Pour le peuple palestinien, le conflit avec Israël se résume en deux mots : la «Nakba» (qui signifie le jour de la catastrophe, en arabe) et la «Naksa» (le jour de l'échec). Si le premier évènement marque la création de l'Etat d'Israël, le 15 mai 1948, et l'exode de 760.000 Palestiniens, le second renvoie le monde arabe, dont les Palestiniens, à leur pire cauchemar. En effet, pour plusieurs, la Naksa est une date qui exprime «la honte, voire l'humiliation d'avoir vu les armées égyptienne, syrienne et jordanienne être battues sans rémission par l'armée israélienne». Or, le 5 juin de chaque année, de l'océan Atlantique jusqu'au Golfe arabo-persique, les Arabes commémorent avec beaucoup d'amertume l'exode de 300.000 Palestiniens qui accompagna la victoire israélienne lors de la guerre des Six-Jours en 1967 et au cours de laquelle Israël prit le contrôle notamment de la péninsule du Sinaï, rendue à l'Egypte en 1982, le plateau syrien du Golan, la Cisjordanie, d'Al-Qods-Est (annexée depuis) et de la bande de Gaza. Voilà déjà 46 ans que le monde est témoin de la plus grande injustice de l'humanité : l'occupation qui se poursuit jusqu'à nos jours à travers de plans de colonisation, en toute impunité, des territoires palestiniens par l'armée israélienne ! Les dirigeants palestiniens tiraient parti de l'anniversaire hier de la «Naksa», la défaite arabe de juin 1967, pour pousser leur revendication d'une référence aux lignes antérieures au début de l'occupation israélienne dans toute future négociation de paix. «Cela fait 46 ans que l'occupation israélienne a commencé», a déclaré le négociateur palestinien Saëb Erakat, lors d'une visite de trois villages de Cisjordanie vidés de leur population et détruits lors de la guerre des Six-Jours de juin 1967, à l'occasion de l'anniversaire de la «Naksa» (défaite, en arabe). «Ce qui est arrivé aux 5.000 Palestiniens chassés de ces villages continue», a-t-il estimé au cours d'une halte sur le site du village de Yalou, qui donne sur la colonise israélienne de Mevo Horon, citant les démolitions de maisons par l'armée israélienne, qui expulse chaque année de leur foyer des centaines de familles palestiniennes. «Pourquoi ont-ils démoli ces trois villages, pourquoi ont-ils détruit le quartier des Maghrébins à Al-Qods-Est? Parce qu'ils ne pensaient pas que l'occupation durerait 46 ans, ils voulaient simplement les accaparer. Et ce qui est arrivé à Imwas, Yalou et Beit Nouba se passe aujourd'hui à Ariha (dite Jéricho en latin), Naplouse et partout ailleurs», a déploré M. Erakat. «Pourquoi les Israéliens ont-ils chassé ces gens en 1967? Tout simplement parce qu'ils voulaient dicter les frontières», a-t-il ajouté, réitérant l'exigence palestinienne d'un gel de la colonisation et d'une référence aux lignes de 1967 comme base de discussions pour reprendre des pourparlers de paix. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu appelle de son côté à des négociations immédiates sans «conditions préalables», en allusion à ces revendications qu'il récuse. «Point de non-retour» «Après 46 années d'occupation illégale de la terre historique de Palestine, la catastrophe humanitaire et politique continue et domine toujours la vie de notre peuple, où qu'il soit, en Palestine comme en exil», a déclaré dans un communiqué Hanane Achraoui, membre du comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). «Le peuple palestinien n'acceptera pas une nouvelle Nakba (catastrophe) et une nouvelle défaite, il ne se laissera pas déraciner une nouvelle fois, mais luttera jusqu'à ce qu'il recouvre ses droits légitimes», a-t-elle assuré. Dans un rapport publié à l'occasion des 46 ans d'occupation de la Cisjordanie, l'organisation israélienne de défense des droits de l'Homme B'Tselem reproche à Israël d'avoir «réalisé l'annexion de fait de la zone C», soit les 60% sous son contrôle total de ce territoire palestinien, et créé les conditions qui contribueront à perpétuer cette situation et influencer le statut final de la zone lors de négociations de paix. «En théorie, Israël ne conserve une autorité complète que sur la zone C. En pratique, le contrôle israélien de cette zone nuit à tous les habitants palestiniens de Cisjordanie», soit plus de 2,5 millions de personnes, souligne l'ONG, rappelant qu'elle couvre en grande partie «les réserves foncières entourant les secteurs bâtis des villes et villages de Cisjordanie», alors que «la construction et le développement par les Palestiniens y sont interdits, ou sévèrement restreints». «Dans le même temps, contrairement au droit international, Israël encourage ses propres citoyens à s'installer en Cisjordanie», selon le rapport, «allouant d'importantes portions de la zone C et de généreux approvisionnements en eau à ces colonies». Le vice-ministre des Affaires étrangères Zeev Elkin a réaffirmé hier le refus d'Israël de négocier à partir des lignes de 1967, au diapason de l'opinion qui, si elle approuve à 67% l'idée d'un partage territorial entre deux Etats, israélien et palestinien, rejette cette référence. Seuls 8% s'y déclarent prêts, contre 40% favorables à une annexion des blocs d'implantations rassemblant la grande majorité des colons, voire 19% soutenant l'annexion de la quasi-totalité de la zone C. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a mis en garde lundi Israël contre le risque de laisser passer la dernière «chance» de faire la paix avec les Palestiniens, tandis que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon prévenait que «le conflit israélo-palestinien approchait d'un point de non-retour». «L'occupation, qui dure depuis près d'un demi-siècle, n'est pas acceptable, moralement, politiquement, stratégiquement ou humainement», a rappelé M. Ban. Gaza: la commémoration de la Naksa sous contrôle de la police De son côté, la police de le bande de Gaza a installé dimanche des barrages sur la voie du point de passage Erez à la frontière avec Israël et interdit aux manifestants de s'approcher de la clôture frontalière pour éviter tout accrochage avec les militaires israéliens, rapportent les médias locaux. Quelques centaines de Palestiniens ont essayé en vain de percer les barrages pour gagner la frontière nord de l'enclave avec Israël le jour du 44e anniversaire de la Naksa, début de la guerre des Six-Jours de 1967. A l'heure qu'il est, la manifestation est terminée et ses participants se sont dispersés en paix. Selon l'agence Maan, des centaines de manifestants ont essayé de pénétrer à Al-Qods occupée, en franchissant le barrage de Kalandya. «Les militaires israéliens ont été obligés de tirer quelques coups de sommation et d'user de gaz lacrymogènes», a raconté à RIA Novosti un porte-parole de Tsahal. Selon les médias palestiniens, 7 manifestants ont été blessés près de Kalandya, mais les militaires israéliens ne le confirment pas. La Naksa représente pour le monde arabe, dont les Palestiniens, la honte, voire l'humiliation d'avoir vu les armées égyptienne, syrienne et jordanienne être battues sans rémission par l'armée israélienne. Lors de la guerre de juin 1967, l'Etat hébreu avait conquis la péninsule du Sinaï, rendue à l'Egypte en 1982, le plateau syrien du Golan, la Cisjordanie, y compris Al-Qods-Est (annexée depuis) et la bande de Gaza.