Par Nabil Ben Azzouz* «Pour Chokri Belaïd, qui a vécu en militant et qui est mort en martyr. our ce grand-peuple révolutionnaire dans l'âme. Pour notre rêve qui doit aller jusqu'au bout de l'épopée» Je lis et j'entends ici ou là qu'il faut «soutenir» Jebali. Peut-être. Mais on ne doit pas lui accorder un «chèque en blanc». Il a besoin de nous, et pas le contraire. Et cela ne doit se faire que sous conditions : 1. Qu'il nous dise rapidement qui sont ces fameux technocrates et pourquoi les choisit-il seul. Le temps des décisions unilatérales est révolu. La concertation est nécessaire. 2. Que les autres partis, sans exception aucune, aient un droit de regard et surtout de décision, sur la période transitoire qui reste y compris, et surtout, l'Ugtt. Nous sommes au bord du gouffre et de la crise et les « autres» nous parlent de légitimité ! Mais de quelle légitimité parlez-vous ? Il n'y en a plus qu'une, c'est celle de Chokri Belaïd, de tous les Tunisiens qui sont venus unis le jour inoubliable de son enterrement, et des millions de concitoyens qui ont répondu présent à la grève générale. 3. Qu'il revienne sur les 1400 nominations nahdhaouies au sein de l'administration (ce point est essentiel). Sinon on n'aura rien résolu. 4. Que tout soit remis à plat : Constitution, Instances... et surtout la loi inique de l'Isie qui, telle qu'elle est, n'assure guère de futures élections libres et transparentes. 5. Que la première mesure que doit prendre le prochain gouvernement soit celle d'interdire et de juger toutes les ligues fascistes, et leurs complices, qui ont répandu la terreur dans notre pays. Sans oublier que M. Jebali doit démissionner de son poste au sein de son parti. Vous devez être le chef du gouvernement de tous les Tunisiens. 6. Qu'il soit dit clairement que les mosquées, les écoles, l'administration, la police et l'armée sont et doivent demeurer neutres et républicains. D'autres points sont nécessaires. Les politiciens sauront le faire mieux que nous. Mais c'est, à notre humble avis, le minimum exigé. Monsieur Jebali, ce n'est pas à nous de vous sortir de vos contradictions. Oui, il faut que vous assumiez vos responsabilités et je n'en vois qu'une : démissionnez de votre parti ou prenez sa direction. Mais le silence assourdissant des Mourou, Bhiri, Dilou... est pour l'instant très révélateur. Messieurs, osez traverser le rubicon. Ne restez pas au milieu du guet. Soyez de vrais hommes politiques. Pour vous. Pour l'Histoire. Pour le Pays. Par ailleurs, on est sûr que pas moins de 20 députés, voire plus, et de grosses pointures modérées de ce parti qui a dévié se joindront à Jebali. Le président de la République a également un rôle à jouer dans cette affaire. Qu'il parle, ou qu'il se taise à jamais. Notre souhait le plus profond, et c'est hypocrite de notre part de le cacher, c'est que ce parti s'entre-déchire et disparaisse de lui même de la scène politique, a-historique qu'il est (obtus, rétrograde, manipulateur, violent, antinational, antidémocratique...), ou qu'il change radicalement. Joue le jeu démocratique. Se tourne vers l'avenir et se déclare clairement pour la séparation de la religion et de la politique, et reconnaisse noir sur blanc l'aspect civil et laïc de notre société. Pour finir, nous n'avons qu'une chose à dire à notre «président» provisoire du gouvernement provisoire actuel : osez être un Erdogan Monsieur Jebali ou taisez-vous vous aussi et «dégagez» à jamais ! C'est votre seule chance. L'autre solution qui a de loin notre préférence, c'est de dire cela à nos camarades démocrates des partis politiques: assumez vos responsabilités. Vous devez prendre l'initiative, d'abord, de vous rassembler dans un front uni, civil et démocratique et d'accenteur la pression populaire et pacifique sur l'actuel ou le futur gouvernement, quel qu'il soit et jusqu'à sa chute, s'il le faut et tant qu'il n'appliquera pas les revendications de notre Révolution : travail, liberté, dignité, citoyenneté. Le peuple s'impatiente. N'attendez pas que cela dégénère en violence pour espérer enfin diriger le pays. C'est un faux calcul. Il sera trop tard pour vous, et vous serez vous aussi les perdants. Vous êtes aussi responsables. C'est votre devoir historique ! *Militant indépendant