Le ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, a indiqué, hier, que plusieurs cas de mauvais traitements ont été enregistrés après la révolution, faute d'efforts de prévention de la torture en Tunisie. C'est, dit-il, ce qui a confirmé le besoin de créer des instances en charge de la prévention en la matière. Auditionné au cours d'une séance conjointe de la commission des droits et libertés et de celle des martyrs et blessés de la révolution relevant de l'Assemblée nationale constituante (ANC), au Bardo, le ministre a indiqué que dans toutes les expériences de transition, l'éradication des abus et exactions ne s'est jamais faite d'un seul coup, mais par un processus qui passe, nécessairement, par des réformes structurelles et législatives. Les membres des deux commissions ont écouté les rapports sur le projet de création d'une instance en charge de la prévention de la torture, instance indépendante dotée de l'autonomie financière et administrative et d'un mandat de 4 ans pour garantir un maximum de stabilité. Difficulté de démontrer les abus En réponse aux interrogations des députés, Samir Dilou a indiqué que cette instance éprouvera des difficultés à démontrer les abus, en l'absence de témoins et à cause de la multitude des formes de torture directe et indirecte, telles que définies par la loi. Par contre, la multiplicité des parties intervenantes dans le contrôle des exactions est un facteur positif qui contribue à la réduction de ce genre de crimes, a indiqué le ministre, soulignant que le projet de création d'une instance, sous la forme proposée à l'ANC, permet de couvrir toute la spécialité et ne nécessite pas de l'encombrer de bureaux régionaux. Il a signalé que les prérogatives de cette instance ne sont pas uniquement consultatives, mais dispose, également, de pouvoirs réels dont la réception de plaintes, la vérification du bien-fondé des dépositions et leur présentation aux autorités administratives et judiciaires. S'agissant de l'établissement des responsabilités dans les crimes de torture, le ministre a indiqué que l'auteur d'exaction tel que défini par ce projet de loi (conformément aux standards internationaux), est le fonctionnaire public ou semi-public qui ordonne, incite, consent ou passe sous silence la torture, ajoutant que le fait d'invoquer les instructions reçues ne justifie en rien qu'il soit fait recours à la torture. Accès aux archives publiques et privées Au cours de la réunion, un exposé sur le projet de loi organique relatif à la justice transitionnelle a été présenté par Mohsen Sahbani, coordinateur général de la commission technique de supervision du dialogue national sur la justice transitionnelle. Ce projet prévoit la création d'une instance indépendante «Vérité et dignité » dotée de l'autonomie financière et administrative, dont le champ d'action couvre la période allant du 20 mars 1956 à la date de promulgation de cette loi. Cette instance, qui aura un mandat de 4 ans, comprendra 15 membres choisis par l'ANC parmi des personnalités connues pour leur neutralité, leur crédibilité et leur compétence. Ladite instance aura des compétences en matière d'accès aux archives publiques et privées, d'investigation sur d'éventuels abus, d'audition des victimes de tels crimes, de réception des plaintes, d'investigation sur les cas de disparition forcée non élucidée et d'établissement des responsabilités des organes de l'Etat ou de toute autre partie dans les violations afin d'en déterminer les causes et de proposer des mesures à même d'empêcher qu'elles ne se reproduisent. L'instance met en place un programme systématique individuel et collectif pour l'indemnisation des victimes d'abus, l'élaboration d'un registre unifié des violations et le lancement de procédures de prise en charge et de réparation provisoire et urgente au profit des victimes. Pour ce qui est du budget de cette instance, le projet de loi prévoit de lui affecter des crédits annuels prélevés sur le budget de l'Etat, outre des dons et autres subventions des organisations nationales et internationales, sous réserve que ces subsides ne soient pas conditionnels.