Chokri Belaïd, abattu hier matin devant son domicile au quartier résidentiel d'El Menzah VI, était né le 26 novembre 1964 à Djebel Jelloud, à Tunis, dans une famille originaire de Siliana, région enclavée du nord-ouest du pays. Il était marié à l'avocate Bessma Khalfaoui et père de deux petites filles. Le temps de l'Uget Après un baccalauréat en section math technique, il s'inscrit à l'Université des sciences de Tunis. Militant politique charismatique et très actif en ces années 80 dans les rangs de l'Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), il est emprisonné à Rjim Maâtoug, dans l'extrême sud de la Tunisie, au courant de l'année 1987. Il sera relâché avec la prise de pouvoir de Ben Ali en novembre de la même année. Chokri Belaïd est élu membre du Bureau exécutif de l'Uget en mai 1988, lors du 18e congrès extraordinaire du syndicat estudiantin, que l'opposition de gauche a pu arracher de l'emprise des destouriens. La voie du droit Son passage dans les geôles de Bourguiba l'aidera à prendre une décision capitale dans sa vie : il veut devenir avocat. Il part en 1991 étudier le droit en Irak, puis poursuit ses études en sciences juridiques de troisième cycle à l'Université Paris 8 en France. De retour à Tunis, Chokri Belaïd s'engage volontairement dans les procès politiques de tous bords, de gauche comme de droite. Ténor du barreau, passionné par son métier, il défend la cause des militants des droits de l'Homme, des syndicalistes du bassin minier de Gafsa en 2008 ainsi que les affaires des salafistes, dont il devient l'avocat attitré. A la suite de ses déclarations enflammées devant le Tribunal de Tunis à la fin du mois de décembre 2011 contre le régime de Ben Ali, sa police, la répression et la corruption de son système, il est emprisonné avec son compagnon de lutte Maître Abderraouf Ayadi. C'est pour les soutenir que les avocats porteront le brassard rouge et observeront une journée de grève le 31 décembre 2011. L'extrême gauche En mars 2011, le Parti des patriotes démocrates, un mouvement d'extrême gauche de tendance panarabe et marxiste, dont il était le secrétaire général, est légalisé par une Tunisie libérée du joug de la dictature de Ben Ali. L'avocat et homme politique est un ancien membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, dirigée par le juriste Yadh Ben Achour. Jusqu'au bout, Chokri Belaïd défendra, dans ses interviews et ses declarations, les principes qu'il portait telle une identité : la souveraineté populaire, l'égalité totale entre les sexes, l'orientation des richesses nationales au profit des masses populaires, la rupture totale avec Israël...Ces derniers mois, il s'est distingué par ses prises de position où il ne ménageait point ses critiques contre le mouvement islamiste Ennahdha. Accusé ! En août 2012, Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur, accuse dans le JT du 20h00 sur la chaîne nationale le SG des Patriotes démocrates d'inciter les habitants de Sidi Bouzid à manifester contre le gouvernement. Trois mois plus tard, le ministre fait de nouveau le procès de Chokri Belaïd lors des évènements de Siliana. Il serait «l'homme qui prenait la tête des manifestations lors des troubles qu'a connus la ville en novembre dernier ». Chokri Belaïd assistait au même moment à un séminaire à Casablanca, au Maroc. A son retour il dira : «Ce n'est pas la première fois qu'on me fait porter pareilles accusations. Le gouvernement, qui connaît une situation d'échec, a enclenché depuis quelque temps une guerre contre mon parti et contre ma personne ! ».