Le Centre des jeunes dirigeants (CJD) de Sfax a organisé, hier, en collaboration avec la fondation Konrad Adenauer- Stiftung une conférence débat autour du thème : «Relation dirigeant-banquier : état des lieux et perspectives». Le choix du thème a été dicté par les inquiétudes de plus en plus exprimées par les dirigeants quant à l'attitude des banquiers envers les entreprises. En effet, deux ans après la révolution, la relation banquier-dirigeant reste toujours à reconcevoir. Le souci excessif des banques d'assainir leur gestion s'est répercuté négativement sur la capacité des entreprises à faire appel à cette source de financement qu'est le crédit bancaire sous ses différentes formes. Un maillon très important de la relation entreprise-banque est constitué par le dirigeant. Ce dernier espère pouvoir franchir le cap d'une simple relation fournisseur-client vers une véritable relation de partenariat. Ce genre de relations suppose une meilleure écoute et prise en considération des besoins de l'entreprise. Dans cette logique, M. Slim Marakchi, président du CJD Sfax, a souligné que «vu la conjoncture actuelle, les intervenants dans l'économie nationale ont besoin vraiment d'une relation de partenariat et de complémentarité. Actuellement, la relation dirigeant-banque passe par une phase critique». Cette journée a permis aux jeunes dirigeants et aux représentants des banques d'exprimer leur point de vue. En fait, certains dirigeants reprochent aux banquiers leur changement d'attitude et leur méfiance excessive à l'égard des demandeurs de financement. C'est le cas de M. Chedly Zekri, gérant d'une entreprise spécialisée dans la gestion des déchets hospitaliers, qui a indiqué que «le banquier ne s'intéresse pas au projet. Il ne cherche que des garanties réelles. Cette attitude est très pénalisante pour un jeune dirigeant». Pour sa part, Mme Salma Ben Ayed, gérante d'une entreprise de vente de produits de construction, a précisé que les banques cherchent le gain immédiat. Elles ignorent leur rôle primordial dans le développement de l'économie nationale. Elle a même critiqué la participation de certaines banques dans le blanchiment de l'argent issu du commerce parallèle. Pour un banquier-conseiller M. Hatem Fourati, DG d'une entreprise, a déclaré que le jeune promoteur trouve, actuellement, du mal à se faire financer par les voies classiques.Une grande méfiance est constatée au niveau des banques. Le client sent que la banque profite de sa situation dans le calcul des intérêts. Il a évoqué, également, la question de la centralisation. Les décisions d'obtention des crédits bancaires sont prises à Tunis. Les jeunes dirigeants ont appelé les banquiers à aider le nouveau promoteur et à jouer le rôle d'un banquier-conseiller. Mme Bchira Fourati, représentante d'une banque, a montré que les problèmes sociaux, juridiques et la lenteur du cycle d'exploitation des entreprises ont poussé les banques à ajuster leurs décisions. Dans son intervention, M. Habib Ben Saâd, président de l'Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers et P.-d.g. de la Banque de Tunisie, a présenté un état des lieux de la relation dirigeant-banquier. Il a rappelé que 83% du financement de l'économie nationale depuis l'indépendance est assuré par des crédits bancaires et que 75 % des engagements du secteur bancaire est constitué par des crédits au profit des entreprises. Toutefois, les PME ne représentent que 13 % du financement bancaire alors que 97 % des entreprises tunisiennes sont des PME. La région de Sfax toute seule abrite 500 PME. «De ce fait, il est vital pour le secteur bancaire que le financement des entreprises se développe. Nous estimons apporter le soutien à notre économie nationale dans cette période transitionnelle. Les difficultés rencontrées par le secteur bancaire sont des réalités et malgré cette situation, il a continué à financer des projets. Il faut souligner que le taux des crédits à forts risque de non remboursement est passé de 13,5 % en 2011 à 19 % en 2012», explique M. Ben Saâd. En ce qui concerne les difficultés de financement des jeunes investisseurs, M. Ben Saâd a ajouté que «nous avons un très large éventail de produits pour soutenir les jeunes promoteurs. Les outils de financement existent mais ce sont les garanties qui dérangent. Nous avons parfois des demandeurs de crédits qui arrivent chez le banquier sans étude complète et claire sur leurs projets». Et pour conclure, on peut dire que la croissance de l'économie de notre pays dépend de plusieurs facteurs, entre autres un véritable statut de partenariat durable banque-entreprise .