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«La justice transitionnelle garantit le traitement des abus du passé loin des tiraillements politiques»
Hichem Chérif, coordinateur médiatique de la commission technique chargée du dialogue national sur la justice transitionnelle
Publié dans Le Temps le 03 - 02 - 2013

Le projet de loi organique fixant les fondements et le champ de la justice transitionnelle sera examiné très bientôt par l'Assemblée Nationale Constituante (ANC).
Coordinateur de la commission technique chargée de diriger le dialogue national sur la justice transitionnelle et directeur exécutif du Centre de Tunis pour la justice transitionnelle, Hichem Chérif, nous révèle dans cet entretien la portée et les enjeux de ce processus qui doit braquer pleins feux sur les exactions massives commises dans le passé en vue d'établir les responsabilités, de rendre justice, de réformer les institutions et de permettre la réconciliation nationale. Entretien.
Quelles sont les violations des droits de l'Homme et les crimes dont les responsables auront à rendre des comptes dans le cadre du processus de la justice transitionnelle ?
Hichem Chérif: la justice transitionnelle couvre toutes les violations graves et/ou systématiques ( organisées avec méthode et sur instructions,NDLR) des droits de l'Homme commises par l'appareil de l'Etat, par des groupes ou des individus agissant au nom de l'Etat ou sa protection. Les violations graves des droits de l'Homme sont notamment l'assassinat intentionnel, le viol ou toute forme de violence sexuelle, torture et traitements cruels, la disparition forcée et exécutions arbitraires sans jugement répondant aux normes d'un procès équitable. Ces crimes sont imprescriptibles. Les violations peuvent, par ailleurs, concerner des droits économiques et sociaux comme la marginalisation organisée et systématique d'une région.
Les victimes sont-elles uniquement les personnes ayant subi ces violations?
Outre les personnes qui ont subi les violations, la liste des victimes comprend les membres d'une famille ayant subi un préjudice pour leur lien de parenté avec la victime initiale ou toute personne ayant apporté une quelconque assistance à une victime objet de répression.
De façon générale, la victime est une personne physique ou morale, un groupe de personnes physiques, ou une région ayant fait l'objet de marginalisation ou d'exclusion organisée.
On parle trop ces derniers temps de justice transitionnelle, mais très peu de gens savent comment cette justice fonctionne concrètement. Quels sont les mécanismes qui seront mis en œuvre dans ce cadre?
La justice transitionnelle traduit des préoccupations et des enjeux de la justice lors d'une transition démocratique. Dans un contexte de transition soumis à des revendications ainsi qu'à sollicitations contradictoires, cette justice transitionnelle nous ramène à d'autres notions : la justice, la vérité, la réconciliation, la mémoire, l'oubli, la pacification...
Concrètement, le projet de loi organique fixant les bases et les champs de la justice prévoit la création d'une «instance de la vérité et de la Dignité» qui bénéficiera de la personnalité morale et de l'autonomie financière et administrative. Cette instance se chargera d'enquêter sur les violations des droits de l'Homme et les crimes durant la période allant du 20 mars 1956 jusqu'à la promulgation de la présente loi. Sa période d'action a été limitée à quatre ans, avec la possibilité d'une prolongation d'une seule année, sur décision du prochain Parlement.
L'instance sera composée de 15 membres qui seront choisis par l'Assemblée nationale constituante (ANC) parmi les personnalités connues pour leur neutralité, leur probité et leur compétence.
L'instance dispose de toutes les compétences qui lui permettront d'établir la vérité, préserver la mémoire, dédommager et réhabiliter les victimes , et mettre en place des mécanismes de reddition des comptes et de jugement. Elle dispose, en effet, des prérogatives suivantes: l'accès aux archives publiques et privées, l'enquête sur tous les abus en utilisant tous les moyens et mécanismes qu'elle estime indispensable pour l'accomplissement de sa mission, l'écoute des victimes des violations et l'acceptation de leurs plaintes, l'enquête sur les cas de disparition forcée, la définition des responsabilités de l'appareil de l'Etat et de toute autre partie pour ce qui est des abus, la collecte des données, la poursuite des violations et leur archivage en vue de la création d'une base de données.
Quel sera le point de départ du travail de l'instance Vérité et Dignité?
Le point de départ sera les dossiers rassemblés par la commission d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation et la commission d'enquête sur les violations qui ont eu lieu durant la révolution. L'instance ouvrira ainsi ses portes aussi bien à Tunis qu'à travers ses antennes dans les régions pour recevoir les plaintes pendant une période fixée à une année et demie. L'ouverture des archives des institutions permettra, par ailleurs, de révéler d'autres violations.
Qui se chargera du jugement des responsables des violations et des droits de l'Homme et de la reddition des comptes en général?
C'est la justice bien évidemment. Le projet de loi sur la justice transitionnelle prévoit la création de chambres spéciales au sein des tribunaux, chargées de juger les affaires de violations graves des droits de l'Homme afin de mettre l'impunité. Une commission d'arbitrage et de conciliation décide, d'autre part, des violations qui pourraient aboutir à une réconciliation entre les victimes et les bourreaux. Cette réconciliation ne peut bien évidemment avoir lieu qu'avec l'aval de la victime. La réconciliation est aussi envisagée en ce qui concerne les crimes économiques et financiers.
Bref, personne ne sera à l'abri de la reddition du compte même s'il fait partie de l'actuel gouvernement.
La justice transitionnelle n'est pas, toutefois, une justice vindicative. Elle n'est pas non plus une justice transactionnelle. C'est un processus de justice centré sur la reconnaissance des victimes et sur la réaffirmation de leurs droits fondamentaux et qui constitue, à ce seul titre, un pas vers la démocratie.
Comment se fera l'indemnisation des victimes ?
L'instance Vérité et Dignité va mettre en place un programme global et individuel en vue de la compensation des victimes, de l'élaboration d'un registre unifié des victimes d'abus, de la fixation des critères de dédommagement des victimes et de la prise de mesures de réparation temporaires et urgentes au profit des victimes.
Un mécanisme spécial appelé «Fonds de la dignité et de la réhabilitation des victimes du despotisme» a été mis en place à cet effet. Ce fonds servira à accorder des compensations financières aux victimes. Ces dernières seront aussi réinsérées dans le circuit social et économique.
Le dédommagement peut être également moral ou à portée symbolique tel le fait de donner le nom de la victime à une avenue ou une rue.
Des réparations collectives pourraient aussi être envisagées au profit des régions marginalisées, notamment sous la forme de projets de développement. Il s'agit dans tous ces cas de figure d'une forte reconnaissance des souffrances des victimes. L'un des objectifs de la justice transitionnelle est, en effet, de tenter de guérir les victimes...
Quels seront les mécanismes et les objectifs de la réconciliation ?
La réconciliation se fait à travers le comité d'arbitrage et de conciliation. Celle-ci agit à la demande de la victime, à la demande du présumé bourreau à condition que la victime soit consentante. Quant aux dossiers de malversation financière, l'Etat doit faire part de son consentement. Ainsi la justice transitionnelle peut rétablir la confiance, à la fois des citoyens envers les institutions et des citoyens entre eux, et de permettre la reconnaissance des violations passées.
Quels sont les mécanismes et les dispositions légales qui vont garantir l'indépendance de l'instance Vérité et Dignité?
L'instance Vérité et Dignité exercera ses fonctions dans l'impartialité et l'autonomie totales et aucune partie n'a le droit d'intervenir dans ses travaux ou d'interférer dans ses décisions. D'abord, les 15 membres de l'Instance seront choisis par une commission de l'ANC composée d'un membre de chaque groupe parlementaire, ce qui garantit un large consensus autour des membres.Il est aussi spécifié dans le projet de loi qu'il est impératif que l'instance comporte deux membres représentant les associations des victimes et deux membres représentant les associations défendant les droits de l'Homme.
D'autre part, le président de l'instance ou l'un de ses membres ne peuvent pas être l'objet de poursuites judiciaires pour délit, crime ou toute autre activité se rapportant à l'accomplissement de leurs fonctions au sein de l'instance.
Pour mieux éviter le risque de l'instrumentalisation politique du processus de la justice transitionnelle, , la société civile doit, d'autre part, rester très vigilante. La légitimation de la justice transitionnelle tient, en fait, largement à son appropriation par des groupes variés appartenant surtout à la société civile... Autant dire que la justice transitionnelle est le seul processus qui garantit le traitement des abus du passé loin des tiraillements politiques dans un pays en transition.
Sur un autre plan, les sociétés en transition sont souvent des sociétés fragiles, en proie à des tensions profondes, et la tentation peut être grande d'utiliser les outils de la justice transitionnelle à des fins politiques ou même partisanes. D'où la nécessité d'éviter la promulgation de toute autre loi qui peut comporter une interférence avec le champ d'application de la justice transitionnelle.
Entretien conduit


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