Les obstacles à l'initiative de Jebali ne sont pas juridiques, ils sont politiques, et seulement politiques. C'est en tout cas la thèse qui prévaut de plus en plus. Comme l'a déclaré le juriste Yadh Ben Achour, et comme cela semble être repris par les autres experts qui font autorité en la matière, les dispositions de la petite constitution ne représentent pas un obstacle tant que nous sommes dans le cas de figure, non d'une dissolution du gouvernement, mais d'un remaniement, si vaste soit-il. Le désormais providentiel article 17 autorise cette procédure qui dispense le chef du gouvernement d'avoir à passer par l'accord du président de la République et par l'approbation de l'Assemblée constituante. Toutefois, cette démarche particulière ne dispense pas Hamadi Jebali de recueillir un large consensus autour de sa proposition, afin d'éviter dans la suite l'écueil de la motion de censure, qui pourrait stopper net l'action de ce futur et probable gouvernement de compétences. En fait, les consultations vont bon train en ce moment entre les différents partis pour amorcer des coalitions provisoires, sinon autour de cette proposition, du moins dans son prolongement ou dans son sillage. Interrogé, le porte-parole d'Ettakatol, jusque-là assez discret, souligne d'une part que son parti n'est « pas opposé » à l'initiative du chef du gouvernement et, d'autre part, que des discussions sont engagées « avec les partenaires et avec les autres formations ». Du côté de l'opposition, on essaie d'accorder aussi ses violons, au sein de la jeune alliance qui regroupe Nida Tounes, Al Joumhouri et Al Massar... Pas sûr que ce soit tout à fait une formalité. Entre-temps, Hamadi Jebali continue d'aller de l'avant. Il s'est entretenu hier avec des ambassadeurs européens pour les mettre au parfum de la nouvelle donne et annonce qu'il présentera sa nouvelle équipe dans la semaine qui vient. Le parti Ennahdha, ainsi que le CPR, qui représentent à eux deux le « front du refus », ne haussent pas trop la voix dans leurs protestations et les défaillances dans leurs rangs sont à l'ordre du jour... Il n'empêche : malgré cette dynamique nouvelle qui pourrait déboucher sur un début de sortie de crise, le chassé-croisé des juristes s'est poursuivi dans la journée d'hier. Ceux qui rêvent encore d'un gouvernement de consensus tentaient peut-être de s'assurer qu'il n'y a pas une faille juridique à exploiter, une faille grâce à laquelle ils pourraient mettre en difficulté une initiative qui semble s'imposer aux partis malgré eux, qu'ils y soient favorables ou qu'ils ne le soient pas... Mais, de ce côté, les espoirs sont ténus et s'amenuisent dramatiquement. Articles liés : - Les experts s'expriment - Fractures et spectres effrayants sur la place politique - Le CPR maintient son ultimatum - Hamadi Jebali affirme : «Je ne me présenterai pas aux prochaines élections» - Contrairement aux rumeurs : Jebali est toujours S.G. d'Ennahdha