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Cité Ettadhamen, zone de non-droit
Dossier — Jihadisme-Ansar Echaria (1ére partie)
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 05 - 2013

Hay Ettadhamen, qui a connu dimanche dernier de violents affrontements entre les forces de l'ordre et les partisans du mouvement jihadiste Ansar Echaria, vit depuis le 14 janvier sans l'ombre d'un agent de sécurité. Ce territoire de 250.000 habitants, classé quatrième commune de Tunisie, est livré depuis presque deux ans à la criminalité, au chaos et à... l'ordre des caïds salafistes
La zone marchande de la Cité Ettadhamen, qui serpente le long de l'avenue Ibn-Khaldoun, l'artère principale, ne désemplit pas en cette matinée du mardi 21 mai. Des fripiers, des fast-foods, des épiciers, des échoppes de vêtements importés de Chine, des magasins de location de robes de mariée, la grande mosquée Errahma et une enfilade infinie de cafés structurent cette ville sans véritables repères, ni jardins publics, ni places, ni mobilier urbain. Deux jours après les affrontements ayant opposé les forces de l'ordre aux partisans d'Ansar Echaria, mouvement salafiste jihadiste tunisien, à la suite de l'interdiction de leur congrès par les autorités, la rue garde très peu d'empreintes de la bataille violente et frontale qui s'est poursuivie dans le quartier et ses alentours toute la journée du dimanche. Jusqu'à 1h 30 du matin du lundi 20 mai. Bilan : un mort parmi les habitants du quartier et une trentaine de blessés, dont six dans les rangs des brigades du ministère de l'Intérieur.
Un couffin à la main, des ménagères, la plupart voilées, certaines niqabées, vaquent à leurs besoins, plus attentives à la hausse permanente des prix des viandes, des fruits et des légumes qu'aux débris d'une poignée de véhicules calcinés, à deux poteaux électriques déracinés, aux stigmates de murs incendiés. Ou encore aux monticules de pierres que des adolescents, de très jeunes manifestants, ont jetés au visage des différentes brigades du ministère de l'Intérieur.
Bruyants, animés, les cafés se conjuguant au masculin pluriel, sont bourrés de jeunes désœuvrés âgés entre 18 et 35 ans. Aucun salafiste n'est attablé parmi les hommes...
Depuis le 14 janvier, la police a déserté les lieux
«Ils se terrent chez eux depuis les incidents de dimanche. Depuis que des dizaines d'activistes d'Ansar Echaria ont été interpellés. Hier soir encore, el hakem (la police) a effectué une descente dans notre rue et arrêté six personnes parmi les purs et durs du mouvement. Si vous restez jusqu'à l'heure de la prière du Moghreb, au moment du coucher du soleil, vous les verrez sortir en groupes des mosquées et former des cercles fermés pour discuter et échafauder leurs sinistres stratégies de conquête du quartier», témoigne à mi-voix Ali, 27 ans, tenant un commerce dans l'infinie rue 116, à deux pas du stade où les partisans d'Abou Yadh ont voulu improviser leur meeting, initialement prévu à Kairouan.
Plus étonnant encore : aucune trace des barrages policiers et du lourd dispositif sécuritaire, qui ont investi, il y a deux jours, en moins d'une heure la cité. Dans cette banlieue ouest de Tunis, située à sept km de la ville, régie par la garde nationale, pas l'ombre non plus d'un agent, qui circule dans les rues !
En fait, Hay Ettadhamen, l'un des bastions du soulèvement du 14 janvier 2011, a perdu une dizaine de martyrs dans les manifestations contre le dictateur. Deux postes de la garde nationale, saccagés et brûlés, ont été pris pour cible à l'époque. Celui situé à l'entrée de la cité a vu émerger à sa place la Banque islamique Zaytouna... Depuis, les forces de l'ordre, minées par l'affaiblissement de l'Etat lui-même et le manque de moyens adaptés à une situation de crise liée à la transition démocratique, décrédibilisées par toutes ces années où la police a incarné la face la plus sombre du régime de Ben Ali, la corruption, l'arbitraire du pouvoir et la répression brutale notamment contre les islamistes et les salafistes implantés ici en grand nombre voilà bien longtemps, ont déserté cette ville de 250 000 habitants. La quatrième plus grande commune du pays et la plus étendue de tout le Maghreb! Dans cette zone de non-droit, règnent depuis le crime organisé, le chaos et... la loi des chefs salafistes.
«Ils nous ont divisés en «juifs» et en musulmans» !
Si Ahmed, 42 ans, vendeur dans un magasin de chaussures, dans le quartier du marché hebdomadaire, affilié aux Ansar Echaria accepte de nous parler —Abou Iadh avait pourtant taxé la veille les médias et la police de taghout (transgresseurs, qui s'attribuent des droits exclusivement réservés à Allah)—, c'est parce que, dit-il: «Vous travaillez dans la presse écrite et pas à la télévision, qui déforme tout et désinforme allègrement». Ahmed semble très sûr d'une chose : sans la régulation morale que les salafistes tentent d'imposer, les bandes criminelles, qui terrorisent la population par des braquages, des agressions, des cambriolages et des vols à répétition auraient mené la cité à la dérive. Il ajoute: «Tous les types de stupéfiants circulent librement chez nous, de la zatla (résine de cannabis) à l'alcool, aux anxiolytiques. J'ai assisté il y a quelque jours à une scène quasi irréelle. Un adolescent était en train d'arracher le sac d'une passante, qui lui criait dessus : «Regarde-moi, je suis ta sœur, je suis ta sœur !». Le garçon, tellement abruti par les drogues, ne s'était pas rendu compte de l'identité de sa victime».
Hassan, 22 ans, né au cœur de la cité dans une famille originaire du Nord-Ouest, installée ici depuis 35 ans, est heureux de quitter chaque matin Hay Ettahdhamen pour aller travailler ailleurs, dans une grande surface dans un des quartiers résidentiels de Tunis. Arborant des lunettes de soleil signées, des jeans taille basse et les cheveux coiffés de gel, le jeune homme vit un cauchemar depuis la montée en puissance des salafistes, notamment, affirme-t-il, après les élections du 23 octobre : «Ils sont devenus l'Etat. Menaçants, armés de sabres et de bombes à gaz, ils veulent imposer leurs lois et leurs préceptes par la force. Nous qui voulons vivre notre jeunesse librement sommes dénoncés quotidiennement et taxés de âlmani (laïcs), de francs-maçons et de mécréants. Ils ont divisé le quartier en «juifs» et en «musulmans». Contrôlant la plupart des commerces, ils refusent à chaque fois qu'il y a une pénurie d'un produit alimentaire de vendre aux «juifs» du lait par exemple. «Ma sœur est harcelée afin de se voiler. Pour éviter qu'elle ne se fasse insulter et agresser, il me faut chaque soir aller la récupérer devant le lieu de son travail pour la raccompagner chez nous».
Le confort d'une identité, la protection d'une communauté
Traînant depuis plusieurs années un taux de chômage très élevé et un échec scolaire massif, à Ettadhamen les électeurs ont voté en majorité pour le parti islamiste Ennahdha. Mais rien n'a changé depuis. A l'intérieur du stade, là où les hommes d'Abou Iadh ont exhibé dimanche leur étendard noir en attendant de tenir leur meeting, quelqu'un a laissé un tag tracé en grosses lettres arabes : «Quartier de malheur. Tu y rentres avec un pain entier, tu en sors avec la moitié».
Dans ce fief jihadiste, les prédicateurs-recruteurs d'Ansar Echaria surfent aisément sur les sentiments d'injustice et d'exclusion perceptibles dans les discussions y compris avec les «laïcs» du quartier. Ils offrent aux enfants des rues, phénomène largement répandu ici, aux jeunes révolutionnaires désenchantés du 14 janvier et aux anciens repris de justice le confort d'une identité et la protection d'une communauté solidaire et puissante. Mais leur travail, dans ce quartier populaire défavorisé, ne s'arrête pas à la dimension spirituelle. Selon le politologue Béchir Michael Ayari, qui a mené une recherche de terrain sur les salafistes (Tunisie : violences et défi salafiste. International Crisis Group. Février 2013) : «...ils s'implantent au niveau local, palliant avant tout la faiblesse des services publics dans les zones délaissées. Par endroits, ils sont devenus des acteurs essentiels de la vie économique. Plusieurs donnent des cours de soutien scolaire et règlent des litiges de voisinage, des petits problèmes administratifs, voire des conflits conjugaux. Dans nombre de villages et agglomérations urbaines déshéritées, ils s'insèrent dans l'économie informelle et souterraine».
Abandonnés par les hommes de la République
«Chauffés à blanc par les Allahou Akbar, Dieu est Grand, et des slogans haineux contre le pouvoir lancés par les salafistes, ces adolescents en errance, en général en situation de rupture avec leurs familles, que vous avez vus à la télé dimanche dernier, leur servent de chair à canon», affirme Amor, boucher, témoin oculaire des derniers affrontements.
Ahmed dément fermement : «Ces jeunes délinquants, gros consommateurs de stupéfiants, sont ceux qui profitent des débordements pour cambrioler les maisons et voler les commerces. Ils ne font pas partie des nôtres et agissent plutôt sous les ordres de caïds, qui les manipulent et poussent à la débauche. Nous voulons que la police revienne chez nous pour mettre de l'ordre dans le quartier mais sur de nouvelles bases, à savoir l'impartialité et l'honnêteté».
Ahmed semble sincère. Or tous les salafistes jihadistes, qui ont conquis une importante tranche de ce territoire, pratiquement abandonné par la République, déserté par ses forces de sécurité, ses imams, ses animateurs culturels et sportifs, ne partageraient pas son point de vue. La maison de la culture d'Ettadhamen est aujourd'hui presque enfouie sous des Himalaya d'ordures. A quelques mètres de là, la salle de sport couverte, sombre, lugubre, miteuse nous est interdite d'accès par un douteux gardien des lieux, qui ferme tout de suite la porte à clé et s'en va menaçant: «Vous écrivez un article sur notre cité ? Pour quoi faire?».


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