Le village touristique de La Goulette se présente comme une bâtisse répondant au style architectural des médinas. Cette bâtisse, qui s'étale sur quelque 6.200 m2, reprend quelque peu l'idée de l'envol avec notamment les deux ailes déployées. Aussitôt débarqués, les passagers en quête d'exotisme et de découverte se trouvent de plain-pied dans une médina conçue rien que pour eux. En effet, à l'exception de l'espace d'accueil à dominante officielle, le village offre aux visiteurs une atmosphère tunisienne qui se traduit, d'abord, par une architecture à l'ancienne. Des ruelles avec leurs petites boutiques rappellent les souks des différentes médinas de Tunisie. Des sons enchanteurs résonnent dans l'air. Ils sont produits par une troupe de malouf, disponible en permanence en vue de renforcer l'empreinte tunisienne et d'impressionner les touristes. Un peu plus loin, une femme d'un certain âge occupe un stand où elle s'adonne au tissage d'un tapis traditionnel. Vêtue d'une tenue bédouine simple, elle s'applique dans son travail, faisant ainsi la promotion d'un secteur aux mille vertus. En tournant à droite, l'on aperçoit une jeune femme, manifestement spécialisée dans l'art du tatouage, dans l'attente d'un éventuel client. Toutefois, malgré la beauté du lieu, l'enthousiasme fait défaut: bon nombre de boutiques sont fermées depuis des mois En 2012, le taux de remplissage du village se limitait déjà à 43%, ce qui en dit long sur la mauvaise stratégie de marketing et sur la réticence des commerçants à se hasarder dans un projet dont le résultat est incertain. Pour ce qui est des commerçants qui persistent encore dans ces lieux, les affaires ne marchent aucunement comme sur des roulettes. Mme Warda Laâjimi travaille comme vendeuse dans une boutique spécialisée dans les bijoux de fantaisie. Des colliers, des bagues, des boucles d'oreilles et des bracelets dénotent un goût et un esprit créatifs confirmés sans pour autant impressionner les visiteurs. « La plupart des visiteurs sollicitent des produits chinois et non des produits tunisiens haut de gamme. Aussi, les ventes sont-elles rares. D'ailleurs, seuls les visiteurs américains et autres australiens savent apprécier les produits de valeur», indique la vendeuse. Un peu plus loin se situe la boutique de M. Mondher Mouelhi, commerçant installé au village depuis 2010. Pour lui, après la révolution, les choses vont de mal en pis, et ce, à cause du déficit sécuritaire. «D'autant plus que le tourisme de masse n'est pas en mesure d'assurer au commerçant le rendement escompté. La plupart des passagers sont à la recherche d'un petit article de souvenir dont le prix ne dépasse pas les deux euros, ce qui n'arrange pas les choses», indique le commerçant. Il insiste également sur l'annulation du principe de l'exclusivité qui permettait, jadis, aux commerçants de bénéficier de l'exclusivité d'un tel domaine comme le verre soufflé ou autre. Après la révolution, ce principe a été mis entre parenthèses, ce qui a favorisé une concurrence tous azimuts. La bonne astuce Une fois sorti de l'espace commercial, l'on se trouve dans l'espace découvert qui rappelle quelque peu le port d'El Kantaoui, où sont organisées les activités d'animation. Prenant une pause-déjeuner, Mme Maâmouri garde quand même l'œil sur sa boutique: une boutique qui a su résister aux multiples échecs qu'a connus le village grâce à une révision intelligente de sa stratégie de créatrice. En effet, après avoir misé — comme la plupart des artisans créateurs — sur les produits haut de gamme, cette créatrice a changé de tactique pour répondre au mieux aux besoins des passagers. Ses principaux produits relèvent de créations exclusives, réalisées à partir de peaux de mouton, de peaux de chèvre ou encore de lapin; mais aussi des articles de tissage, de poterie et de cuivre. «Ce sont des créations exclusives qui confèrent au traditionnel une touche nouvelle», indique Mme Maâmouri. En effet, au seuil de la boutique, des poufs sous forme de petits moutons, des sacs à main et des accessoires en peau de chèvre et en peau de lapin, ainsi que des sacs en paille renvoient à une inspiration à cheval entre l'authentique et le pratique. Une fois à l'intérieur de la boutique, le visiteur découvre une multitude d'articles de poterie de divers genres. «L'idée étant de mettre en valeur la poterie tunisienne et ses différentes visions, comme la poterie traditionnelle de Nabeul, la poterie andalouse, la poterie berbère, etc.», souligne la créatrice artisane qui a su adapter ses créations aux requêtes des croisiéristes. Des services à café en miniature, des porte-clefs, des écharpes en soie, des gilets traditionnels farmla brodés à la main, des couffins convertis en sacs à main. Autant de produits tentants à acheter et à offrir comme articles de souvenir. Quant aux prix, ils sont parfaitement adaptés aux bourses des touristes de masse, puisqu'ils vont de 5 à 120 euros. Dans une arène en plein soleil, un chameau accompagné de son maître semble s'impatienter de mener les touristes en petite promenade. Mais les visiteurs se comptent sur les doigts de la main et la plupart des locaux spécifiques sont — pour le moment — voués à un stand-by indéfini.