir l'économie nationale de la récession et pour accompagner sa reprise. Où réside donc le mal? Le mal réside dans le fait qu'il n'y a à vrai dire pas de politique budgétaire. Comment pourrait-il en être autrement quand les ressources de l'Etat sont définies en fonction et au rythme des humeurs et des promesses de crédits de certains bailleurs de fonds étrangers et quand le gouvernement n'en finit pas d'espérer et d'attendre le soutien financier de certains pays frères et amis? Quand le gouvernement est constamment sous la pression des tiraillements politiques de la troïka au pouvoir et que depuis des mois, il est désespérément à la recherche d'une nouvelle équipe qui serait plus «efficiente»? Hier comme aujourd'hui, la BCT semble enfoncer des portes ouvertes. A son corps défendant, l'autorité monétaire a cherché à rompre et puis à se réconcilier avec la politique budgétaire, mais en l'absence d'une réelle politique budgétaire, elle semble aujourd'hui n'avoir d'autre choix que de prendre son mal en patience. En attendant la nouvelle composition du nouveau gouvernement? En attendant de connaître le nom du nouveau ministre des Finances et... du Budget? Peut-être bien. Une fine lecture du dernier et long communiqué de la BCT n'interdit toutefois pas d'être et de demeurer sceptique quant à l'éventualité d'un redressement ou d'un gain de perspicacité et de visibilité, à court terme, en matière de politique budgétaire. Dans ce communiqué, la BCT fait état, entre autres déficits, d'un déficit de 8,1% du PIB de la balance des paiements courants. Elle appelle à cet égard à «plus de vigilance» et à mettre en œuvre les mesures indispensables au maintien des équilibres financiers à des niveaux soutenables, «conditions nécessaires à la relance de l'investissement, de la croissance et de l'emploi, ainsi qu'au rétablissement de la stabilité économique et financière». Ce qui, en termes courtois et entendus, semble signifier qu'un grand dilemme se pose aujourd'hui à l'autorité monétaire, pour ne pas dire qu'elle est presque dans une impasse.