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«Nul ne témoigne pour le témoin»
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 02 - 2013


Par Aymen HACEN*
L'assassinat de Chokri Belaïd ne relève pas du droit, quel qu'il soit, toutes branches confondues. Cet assassinat relève de l'Histoire, c'est-à-dire de la conscience collective d'un peuple qui, au jour le jour, cherche à écrire son histoire. Cet assassinat est politique et doit à ce titre être jugé autrement, différemment, soit en fonction de maints éléments qui dépassent le simple fait de commettre un simple homicide, encore une fois quel qu'il soit et pour quelque raison que ce fût.
C'est qu'il s'agit d'un assassinat politique. L'assassin, fanatique convaincu ou mercenaire à la solde d'un commanditaire, aura commis un acte immonde qui a ébranlé toute une nation, la nôtre, qui se cherche encore et qui, littéralement, n'avait pas besoin d'un tel acte. Il est certes des échos aussi abjects que ledit acte, ceux de voix défendant le meurtre au nom d'idéologies absconses elles-mêmes, relevant d'une forme de théosophie, mais l'assassinat de feu Chokri Belaïd est venu entériner un processus auquel nous nous attendions depuis le 14 janvier 2011, notamment depuis la possibilité de retour de quelques figures vedettes de «l'opposition» ayant résidé à l'étranger, soit la violence politique appuyant une idéologie religieuse sanguinaire et sanglante.
Cela, nous l'avons compris, vécu et consigné dans un petit pamphlet, Le Retour des assassins. Propos sur la Tunisie (janvier 2011-juillet 2012) qui, aujourd'hui, semble avoir l'âge de ses artères, en ce sens qu'il témoigne le plus fidèlement possible de l'attachement d'une frange de la Tunisie à ses acquis. Il s'agissait, et il s'agit encore, de cette «exception tunisienne» incarnée par des gens divers qui vont de Béji Caïd Essebsi à Hamma Hammami, en passant par Ahmed Brahim, Samir Taïeb, Ahmed Néjib Chebbi, Maya Jéribi, Bochra Bel Hadj Hamida et feu Chokri Belaïd lui-même. Pour la « troïka », il s'agit donc des «zéro virgule », mais pour les Tunisiens honnêtes de l'opposition...
Or, comme l'écrit Maurice Blanchot à propos du poète suicidé Paul Celan: «Nul ne témoigne pour le témoin. Et pourtant, toujours, nous nous choisissons un compagnon : non pour nous, mais pour quelque chose en nous, hors de nous, qui a besoin que nous manquions à nous-mêmes pour passer la ligne que nous n'atteindrons pas. Compagnon par avance perdu, la perte même qui est désormais à notre place».
À la différence près que Chokri Belaïd ne s'est pas — à notre connaissance — suicidé. Chokri Belaïd a été assassiné mercredi 6 février 2013 à 8h15 du matin en bas de chez lui. Pris en traître, il a été froidement assassiné, c'est-à-dire exécuté sur ordre de... Le X est de rigueur de nos jours. Mais feu Chokri Belaïd, qui a défendu salafistes et islamistes sous Ben Ali, ne s'est jamais ménagé pour dire haut et fort ce que tout le monde pense ou croit penser tout bas. C'est X qui l'a fait assassiner. Comme Mussolini avait ordonné l'assassinat de Gramsci en 1937, Staline de Trotsky en 1940, Pinochet de Neruda en 1973, et les exemples ne manquent pas. Il est drôle comment les noms des victimes se conjuguent à ceux de leurs assassins...
Chez nous, en revanche, ce n'est pas le cas. L'Histoire, semble-t-il, chez nous ayant été spoliée par quelques arnaqueurs officiels qui l'ont écrite à leur manière, pour passer d'un bord à un autre, en toute impunité, à l'instar d'un vénéré porte-parole qui est passé de ceci à cela et de tout à n'importe quoi au nom du simple profit. Le comble, c'est que la personne en question ait été reniée par ses pairs. Voilà que l'historien spécialiste de Habib Bourguiba s'est mis au service d'un président aigri dont le père aurait été youssefiste. Commodité commune avec un autre chef de la « troïka », lui exilé à Londres, pendant que le président en question, lui, luttait mordicus depuis Paris... Mais, messieurs, Chokri Belaïd, quant à lui, n'a jamais quitté Tunis ni la Tunisie. Et c'est lui qu'on assassine ?
Voilà, c'est ce que nous avons convenu d'appeler «Le Retour des assassins». L'aigreur et la rancune, celles de Hassan al-Subah et de ses semblables, sont des plus assassines. Par ailleurs, nous devons rendre à Chokri Belaïd ce qui lui revient de droit, n'en déplaise aux pseudo-historiens officiels de la Tunisie.
Le livre de Abdelwahed Mokni, récemment paru à Sfax aux éditions progressistes Samed, avec une préface de Houssine Abbassi, le secrétaire général de l'Ugtt, nous donne assez de matière pour comparer feu Chokri Belaïd à Farhat Hached. Le premier est le second et inversement. La vie, les combats et les engagements, exemplaires, de Chokri Belaïd ressemblent merveilleusement à ceux du second. Peut-être faudra-t-il, d'après le cri de guerre de Habib Bourguiba, réclamer «Du sang, du sang et du sang», pour que notre terre et notre révolution soient à l'abri des spoliateurs et des flagorneurs indiscrets.
L'assassinat de Chokri Belaïd a meurtri la Tunisie entière. Pour ainsi dire, cet acte ne sera pas impuni. Justice sera faite. Nous croyons en la Justice, qui retrouvera son cours loin des sentiers battus des mauvaises traditions hypocrites. Il est en effet impardonnable que les événements du 9 avril 2012, la mort de Lotfi Nagdh, les agressions devant le siège de l'Ugtt, les profanations des marabouts et mausolées appartenant au patrimoine national soient impunis. L'impunité et le silence sont des valeurs totalitaires et fascistes. Nous sommes en Tunisie, cette nouvelle Tunisie du 14 janvier 2011, et nous aspirons à une démocratie. Nous y aspirons parce que nous croyons en être dignes.
Chokri Belaïd, merci, nous serons dignes de votre combat et de vos sacrifices. Permettez-nous de vous rappeler ces lignes écrites par Trotsky en guise de testament, lignes que vous devez savoir par cœur : «La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence, et en jouissent pleinement». (Trotsky, Pierre Broué, éd. Fayard, 1988, chap. « Conclusion » (texte rédigé le 27 février 1940), p. 947.)
L'une de vos dernières déclarations, cher Chokri Belaïd, a été contre la violence politique, dans «l'intérêt du Pays», disiez-vous. Aussi nul ne témoignera-t-il pour le témoin que vous êtes, mais encore nous sommes et serons toujours Chokri Belaïd.


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