Le 9 avril, c'était hier. Une date commémorative du nationalisme tunisien que nous avons toujours fêtée pour ne pas oublier nos premiers martyrs et leurs élans salvateurs pour l'adhésion de notre pays à l'Indépendance, puis à la première République d'un Etat moderne. Un Etat paré d'un sentiment nationaliste à toute épreuve et qui allait grandissant, aussi, dans tout le Maghreb, jusqu'à exploser et faire des émules dans toute l'Afrique. Depuis la révolution du 14-Janvier, ce même sentiment est demeuré authentique dans le cœur des générations montantes, qui, de la paysannerie aux abois d'hier, paysannerie d'analphabètes et de la soumission forcée aux formes de dictatures parfois impitoyables, sont devenues les nouveaux héros bardés de diplômes et ouverts aux technologies nouvelles. Une nouvelle explosion de savoir-faire et de nouveaux émules dans le monde entier, cette fois! Et comment un tout petit pays comme le nôtre, petit mouchoir accroché à cette rive sud de la Méditerranée, a-t-il pu résister, jusqu'à ce jour, aux manigances de nouveaux envahisseurs — des Tunisiens eux-mêmes —, des autocrates à la solde d'un islamisme moyenâgeux ? Le 9 avril, c'était hier aussi, et pendant la révolution du «Printemps arabe», une manifestation culturelle et artistique, à travers une place d'honneur pour la famille du 4e art, ces saltimbanques qui, depuis des décennies entières de malheurs, ont dû conjurer le sort sur les scènes de théâtre du pays. Aujourd'hui encore, la dictature plane dans l'air. Une dictature sournoise basée sur la morale religieuse, l'intimidation et la peur, alors que le peuple a faim et que le pays s'en va vers la banqueroute. «Impossible, nous affirme-t-on, de voir la Tunisie autrement», alors que la révolution promettait de tourner la page définitivement sur les heurs et les malheurs de notre passé. On veut, aujourd'hui, dissoudre, cette fois, la singularité du citoyen tunisien, le jeter, à nouveau, dans cette opacité au nom de la religion, le dépersonnaliser, le considérer comme un être de paille, le faire envoler (en éclats) et disparaître. Pourtant, la leçon proprement révolutionnaire nous commande à tous de rouvrir la voie, au lieu de la frapper d'interdits. Et les jeunes l'ont compris face à ces nouveaux représentants, plus ou moins officiels du pays, à ces responsables dont on douterait fort qu'ils le sortiraient du pétrin dans lequel il se trouve aujourd'hui. A ces jeunes donc de réinventer l'avenir culturel du pays, car un pays se mesure à l'aune de sa culture, de ses particularismes, de ses traditions, de son civisme et de sa civilité. Et, pour cela, ils doivent mieux se connaître pour orienter l'incessante évolution de la révolution qu'ils ont si bien concrétisée, chacun dans son domaine, les spécialistes de la culture et des arts, à l'égard desquels la CENSURE s'autorise farouchement, le plus souvent, à leur négation. Négation de l'œuvre d'art, négation du rêve, négation de l'imaginaire. Le théâtre, la peinture, la musique, l'édition, les médias, le scolaire, l'universitaire... Toutes ces productions doivent jouer un rôle prépondérant dans la nouvelle société tunisienne. Un rôle de soupape afin de contribuer à atténuer le comportement antisocial de tous ces «inadaptés» qui ont accouru dans nos murs depuis plus de deux ans, maintenant. La culture et les arts constituent une active défense de la liberté d'expression. Sans cela, nous irons droit au mur...