«Par cette note, les rédacteurs expliquent comment la Tunisie va se mettre sur les rails pour répondre aux injonctions du FMI pour pouvoir bénéficier des aides de ladite institution», estime M. Denis Turbet-Delof, de l'Union syndicale solidaire de France A première vue, la note rédigée par le gouverneur de la BCT et le ministre des Finances, projet de courrier à Mme Christine Lagarde, présidente du FMI, contient des chiffres bien en deçà de ceux avancés au grand public. Est-ce que les dirigeants sont plus prudents dans leurs communications avec les institutions qui détiennent vraiment des outils de contrôle et de vérification qu'avec le citoyen moyen qui croit en les dires de ses gouvernants ? Au-delà de la polémique autour des chiffres, devenue habituelle depuis un temps, le document retrace, fidèlement, la situation économique actuelle ainsi que les intentions stratégiques du gouvernement. De quoi justifier la demande d'une enveloppe de 2,7 milliards de dinars au FMI. Dans cette perspective, le renflouement des caisses des banques figure au premier rang des priorités du gouvernement et des autorités monétaires. Il suffit de voir la proportion d'articles et de commentaires relatifs aux secteurs bancaire et financier pour s'en rendre compte. Puis, dans une logique de promotion des investissements et de la compétitivité des entreprises, le gouvernement serait en passe de sacrifier d'importantes recettes fiscales et probablement certaines entreprises publiques, à la suite des missions d'audit programmées. Et le citoyen, pour sa part, a de quoi s'inquiéter en lisant dans cette note : «La maîtrise de la masse salariale, les scénarios de réformes des retraites et de l'assurance maladie, l'audit des principales entreprises publiques dont la STEG...». En d'autres termes, il s'agit de tout faire pour les banques! Et on aura droit, prochainement, à de multiples bonnes et moins bonnes explications pour nous convaincre que tout est au profit du citoyen, directement ou indirectement. L'argent n'est pas pour les pauvres Au Forum social mondial et pour ce groupement d'alter-mondialistes qui lutte contre la dictature des institutions financières internationales, cette note interpelle. «Par cette note, les rédacteurs expliquent comment la Tunisie va se mettre sur les rails pour répondre aux injonctions du FMI pour pouvoir bénéficier des aides de ladite institution», estime M. Denis Turbet-Delof de l'Union syndicale solidaire de France. Et d'ajouter «A la lecture de ce texte, on voit très bien que le gouvernement est en train de rentrer dans la spirale infernale qui a frappé déjà tous les autres pays dépendants du FMI». Le syndicaliste français n'a pas caché ses craintes de se retrouver dans l'obligation de mettre en place des politiques qui aggravent les inégalités et qui favorisent des plans d'austérité dont les premières victimes sont les travailleurs et les couches sociales les plus vulnérables. «On va encore augmenter les prix et se débarrasser des services publics qui deviendraient payants et peu accessibles à de larges franges de la population», explique-t-il. Au bout du compte, les seuls gagnants, estime-t-il, sont les banques et les grandes entreprises qui sont à l'origine du dysfonctionnement mondial. Plus précisément, l'Etat s'endetterait pour venir en aide aux banques privées. De facto, la transformation des dettes privées en dettes publiques à la charge des citoyens s'opère. Pour les entreprises, notamment les plus grandes, «l'objectif ultime est de gagner de l'argent le plus rapidement possible sur le dos des peuples pour les réinvestir sur les places financières», déplore-t-il. Privatisation en cascade Pour sa part, Mme Dalila El Mezradi, représentante du syndicat «Solidaires finances publiques», a remarqué un passage particulier qui porte sur le transfert de services publics et particulièrement l'éventuelle privatisation de l'électricité. «Et c'est là le danger: moins de services publics, moins de cohésion sociale des populations les plus fragilisées», souligne-t-elle. Et de prévenir: «Cette note laisse prévoir la privatisation des services d'électricité. Mais ce qui est à craindre est une privatisation en cascade de l'éducation, de la santé, l'eau...». Sur un autre plan, dans cette note adressée à Mme Lagarde, au niveau de la politique fiscale, on déroule le tapis rouge à des entreprises «qui n'en ont pas besoin», estime M. Turbet-Delof. S'appuyant sur l'expérience des centres d'appel, Mme El Mezradi illustre les limites des politiques basées sur la compétitivité: «Les sociétés profitent d'une masse salariale aux abois pour imposer des conditions de travail peu décentes. Et de mettre, ainsi, dans les poches les sommes non décaissées au titre des salaires et des impôts». Dans cette mesure, les incitations fiscales sont de nature à servir les entreprises avant la population. «La fiscalité doit avoir la vertu de recueillir des recettes pour une meilleure redistribution des richesses à travers les services publics», rappelle-t-elle. S'attardant sur les dettes, elle précise que le recours aux bailleurs de fonds est encouragé par l'assèchement des ressources fiscales, sacrifiées au profit des entreprises. Dans cette perspective, la comparaison de l'Etat à un père de famille perd tout son fondement, puisque l'Etat a la main sur ses revenus. Ce sont toujours les mêmes qui... Dans cette perspective, en réponse à ceux qui ne cessent de répéter que l'Etat s'endette à cause de son train de vie coûteux, notamment les salaires et les services publics inefficaces. elle rappelle: «L'Etat continue à s'endetter tout en diminuant ses dépenses de services publics». D'où l'origine du déficit budgétaire est plutôt le sacrifice des recettes au profit des plus riches. «On fait des cadeaux fiscaux aux plus riches et on demande à la majorité de contribuer à l'effort national !», s'exclame-t-elle. Et de déplorer «On demande toujours plus aux mêmes catégories». Pour sa part, le syndicaliste français rappelle : « On peut comprendre qu'un Etat fait appel à la Banque mondiale ou au FMI, mais il faut attirer l'attention sur les dangers que cela comporte s'il n'y a pas derrière une volonté politique de changer le système, de rééquilibrer les contributions...». Et de renchérir : «Les services publics ne sont pas un handicap mais au contraire c'est un levier de cohésion».