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«Le plus grand risque ce n'est pas que les journalistes disent n'importe quoi. C'est qu'ils n'osent plus parler...»
Journée Mondiale de la Liberté de la Presse - Catherine Smadja, présidente de l'organisation Article 19
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 05 - 2013

Chef de projet politique et stratégique à la BBC, présidente de l'organisation Article 19 pour la liberté d'expression et d'information, actrice dans la réforme de l'audiovisuel public français, Catherine Smadja a, depuis le 14 janvier, fait partie des experts étrangers qui ont accompagné le travail de réforme des médias tunisiens. Quel regard porte-t-elle aujourd'hui sur leur évolution ?
Deux ans après la chute de l'ancien régime, les médias tunisiens ont recouvré une liberté quasi totale de parole, mais, en l'absence de lignes éditoriales claires et de législations, cette liberté tarde à être protégée et régulée. De fréquents procès contre des journalistes ont lieu. Que manque-t-il à la liberté de la presse pour être solide et durable ?
La situation est inquiétante : vous parlez des procès qui se multiplient, mais il y a aussi des attaques contre les journalistes qui font leur métier. Il y a le projet de loi déposé par le CPR pour remplacer les décrets-lois 115 et 116 et qui comporte plusieurs dispositions privatives de liberté.
Face à ces menaces, il est essentiel que la liberté de la presse soit inscrite comme droit fondamental dans la Constitution. Et le décret-loi 115 doit être appliqué. Il n'est certes pas parfait, notamment parce qu'il pénalise certains délits de presse. Mais il a le mérite d'exister et d'avoir été rédigé après de nombreuses discussions, notamment au sein de l'Inric impliquant les acteurs de la société tunisienne et les professionnels de la presse. Il sera toujours temps à l'usage de modifier tel ou tel point, mais il est urgent de cesser de tergiverser. Les Tunisiennes et Tunisiens peuvent être fiers d'avoir tracé la voie d'une transposition démocratique pacifiste, mais cette immense victoire est en train d'être confisquée. D'un côté, j'aurais envie de dire que la liberté de la presse n'a besoin que de journalistes bien formés, conscients de leur rôle et ayant à cœur d'informer les citoyens et de leur proposer des analyses honnêtes. Mais, en même temps, tant que le pouvoir, ou plutôt les pouvoirs économiques, religieux, politiques considéreront les journalistes comme des ennemis à faire taire, ou au contraire comme des propagandistes serviles, il faudra une loi pour les protéger, protéger leurs sources, protéger leur droit de tout ou presque tout dire, même des bêtises! Alors bien sûr il faut quelques garde-fous. Ils sont identifiés dans les standards internationaux : pas d'appel à la haine ou au crime.
La liberté de la presse n'a jamais autorisé à appeler à tuer un opposant politique!
Mais il y a des lois pour réprimer les appels aux meurtres, quelle qu'en soit la forme. Pas besoin de s'attaquer à la liberté de la presse pour cela...
Et puis soyons réalistes : le plus grand risque ce n'est pas que les journalistes disent n'importe quoi! C'est qu'ils n'osent pas ou plus parler. Parce qu'ils ont peur des poursuites pénales ou des attaques d'ennemis de la liberté, ou parce que les actionnaires de leur journal les censurent pour défendre leurs propres intérêts ou encore parce que les entreprises dont la publicité faire vivre leurs organes de presse ne veulent accepter aucune critique. La liberté de la presse à elle seule ne suffit pas, il faut aussi que la presse soit diverse, que tous les moyens d'information ne soient pas concentrés entre les mains de quelques-uns, et il faut que les journaux aient les moyens de vivre. A ce propos, il est indispensable de s'assurer d'une répartition équitable des publicités gouvernementales ou d'autorités publiques.
Les médias tunisiens divisent l'opinion entre fervents défenseurs de la liberté de la presse et détracteurs hostiles de cette même liberté qui accusent les médias de servir une version dramatique du réel et d'être eux-mêmes à l'origine des difficultés économiques et politiques... De quoi sont redevables les journalistes, en période de trouble, selon vous?
Dans un pays où la presse est vraiment libre, elle sera diverse. Et des opinions très variées seront émises. Aux citoyens de décider ce qu'ils veulent lire ! Je respecte beaucoup les journalistes, mais franchement leur impact réel sur la situation économique ou sociale d'un pays est très limité. Ce ne sont pas eux qui créent les difficultés économiques ou qui trouvent des remèdes efficaces! Ce n'est pas en interdisant aux journalistes de s'exprimer que l'on améliorera la situation. C'est l'éducation du public qui permet de faire la différence. Si en France je lis Le Figaro, je sais que le point de vue de l'éditorialiste sera orienté, et ne correspondra pas à ce que je pense. Je ne le lis pas! Mais si quelqu'un voulait interdire au Figaro ou même au journal du Front national dont j'abhorre les idées, de paraître, je me battrai pour les défendre !
Investigations, scoops, révélations scandaleuses, levée de tabous politiques et sociaux. Peut-on tout dire à la télé ? Comment distinguer entre une information d'intérêt public de ce qui ne l'est pas?
La télévision fait traditionnellement l'objet d'une régulation plus stricte que la presse: parce que le nombre de télévisions est plus limité, et aussi que la télévision a une plus grande force de persuasion, touche d'un seul coup plus de monde. Mais les principes sont les mêmes : la règle doit être la liberté d'expression et l'absence de contrôle a priori. L'exception peut être régulée, comme je l'ai dit auparavant mais toujours a posteriori. Effectivement, les journalistes doivent être conscients de l'impact de ce média de masse, et redoubler de vigilance quant à la qualité et à la justesse de l'information. Rien ne les empêche d'exprimer des opinions, de faire leurs propres analyses, mais ils doivent s'efforcer de marquer la différence entre le fait et l'opinion entre la réalité et son analyse. Et grâce à son éducation, l'audience doit pouvoir faire son choix. Alors, bien sûr, on a vu les dérapages de la presse Murdoch et les abus de certains journalistes d'investigation qui ne reculent devant rien pour faire un scoop juteux. Mais quelques abus seront toujours la contrepartie d'une presse libre. Dans une démocratie, l'on peut prévoir un droit de rectification ou même des sanctions financières contre des journaux qui se livrent à des actes illégaux pour obtenir des informations lorsque les moyens légaux pour obtenir l'information existent, ou lorsque l'information est protégée par le droit des individus ou la sécurité nationale. Mais on ne peut justifier une censure ou un contrôle préalable pour tous, des menaces ou des peines de prison parce qu'une infime minorité ne respectera pas les règles. Et s'il faut prévoir des sanctions, il est vraiment préférable que de telles sanctions soient décidées par un organe d'autorégulation que par un juge. En cela, il faut faire confiance à la communauté des journalistes et je trouve très encourageant que les journalistes tunisiens aient décidé de s'unir pour créer un conseil de la presse.
Quels sont le rôle, les prérogatives et les conditions particulières de l'audiovisuel public en démocratie ?
Vous touchez là au sujet qui me tient le plus à cœur: dans des pays qui ont vu leur audiovisuel public confisqué par des pouvoirs dictatoriaux, il y a une méfiance naturelle et compréhensible à l'égard des médias d'Etat. Et pourtant un audiovisuel public de qualité est la garantie de la liberté de la presse et de la force du débat démocratique. Les médias publics n'appartiennent pas au gouvernement mais au public. C'est pour cela que je suis très attachée au financement par la redevance, qui, à l'instar de ce qui se passe avec la BBC, instaure un lien direct entre le public qui paie et le média qui lui est redevable de son existence. Bien sûr, personne n'aime payer un impôt. Mais en même temps, tout le monde sait bien que sans impôt il n'y a ni routes ni écoles ni hôpitaux, et je dirai ni médias libres et indépendants des pressions politiques ou économiques. Seulement, si les citoyens paient, ils ont le droit de participer au débat sur les missions et la déontologie du service public. Les médias publics doivent respecter des règles beaucoup plus strictes d'impartialité, de représentation des diverses composantes sociales régionales et culturelles de la société tunisienne, de nomination des dirigeants et salariés au mérite et non au copinage. L'Inric a tracé les grandes lignes de ce que devrait être la régulation du service public audiovisuel, le décret a été promulgué. Il est temps de le mettre en œuvre.


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