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Histoire et leçons de cinéma
Rencontre avec Omar Khelifi au club culturel Tahar-Haddad
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 02 - 2013

C'est en rendant hommage à l'un des plus éminents réalisateurs tunisiens que le club culturel Tahar-Haddad a accueilli, le 21 janvier, Omar Khelifi, le précurseur du cinéma tunisien. Le cinéaste est venu parler de son parcours et de ses choix artistiques devant un auditoire formé principalement des étudiants en cinéma de l'académie d'art de Carthage. Il avait dans les mains un petit sac contenant le format 35mm de son premier film, mais il avait aussi dans le cœur plusieurs reproches et quelques amertumes ...
Omar Khelifi est un cinéaste autodidacte né en 1934. En 1960, il tourne une douzaine de courts et moyens métrages. Il faisait lui-même le bruitage, la musique et le commentaire dans les projections de ses films. En 1965, sous l'égide de Bourguiba, le ministère de la Culture, avec l'accord des autres ministères, a décidé de fonder les Journées cinématographiques de Carthage. Pourquoi ? La réponse est simple : «Il faut qu'on soit nous-mêmes maîtres de nos images», affirmait le président Habib Bourguiba après la bataille de Bizerte. En 1966, le cinéaste est devenu alors le maître des images de la Tunisie libérée en réalisant son premier long métrage de l'histoire du cinéma tunisien après l'Indépendance : Al-Fajr - L'aube (35 mm, en noir et blanc). Ce film met en scène trois jeunes gens engagés qui luttent contre l'occupant. Leur résistance leur a coûté leurs vies. En 1968, il tourne son deuxième long métrage : Al Moutamarred - Le Rebelle relate la révolte d'un jeune homme contre le pouvoir du Bey au dix-neuvième siècle. Fellagas qui est le troisième long métrage de Omar Khelifi, et le premier film en couleur du réalisateur, a été tourné en coproduction avec la Bulgarie. Le film met en scène le mouvement national et la lutte menée par les fellagas. Après avoir retracé l'engagement des combattants et les représentants du nationalisme tunisien à travers ces films, le cinéaste réalise son quatrième film, Sourakh - Hurlement, et se tourne vers la «Tunisie profonde», creusant dans les drames de la société tunisienne. Vers 1986, le réalisateur tourne Al-tahaddi – le Défi, son dernier film, autour du soulèvement de janvier 1952 et du parcours du jeune patriote Hédi Ben Jaballah. Ce film a relancé le cinéaste sur une autre piste moins glissante que celle du cinéma. En réponse à une question qu'un étudiant a posée dans le club culturel : «Êtes-vous tenté maintenant par la mise en scène ? », le cinéaste répond : «Non, je me suis tourné vers l'écriture de l'histoire contemporaine. Je veux aborder des sujets qui n'ont pas été traités auparavant». En effet, le cinéaste historien a publié plusieurs livres sur les personnages, les acteurs et les évènements importants qui ont marqué les Tunisiens et l'histoire de la Tunisie comme: Moncef Bey, roi martyr; L'assassinat de Salah Ben Youssef; Bizerte. La guerre de Bourguiba. Il a également écrit un grand ouvrage de référence sur L'histoire du cinéma en Tunisie (1896-1970) paru en 1975.
Les leçons de cinéma
Jean Jaurès disait qu'«on n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est».
En effet, Omar Khelifi et ses films sont différents du reste des films tunisiens. Cet artisan de l'image déclare humblement devant son auditoire: «J'étais un ouvrier dans mes films, je faisais presque tout» : leçon n° 1. Cela prouve que l'artiste ne se limite pas à une tâche unique ou à une seule fonction ; l'artiste véritable se confond avec son œuvre, devenant alors l'accoucheur, travaillant lui-même la matière et l'argile de son image jusqu'aux minimes détails. Le travail du cinéaste peut être un labeur qui l'expose aux dangers, surtout quand on part filmer un évènement très dur en Tunisie; Omar Khelifi confie aux futurs cinéastes: «On m'a envoyé à Bizerte pour filmer et René Vautier, le cinéaste français, m'a emprunté sa caméra, on m'a emprisonné, frappé, enfin... je me suis sauvé par miracle» : leçon n° 2 : une aventure pareille peut être sentie mieux qu'être filmée! Il faut donc vivre, et après créer.
Cela étant dit, le cinéaste, qui est, rappelons-le, un autodidacte, apprend aux étudiants que même s'il n'a pas eu recours aux cours académiques cinématographiques, ceci ne l'a pas empêché de créer sa propre filmographie et de sculpter à sa façon l'image cinématographique ; il a donc «appris les gros plans, les zooms et les travellings de la télé française avec un langage cinématographique moderne» : leçon n° 3 : quand on est passionné, rien ne nous arrête, et tout coulera de source.
Filmer, c'est oser, telle est la devise de Omar Khelifi. En fait, après la projection de deux extraits de Fellagas et Sourakh - Hurlement, le cinéaste souligne que «c'est de notre devoir de rendre hommage aux héros de l'histoire de la Tunisie, avec Fellagas, il fallait faire ce genre de film, les fellagas sont une épopée, on peut faire une dizaine de films sur eux». Il pense qu'avec la révolution du 14 janvier 2011, on a vu les insurgés, les néo-fellagas, des jeunes qui défient à l'aube de l'histoire les esprits dogmatiques et lancent des hurlements face à tous ceux qui veulent étouffer leur art et leurs images libres, leçon n°4 : éviter les sentiers battus et travailler sur les méconnus et les inconnus de l'histoire.
L'artiste mentionne que le cinéma «en tant que mot et en tant que technique est vraiment dépassé», car avec l'émergence du numérique et des nouveaux appareils, «la technique du cinéma n'est plus pratiquée, et même les salles de cinéma vont disparaître», puisque «l'image n'est plus un secret, elle est abordable», ajoute-t-il. Magiques sont ces appareils, désuètes sont ces techniques classiques du cinéma. Cependant, «le talent est primordial», affirme le cinéaste, leçon n°5 : le talent ajoute à la passion une capacité qu'aucune technique et aucun appareil futuriste ne peuvent atteindre.
Silence, on tourne le dos
Les futurs cinéastes qui étaient présents ont montré leur inquiétude par rapport à l'avenir du cinéma tunisien. En réponse à cela, le cinéaste a semblé défaitiste : « Ce sont hélas les réalisateurs tunisiens qui ont concouru à faire désister le public par rapport au cinéma tunisien», souligne-t-il. Sans oublier que «la télé a aussi joué un rôle puisque le Tunisien, qui est devenu casanier, ne veut plus se déplacer pour voir un film dans une salle de cinéma, alors qu'avant, c'était une culture distinguée de celle d'aujourd'hui ; c'était une fête», ajoute l'artiste avec nostalgie. Sérieusement, on ne peut avoir une véritable communication ni entre les générations ni entre les cultures ; il y a eu une coupure tranchante entre le passé et le présent. Le passé et le présent doivent s'imbriquer, sinon on risquera de perdre toute continuité historique, culturelle et humaine. Et là on pense aux problèmes de l'archivage en Tunisie qui touchent presque tous les domaines. On ne peut pas construire sur un fonds vide ou sur des débris quand la conscience de la valeur précieuse de cette histoire est quasiment absente. D'ailleurs, Omar Khelifi a offert au musée du cinéma une collection précieuse qui a été volée, celle-ci est formée d'appareils de projection récoltés durant la période postcoloniale, des documents écrits, d'anciennes affiches. Ce vol est aussi un viol de leur valeur symbolique qui n'a pas de prix. En voilà un échantillon... Et après, on est obligé de voyager à l'étranger, de chercher dans les cinémathèques des documents sur notre propre cinéma et notre propre histoire, parsemés sous les pieds des colons locaux et étrangers !
Par ailleurs, Omar Khelifi, le pionnier du cinéma tunisien, confie qu'il n'a été invité ni aux JCC de cette année ni à celles d'avant. Et si «le cinéma est dans ses plus mauvais jours, c'est parce qu'il n'y a pas eu de réunions sur la morosité du cinéma tunisien, sur sa dégradation et son déclin, on ne songe qu'aux subventions. Il est donc urgent d'envisager des solutions», pense-t-il.
Même s'il est légitime d'avoir besoin d'un grain de reconnaissance, tous les pionniers du monde ne devraient pas s'inquiéter; «le temps dira tout à la postérité. C'est un bavard; il parle quand on ne l'interroge pas», n'est-ce pas Euripide ?


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