Pour pouvoir adhérer de bout en bout à ce répertoire classique de la troupe de l'Opéra de Pékin, il ne faut surtout pas être fan du «Cabaret du samedi soir»... Ça nous a fait plaisir de voir autant de monde, à Carthage lundi dernier, dont le programme n'avait pourtant rien à voir avec les «rotaniyet»*, auxquelles le «prestigieux» festival nous a habitués depuis des années. Etrangers, Tunisiens, jeunes et moins jeunes, étaient venus apprécier un art issu d'une tradition ancestrale, un genre considéré comme l'un des trésors de la Chine : l'Opéra de Pékin. D'où vient cet intérêt pour ce genre de spectacles si codé, si difficile à comprendre, malgré la voix off qui raconte ? Qu'est-ce qui motive tous ces gens ? La réputation de la troupe ? La découverte d'un patrimoine culturel différent, ou le besoin de se ressourcer dans ce qui est convenu, ordonné, classé, protégé et respecté ? Car, en cette drôle d'époque, où l'on risque fort de perdre ses repères, c'est rassurant de savoir qu'il y a d'autres modèles du monde. La troupe de l'Opéra de Pékin, créée en 1950, interprète des récits d'histoires tirées du passé et du folklore chinois. Elle met en scène différents arts : de la danse, du chant, du théâtre, de l'acrobatie et des combats. Ses artistes sont les seuls points d'attention. Avant-hier, sur la scène du théâtre romain de Carthage, ils ont été chaleureusement applaudis pour la beauté de leurs mouvements symboliques et suggestifs. On a eu droit à une scène de jeu d'épées spectaculaire, qui montre à quel point ces artistes ont travaillé dur pour avoir ces réflexes et cette maîtrise du corps et des mouvements. Les prouesses, telles que les sauts et les roues, ont été très appréciées. Mais au moment où les acteurs ont cédé la scène à la chanteuse, toute la rigueur et tout le sérieux de l'opéra de Pékin sont tombés à l'eau. Le public n'a pas pu s'empêcher d'éclater de rire en entendant la voix, apparemment, dissonante de la cantatrice chinoise, dont l'allure rappelait fort celle de certaines de nos chanteuses coincées. Ce n'est qu'à la deuxième chanson que les gradins ont fini par bouger. Il faut aimer ce rythme monotone, cette musique aiguë qui peut surprendre nos oreilles habituées à autre chose et ces prouesses déjà vues. Pour pouvoir adhérer de bout en bout à ce répertoire classique de la troupe de l'Opéra de Pékin, il ne faut surtout pas être fan du Cabaret du samedi soir, cette émission diffusée sur l'une des chaînes françaises et qui montre, entre autres, ce genre de performances (techniques) en versions plus évoluées, créatives et contemporaines. Mais le public de Carthage était si charmant ! *«Rotaniet» : En référence à «Rotana», un réseau de chaînes de télévision arabes qui diffuse, entre autres, des chansons de variétés, jugées dans leur majorité de second ordre.