• Compte tenu des perspectives économiques de la Tunisie, le taux d'endettement de 43% par rapport au PIB n'est pas exorbitant. • «La Tunisie, qui a mené une politique macroéconomique raisonnable, dispose d'une marge de manœuvre dans la gestion des finances publiques, de nature à amortir les chocs économiques», remarque le DG du FMI. Le bon élève a reçu de mauvaises notes. En effet, les réformes recommandées, voire exigées, par les institutions internationales, entre autres le FMI, dont le métier est d'améliorer l'efficacité des pays membres ont généré des effets secondaires considérables en Tunisie, et probablement dans maintes régions du monde. Ces effets ont mené de fil en aiguille le soulèvement de tout un peuple. Consciente de ces lourdes conséquences, l'institution internationale semble changer de stratégie et de technique. «Le FMI, version 2012, est bien différent de celui des année 80. On est davantage soucieux de la stabilité économique et sociale des pays membres», relève Mme Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, lors de la conférence de presse tenue hier au siège de l'Utica, après la rencontre avec les banquiers et les chefs d'entreprise. Outre ce premier message, Mme Lagarde a recommandé de se concentrer sur le développement de l'activité économique, la création d'emplois et la restauration d'un climat d'affaires propice à l'investissement. Et elle a rappelé, également, que le FMI sera toujours un partenaire réactif aux demandes et aux besoins de la Tunisie. Concrètement, la visite de deux jours du haut responsable du FMI a servi aux négociations et aux échanges d'idées avec le gouvernement, les opérateurs du secteur privé et des représentants de la société civile. Pour ce qui est d'éventuels prêts, M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la BCT, précise : «Cela dépend des travaux de révision du budget de l'Etat. Les lois de finance complémentaires détermineront les besoins de financement». Mme Lagarde rappelle à ce sujet : «Nos interlocuteurs se sont montrés positifs et très réceptifs et nous sommes disponibles à venir en soutien à la Tunisie». Pourtant, l'année dernière on avait refusé l'aide du FMI. «Maintenant, il faut regarder la situation telle qu'elle est», ajoute-t-elle. En ces temps de crise, illustrés par les indicateurs en berne de l'exercice 2011, elle insiste : « Il est primordial de créer et de relancer l'activité des secteurs compétitifs, notamment le tourisme, les service et tout secteur doté d'un avantage comparatif». Elle considère, par ailleurs, que le niveau d'endettement, estimé à 43% par rapport au PIB, n'est pas exorbitant compte tenu des perspectives économiques de la Tunisie. De même, il serait judicieux de consacrer une petite part des 6% du déficit budgétaire à la relance de l'activité économique et à la création d'emplois. «La Tunisie, qui a mené une politique macroéconomique raisonnable, dispose d'une marge de manœuvre dans la gestion des finances publiques, de nature à amortir les chocs économiques», remarque le DG. En effet, le FMI est favorable à toute demande de fonds nécessaires à la consolidation du budget de l'Etat. D'abord, la relance économique est tributaire de ces budgets et les programmes qui les constituent. Ensuite, la croissance économique, tant convoitée, est conditionnée par la stabilité du pays et le niveau de certitude de l'environnement des affaires. Dans ce cadre, le rôle de l'Etat est primordial pour favoriser une croissance durable, mieux partagée et créatrice d'emplois. Selon le premier responsable, le rôle du FMI est de proposer des recommandations monétaires et budgétaires en vue d'améliorer l'efficacité économique du pays. « Et non de dicter des règles à suivre ou d'imposer des conditions draconiennes pour l'octroi de crédits», insiste Mme Lagarde. Les agences de notation pourraient doubler la peine de la Tunisie Certains hommes d'affaires ont noté qu'il est injuste que l'économie tunisienne paye la facture de la crise des pays riches. D'ailleurs, l'économie tunisienne s'est trouvée étranglée par la crise dans certains pays de la zone euro, premier marché de la Tunisie. «C'est une crise qui n'est pas la nôtre. Et pourtant on paye le prix», s'alarme l'un d'eux. En plus, cette peine est susceptible de doubler avec la dégradation de la note de la Tunisie par les agences de notation. A cet égard, elle réagit : «Nous considérons que ces agences peuvent et doivent jouer un rôle dans la mesure des risques inhérents aux produits financiers et aux dettes. ». Et de préciser : «Pour autant, elles n'ont pas le monopole des classements et les opérateurs, banques et banques centrales, peuvent, également, évaluer ces risques plutôt que s'en remettre aux rapports de ces agences». Mieux encore, dans leurs rapports d'évaluation de la Tunisie, les équipes de la FMI tiendront en considération la conjoncture exceptionnelle d'un pays qui sort d'une révolution. Représentant le secteur privé Mme Ouided Bouchemaoui, présidente de la centrale patronale, a commenté «les éloges flatteurs qui ont fait notre fierté sur le coup occultaient malheureusement certaines limites et insuffisances, voire des défaillances en raison d'une mauvaise gouvernance.». Et d'énumérer «la mauvaise répartition des fruits de la richesse, le déséquilibre régional, la montée du chômage, l'effritement de la classe moyenne, la prolifération du phénomène de la corruption». En guise de conclusion, elle relève : «Loin de tout sentiment d'alarmisme ou de pessimisme, la réalité économique nous interpelle tous, acteurs économiques et sociaux d'abord, et partenaires de la Tunisie ensuite».