Par Soufiane BEN FARHAT L'assaut israélien meurtrier et sanglant de la flottille d'aide à la population de Gaza est bien vu aux Etats-Unis d'Amérique. On s'en doutait. Nous l'écrivions sur ces mêmes colonnes : "Aux Etats-Unis d'Amérique, l'info a été sciemment reléguée à la fin des journaux télévisés. Plus royalistes que le roi ou plus catholiques que le pape les médias américains". Et, quoi qu'on dise, aux Etats-Unis d'Amérique comme ailleurs, les médias sont le relais privilégié des politiques. Leur courroie de transmission. Affirmation exagérée ? Concédons en tout état de cause que certains médias américains sont libres sauf s'il s'agit d'Arabes, de Musulmans, d'Israël ou de Palestine. Là, ils perdent tous leurs repères et acquis démocratiques et déontologiques. Ils deviennent tout simplement aux ordres. Là-bas, on les appelle Likudniks. C'est-à-dire plus Likoud que moi tu meurs. Oui, ne nous y trompons guère. C'est là l'un des aspects majeurs de la démocratie américaine. Les Arabes et les Musulmans, c'est-à-dire plus d'un milliard et demi de personnes dans le monde, ne sont pas dupes. Plutôt que de préjugés, ils s'en tiennent aux post-jugés. Pour eux, la démocratie américaine est pourvoyeuse plutôt de mort et de désolation. Au cours des sept dernières années, des millions d'Irakiens et d'Afghans ont été tués par les troupes américaines. L'Irak, hier encore pays prospère, a été ramené à l'âge de pierre via l'occupation américaine. Ses infrastructures modernes ont été démantelées par l'occupant. Méthodiquement, systématiquement. Son tissu social a été déstructuré, ses populations vouées aux abois, à la peur, aux exils. Que les officiels américains confortent Israël dans sa flibusterie meurtrière contre d'inoffensifs pacifistes issus d'une cinquantaine de pays, cela n'étonne guère. Çà et là, il y a une lancinante impression de déjà vu. Les vieux arabes et musulmans se taisent, rongés par le désespoir. Les adultes épanchent leur colère en profondeur, en espérant des jours meilleurs. Les jeunes et les enfants ruminent le ressentiment, sont travaillés par une colère sacrée qui se transmet de génération en génération. Et puis Joe Biden, le vice-président américain, s'est rappelé au bon souvenir des centaines de millions d'Arabes et de Musulmans outragés. Il a tout simplement défendu le (pseudo) droit d'Israël à intercepter des navires à destination de la bande de Gaza. Le modus operandi, interception des bateaux en zone internationale, les morts, neuf dont un ressortissant américain, et le tollé international ? Joe Biden n'en a cure : "Israël a tout à fait le droit de protéger ses intérêts en matière de sécurité", a-t-il dit sur PBS. Ce faisant, il a réitéré le soutien de l'administration Obama à la tenue d'une enquête "transparente et impartiale", c'est-à-dire non internationale sur les circonstances de l'attaque meurtrière, qualifiée d'"incident". On connaît le sort des enquêtes des autorités israéliennes sur les crimes et méfaits de leurs propres soldats. Le loup prend sa propre queue pour témoin. Le vice-président américain s'est voulu didactique : "Israël a dit : ‘‘Voilà. Vous êtes en Méditerranée. Ce navire, si vous déviez légèrement vers le Nord, vous pourrez décharger et nous acheminerons la cargaison à Gaza.'' Donc qu'est-ce qui posait problème là-dedans ? Qu'y avait-il de si important à insister pour aller directement à Gaza ? Eh bien, Israël est légitime pour dire : ‘‘Je ne sais pas ce qu'il y a à bord de ce bateau. Ces gars envoient huit, 3.000 roquettes sur mon peuple''". Il y a eu des morts à bout portant, des blessés, des violences, des traumatismes profonds, des tortures, des simulations d'exécution sommaire…Joe Biden n'en a cure. A ses yeux, ce qui importe, c'est le "droit" d'Israël. Le droit d'intercepter des bateaux civils battant pavillons étrangers en haute mer, d'attaquer les centaines de voyageurs, de les tuer, de les blesser, de les séquestrer, de les emprisonner, de les torturer, de les dépouiller de leurs effets, de les expulser… Bien qu'il veuille donner l'impression d'y croire, Joe Biden n'a rien inventé. On n'est pas les dindons de la farce. On connaît la rengaine des "droits" d'Israël depuis plus de soixante ans : droit d'occuper la Palestine (et même pas moins de quatre pays limitrophes), d'y opérer un véritable génocide, de procéder à l'épuration ethnique de centaines de villes et de villages arabes, de terroriser les populations civiles, de les expulser, de les déporter en masse, d'exproprier leurs terres, d'arracher leurs oliveraies millénaires, de s'emparer de leurs maisons, jardins, écoles, églises, mosquées, de couper tous les arbres, de judaïser Al Qods et Beït Lahm, de s'en prendre aux chrétiens, aux musulmans, aux laïcs, aux libres-penseurs, de procéder aux exécutions sommaires et extrajudiciaires sous prétexte d'assassinats ciblés, de réduire un million deux cent mille Arabes israéliens à l'assujettissement le plus inique, de boucler la Cisjordanie, d'y ériger un mur raciste de plusieurs centaines de kilomètres, d'opérer le blocus de la bande de Gaza, d'emprisonner plus de dix mille Palestiniens, de séquestrer de fait le président Arafat… Il y a de quoi remplir toute une page de ce journal. Les mots ne sauraient suffire pour décrire toutes les injustices subies par la Palestine et les Palestiniens. Et M. Joe Biden, vice-président américain, vient nous parler doctement de "droits d'Israël". Comme l'instruit le proverbe bien de chez nous, l'overdose de malheur fait rire (kothr el hemm ydhahak).