La forêt de Gammarth vient de faire l'objet d'une action de nettoyage à laquelle ont pris part et la société civile et les institutions officielles. Cette attention portée à son aspect hygiènique s'avère être, néanmoins, minime en comparaison notamment avec les flagrantes atteintes qui lui sont apportées et qui menacent, par ce fait, son existance en tant que principal capital vert de toute la zone de la banlieue nord. Cette forêt qui date de plus de cinquante ans et dont la superficie dépasse les 100 ha constitue, en effet, un intéressant éventail de richesses botaniques et archéologiques. Elle représente, cependant, une proie alléchante pour les particuliers qui s'emparent peu à peu de son domaine pour le transformer en des terrains constructibles où des villas luxueuses seront bâties au détriment de la nature. La destruction progressive de la forêt suit son cours depuis des années. Des actions malsaines sont, de temps à autre, commises pour anéantir la forêt et exterminer le seul poumon vert de la région. En dépit du code forestier qui exige la protection et la sauvegarde de la forêt de Gammarth, cette dernière se trouve entre l'enclume des intérêts lucratifs et le marteau d'une non-chalance institutionnelle. La société civile œuvrant dans le domaine environnemental se désole de l'ampleur que prend ce phénomène et s'active afin de trouver des solutions appropriées. L'Association pour la sauvegarde de la forêt de Gammarth avait organisé, l'année dernière, une campagne d'information sur les vertus écologiques de la forêt; une campagne visant également à sensibiliser le public sur l'impératif de protéger de la forêt contre l'esprit de construction. «Il faut dire que les parties concernées sont convaincues par cette cause environnementale. Mais leurs positions se limitent à la seule compassion et ne passent jamais au stade pratique», souligne le Dr Bechir Bey, président de l'Asfg. Pourtant, l'enjeu est de taille, surtout que les atteintes à la forêt de Gammarth sont multiples et de divers degrés. Selon les données fournies par le Dr Bey, la forêt a été déclassée depuis des années suite à l'invasion des constructions. «Il s'agit d'un plan d'aménagement de la forêt qui vise à convertir de nombreux hectares en des terrains de construction. En 2011, près de 2,5 ha ont été envahis par des tracks, arrachant des milliers d'oliviers. Certes, un arrêté de construction a été signifié en juillet 2011 dans l'optique de stopper le cours des travaux de construction. Un arrêté qui n'avait pas porté ses fruits, puisque la police municipale s'est contentée de détruire un poteau dans chaque chantier, un dégât aussitôt réhabilité», explique le Dr Bey. Aujourd'hui, la forêt compte entre 15 et 20 habitations. Pis encore: des terrains sont jusqu'à nos jours maintenus ouverts à la vente, contrecarrant ainsi les lois du code forestier et du plan d'aménagement de la région de Tunis qui qualifie cette forêt de zone verte à préserver. Ce qui est encore plus frustrant, c'est que la Commission régionale au développement agricole (Crda) avait déposé des plaintes invitant la justice à dire son mot et à faire face à ces dépassements, en vain. Par ailleurs, des tentatives diaboliques sont, depuis quelques années, commises afin de détruire le capital botanique de la forêt. Après la désertation des diverses espèces animales qui y trouvaient un nid idéal, notamment le sanglier, le chacal, le lièvre et les divers oiseaux, c'est au tour de la flore de souffrir de l'invasion cruelle de l'Homme. En effet, cette forêt, qui représente un tableau de peinture riche en pins d'Alep, en caroubiers et en plantes arômatiques, se trouve annuellement menacée par des incendies d'origines douteuses. «Nous avons enregistré des incendies criminels en 2009, 2010 et en 2011. Ces incendies ne peuvent être le fruit du hasard. Et pour preuve: l'incendie qui a eu lieu en juillet 2010 est survenu un soir de grand vent. Trois départs de feu concomittants ont été relevés, suite auxquels 20% de la forêt ont été brûlés. Ces actes criminels ont pour finalité de détruire la forêt et faciliter ainsi sa conversion en des domaines constructibles», explique le président de l'Asfg. Outre la menace palpable des richesses botaniques, les travaux de constructions portent également atteinte au site archéologique jusque-là inexploité. «Des fouilles sauvages sont effectuées dans ce site qui renferme en lui de nombreuses cryptes datant de l'époque romaine», renchérit le Dr Bey. Malgré ces atteintes flagrantes portées à la forêt de Gammarth, les bras demeurent baissés. Pourtant, il serait de loin plus intelligent de préserver la forêt, de l'exploiter en valorisant ses produits. «Il est impératif de protéger le domaine de la forêt de Gammarth en cernant son territoire par le biais d'un grillage, d'arrêter les constructions et de veiller à son entretien. D'autant plus qu'il conviendrait d'exploiter son capital botanique afin que ce dernier puisse apporter le plus sur le plan économique et touristique. Cette forêt ferait un site idéal pour l'apiculture. L'on pourrait traiter le pin d'Alep et les plantes arômatiques pour en extraire des huiles essentielles raffinées. Le caroubier peut également être exploité en tant que produit anti-diharrique et anti-cancérigène», suggère le Dr Bey. Et d'ajouter que le poumon vert de Gammarth serait parfaitement recommandé pour développer l'écotourisme surtout dans une zone touristique comme Gammarth. «Des randonnées à dos de poney iraient de pair avec l'esprit de cette zone naturelle et feraient le plus grand plaisir aux visiteurs étrangers et tunisiens», renchérit le président de l'Asfg.