Par Ilia TAKTAK KALLEL, Enseignante-chercheure à l'ESC Tunis (Université de La Manouba) La deuxième édition du programme Amal vient d'être clôturée par la remise des prix aux équipes gagnantes et la gratification de tous ceux qui ont contribué à faire réussir cette manifestation (partenaires, éducateurs spécialisés, tuteurs). Rappelons que cette manifestation organisée par l'Université de La Manouba, en partenariat avec Télécom Ecole de Management (Paris), l'Association Basma pour l'insertion socioprofessionnelle des personnes handicapées et l'Union nationale des aveugles de Tunisie (Unat), a mobilisé des équipes de différentes institutions de l'Université pour qu'elles conçoivent et mettent en œuvre des programmes de sensibilisation des étudiants de leurs établissements respectifs à la question de l'insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap. Pas de doute que des valeurs nobles aient porté tous les participants à l'accomplissement de cette mission sociale, caritative et humanitaire. Mais voici‑— également — l'occasion de constater que, même lorsqu'on est mû par des motifs nobles, les enjeux personnels ne sont pratiquement jamais absents, aussi bien du côté des étudiants que de celui des tuteurs : volonté de relever un défi et / ou désir de reconnaissance pour les uns; désir d'expérimenter de nouvelles situations d'apprentissage et d'opérer le transfert à d'autres situations pour les autres; recherche de motivations matérielles (notes, gains financiers) pour certains. Ces différents motifs peuvent constituer des motivations puissantes pour se surpasser dans la recherche de solutions créatives et inédites pour apporter des solutions à des problématiques sociales. En tant que tutrice de l'une des équipes en compétition, j'ai ressenti une euphorie inattendue à l'annonce de prix remportés par l'équipe de notre institution (mélange de fierté, d'orgueil et de sentiment d'accomplissement), même si, par ailleurs, je suis profondément sensible à la cause défendue. Ce constat, qui peut surprendre, voire choquer plus d'un, c'est-à-dire ceux qui sont pour un militantisme pur et dur. Il y a pourtant là des pistes sérieuses à explorer pour développer un militantisme pragmatique, moderne et contingent aux réalités psychosociologiques actuelles. C'est bien connu, il faut toujours un «nerf de la guerre». Ce nerf n'est pas forcément l'argent; il faut réinventer, s'ingénier à trouver les incitations à même de mobiliser les individus pour des causes altruistes, à l'époque des individualismes exacerbés. Les pays qui ont fait de grandes avancées sociales en s'appuyant largement sur la société civile, l'ont bien compris.