La nouvelle création de Selma et Sofiane Ouissi, qui associent étroitement engagement artistique et social, propose d'explorer un monde rural et la relation entretenue entre l'Homme, son corps et son cadre de vie. Après avoir fait l'évènement à Tunis et à Sfax avec la troisième édition de Dream City (festival international d'arts contemporains qui a lieu dans les espaces publics), les concepteurs et directeurs artistiques, Selma et Sofiane Ouissi, ont remis leur casquette de danseurs chorégraphes, pour enchaîner sur une nouvelle création intitulée «Laaroussa». La première a eu lieu, samedi dernier au Festival des Arts à Bruxelles. «Laaroussa», rappelons-le, fait référence à cette poupée d'argile au graphisme particulier, fabriquée depuis quatre siècles par les femmes de Sejnane. C'est aussi l'intitulé de ce grand projet de fabrique d'espaces populaires de création artistique, initié par les Ouissi et dont le coup d'envoi a été donné en février 2011 dans ce village du nord-ouest de la Tunisie. Le projet, qui a accueilli 57 artistes et artisanes vivant des situations de très forte dépendance économique, malgré un savoir-faire riche et créatif, a beaucoup évolué depuis. Il a, entre autres, permis à ces femmes potières de franchir les frontières pour aller exposer à Paris au Palais de Tokyo et à Argila, le plus grand marché potier de France. Et c'est la résidence, pendant plusieurs mois, à Sejnane qui a inspiré le collectif Dream City, provoquant un échange concret en matière de compétences artistiques. Selma et Sofiane Ouissi ont été, justement, fascinés par ces femmes et leurs corps libres qui inventent leurs propres gestes. «Ces gestes travaillés à répétition pour modeler une pièce de poterie, les mouvements impliquant leurs corps dans le paysage pour recueillir les matériaux naturels : argile, eau, pistachier lentisque... leurs postures adaptées pour broyer la brique, mélanger et modeler l'argile, les longues marches, sont autant de récits du corps dégageant une façon singulière d'être au monde», écrivent les frangins dans leur note d'intention. Un travail d'atelier mené tous les matins avec ces femmes, a été pensé pour faire apparaître l'imaginaire de leur corps et lui donner lisibilité. C'est ainsi que la création «Laaroussa» a commencé à germer. On a déjà vu à Sejnane, lors d'une première «cuisson» artistique à laquelle nous étions invités, une vidéo où Selma et Sofiane reproduisent en séquences précises et harmonieuses, la danse des mains créatrices de poupées d'argile. Créé dans le cadre du Festival des Arts de Bruxelles, le nouveau spectacle donne à voir et à ressentir l'espace et le temps éprouvés dans ce milieu rural. Il a été envisagé comme une œuvre à la fois documentaire et artistique, dans laquelle s'articulent images projetées et performance en live. En attendant une représentation de «Laaroussa» à Tunis, les danseurs en assureront d'autres au même Festival des Arts et dans quelques pays d'Europe.