Par Martin SCHULZ * et André AZOULAY * Plus qu'elle ne l'a jamais été, notre région est aujourd'hui au centre des préoccupations et des attentes de la Communauté des nations. La rive sud de la Méditerranée connaît une mutation sans précédent tandis que l'Europe fait face à une crise économique et sociale dont l'ampleur et la profondeur ont compromis et parfois cassé les ressorts de la croissance. Cette crise a un coût politique dont il est urgent de prendre la juste mesure car il traduit par un sentiment grandissant d'impuissance, et une montée inquiétante des extrémismes et des vertiges du repli identitaire. Le long des rives sud et est de la Méditerranée, les régimes autoritaires déchus ont laissé une scène où les acteurs en compétition s'emploient à instaurer une transition politique ouverte et plurielle. Pendant ce temps, le conflit israélo-palestinien reste dans l'impasse, et seules les 80.000 victimes de la tragédie syrienne ont pu le reléguer un temps à l'arrière-plan. C'est pourtant dans ce contexte où la frilosité et les doutes l'emportent sur les certitudes que se profilent les promesses d'un nouveau rendez-vous ambitieux, peut-être même paradoxal pour certains, pour une autre Méditerranée qui reste à nos yeux celle de tous les possibles. L'histoire de notre région s'écrit en effet désormais à partir d'un abécédaire méditerranéen qui a su, depuis un peu plus de deux ans, s'installer dans une dynamique des valeurs de dignité et de démocratie qui, sur la durée et dans une perspective historique, déterminera demain le fondement le plus sûr, le plus légitime et le plus prometteur d'un partenariat euro-méditerranéen où les mots de liberté, de diversité et d'altérité se conjugueront pour la première fois depuis très longtemps, de la même façon au nord comme au sud. Le Forum méditerranéen de la Fondation Anna-Lindh se tiendra du 4 au 7 avril à Marseille, Capitale européenne de la culture 2013, et plus de mille organisations et institutions de la société civile provenant des quarante-deux pays de l'Union pour la Méditerranée y participeront. Les 6 et 7 avril, se tiendra, également à Marseille, le premier Sommet des présidents des parlements de l'Union pour la Méditerranée, sommet qui s'appuiera sur les résultats du Forum. Une quarantaine de présidents de parlements de l'Union européenne et des pays sud-méditerranéens participeront à cette rencontre. Cet événement est très important, car il s'agit du premier rassemblement politique de haut niveau de l'Union pour la Méditerranée organisé depuis le sommet de Paris, en 2008. L'objectif est clair : à l'instar de la coopération euro-méditerranéenne qui repose sur les trois éléments que sont les moyens financiers, la mobilité et les marchés, le dialogue politique doit se construire autour de trois axes: les peuples, les parlements et la participation. Pour réussir, la relance du dialogue euro-méditerranéen doit s'articuler autour de la mobilisation de la société civile et des citoyens pour la Méditerranée. La récente enquête effectuée pour la Fondation Anna- Lindh et Gallup sur les évolutions interculturelles a montré que les citoyens qui vivent autour de cette mer commune manifestent un intérêt grandissant pour la politique, l'économie et la culture de leurs voisins. Cette enquête, premier sondage d'opinion euro-méditerranéen réalisé après les soulèvements au Maghreb et au Machrek, révèle également que les citoyens de part et d'autre de la Méditerranée pensent que le Printemps arabe aura une incidence positive globale sur les relations euro-méditerranéennes. Mais, au-delà des sondages, cette mobilisation massive des deux côtés de la Méditerranée est la preuve que les citoyens n'accepteront pas d'être mis à l'écart de la gouvernance de leurs pays. L'universalité retrouvée des valeurs de liberté et de modernité au sud de la Méditerranée a remis en cause les idées reçues sur les sociétés arabes. Si nous partageons ces valeurs, les défis que nous devons relever nous sont aussi communs et ils doivent être clairement identifiés pour ce qu'ils sont. L'instabilité économique, les inégalités sociales, le chômage des jeunes et la dégradation de l'environnement nous concernent tous et nous devons les considérer comme des problématiques communes. Pour réussir, cette lutte pour refonder des sociétés autrefois fracturées et créer de nouvelles démocraties doit être axée autour de ces problématiques et de projets conjoints très concrets. Une chose est sûre au regard des événements qui ont ébranlé les sociétés de la région : les structures gouvernementales et autres formes traditionnelles d'autorité locale doivent être remises entre les mains des citoyens et avoir pour centre de leurs préoccupations ces mêmes citoyens. Il faut mettre en place un véritable partenariat fondé sur une propriété partagée et une communauté d'intérêts. Les régimes axés sur le maintien de l'ancien ordre sont voués à l'échec. Dans un contexte international où les ressources économiques et matérielles se tarissent, les populations doivent avoir leur mot à dire sur les priorités qui sont adoptées. Le potentiel de la région, qui tient autant à l'énergie et au dynamisme si féconds de sa jeunesse, qu'à son esprit d'entreprise et d'innovation, est immense. Nous devons saisir à bras-le-corps les problèmes qui ont entravé les précédentes initiatives lancées afin d'édifier l'union des citoyens de la Méditerranée. Les solutions imposées par le haut échoueront immanquablement. Le partenariat euro-méditerranéen doit être pensé pour les citoyens, émaner des citoyens et aboutir aux citoyens (Martin Schulz : président du Parlement européen et président en exercice de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée) (André Azoulay : président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna-Lindh pour le dialogue entre les cultures)