Criant à la marginalisation dont il souffre de la part du ministère de la Santé publique, le syndicat général des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes a menacé, hier, de lancer une grève générale dans les hôpitaux et les dispensaires qui pourrait être programmée le 27 juin. «C'est une situation très grave dans laquelle vivent les différentes catégories de médecins ainsi que le personnel de la santé publique sur tous les plans et notamment les conditions professionnelles et matérielles. La situation nécessite une intervention d'urgence avant que ce ne soit trop tard pour tout le système de la santé publique, en attendant de voir plusieurs points qui figurent parmi nos revendications. Ces revendications, tant répétées sans aucun feed-back du ministère, concernent l'amélioration des conditions d'exercice dans les hôpitaux qui souffrent d'un défaut flagrant d'appareils, de personnel, de médicaments mais aussi d'espaces pouvant satisfaire les besoins des citoyens. Notre staff médical est chaque jour agressé, notamment dans les urgences. Les médecins, toutes catégories confondues, n'ont pas de statut. Et outre le manque de personnel paramédical, il existe des disparités flagrantes dans les conditions de travail entre les régions», c'est en ces termes que le secrétaire général du syndicat général des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes, Sami Souihli, s'est exprimé hier lors d'une conférence de presse. Une conférence que ledit syndicat général a organisée pour tirer la sonnette d'alarme face à la détérioration de la situation et les conditions d'exercice du staff médical dans les différentes institutions de la santé publique. Selon Souihli, 70% des citoyens bénéficient des services des institutions publiques de santé alors que seulement 30% des entrées financières générées sont allouées pour ces institutions. «60% des gens vont aux dispensaires qui travaillent à raison de deux jours par semaine, ce que nous allons augmenter à trois jours par semaine. Ces dispensaires, comme les urgences, sont complètement démunis en matière d'équipement et l'état de l'infrastructure laisse à désirer avec des locaux qui ne répondent pas du tout aux exigences d'un tel exercice», a-t-il indiqué tout en affirmant que leurs revendications vont dans le sens de celles des citoyens qui réclament leur droit à la santé et à des prestations d'un minimum de qualité répondant à leurs besoins. Selon lui, le syndicat général menace d'engager une grève générale, qu'il a tant ajourné, et il a affirmé qu'elle sera à la fin du mois en cours et fort probablement le 27. «Une infrastructure délabrée, des toits qui risquent de s'effondrer sur la tête du personnel et du staff, outre le défaut de moyen de transport des patients en cas d'urgence, notamment les ambulances. Rien qu'aujourd'hui, on nous a informés que le toit d'un centre de transfusion de sang à Sfax s'est effondré, un peu tôt dans la matinée, sur un ensemble d'appareils qui coûtent des sommes importantes. Heureusement qu'il n'y avait pas encore du personnel dans les locaux», a affirmé le secrétaire général adjoint du même syndicat, Mohamed Jamoussi. D'après lui, plusieurs médecins de la santé publique ont présenté leur démission, que le ministère n'a pas acceptée, et ce, pour partir travailler dans des institutions privées «qui sont en nette avance sur le plan des infrastructures, des conditions de travail et des salaires aussi», a-t-il ajouté. Sami Souihli a relaté l'urgence de l'intervention du ministère de la Santé publique qui, selon lui, n'a pas répondu aux diverses réclamations du syndicat. «On doit réviser les lois et délimiter les responsabilités alors qu'il y a une rupture entre les directeurs, désignés selon des intérêts partisans et autres, et le personnel médical qui connaît mieux ses problèmes. Il faut que le ministère engage des concertations réelles autour des vraies problématiques en vue de sauver le secteur au lieu d'organiser des forums et autres débats autour d'une stratégie pour la santé sur le long terme sans pour autant impliquer les médecins et les différents professionnels. Nous avons des médecins qui fuient vers le privé ou des pays étrangers et c'est grave pour les années à venir. Nous appelons le ministère à engager un dialogue sérieux et sans exclusion», a-t-il conclu. Sécurité, recrutement et autres problèmes Un autre problème évoqué par Salma Moalla, membre du syndicat des internes et des résidents en médecine de Tunis, consiste en les agressions dont les médecins sont victimes chaque jour, notamment dans les urgences. « Il y a des conditions au-dessous desquelles nous ne pouvons plus travailler. Nous vivons dans des conditions de harcèlement de la part des patients et de leurs familles au sein des institutions de santé, ce qui affecte notre rendement et nos choix lors de la prise en charge des malades. On nous agresse pour que nous prenions en charge un patient avant les autres dont certains sont parfois prioritaires vu la gravité de leur état. Il y a une certaine nonchalance de la part du ministère en matière de sécurité des institutions de santé. Il faut assurer la sécurité des médecins et du personnel, notamment les internes et les résidents », a enchaîné Moalla. Jamoussi a, pour sa part, relevé le problème d'affectation du nouveau personnel. En effet, d'après lui, deux mille nouvelles recrues dans le secteur paramédical ont été affectées dans des lieux où l'on n'en a pas besoin alors que d'autres établissements souffrent d'un manque de personnel. Selon lui, le système de santé est exposé à différents problèmes qui peuvent l'affecter, notamment dans sa relation avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) qui serait en danger. Dans ce sens, il s'est plaint des dernières décisions d'augmenter à 2,1% la cotisation de la Cnam sur les salaires de retraite des médecins outre le 1% déjà décidé avant la retraite. Pour Mohamed Hédi Souissi, secrétaire général du syndicat régional des médecins, des pharmaciens et des dentistes de la santé de Tunis, le travail obligatoire est une aberration. Il a affirmé que le Conseil de l'ordre de la santé l'a refusé et que cette décision n'est pas une solution pour les problèmes existants.