La pénurie au niveau des présidents de club est expliquée par l'austérité financière et par la disparition de la race des gestionnaires Qu'est-ce qui peut intéresser quelqu'un pour prendre en charge un club via des élections? La question s'impose d'autant que l'on voit clairement la plupart de nos clubs souffrir pour trouver un comité directeur. On les voit souffrir aussi pour organiser des élections et pour trouver des candidats (parfois un seul) au poste de la présidence. Malheureusement nous constatons tout cela en même temps que les difficultés financières que vivent la majorité de nos clubs. C'est devenu dur, ces deux dernières années de gérer un club et une section de football qui consomme beaucoup de fonds et de moyens. Dur aussi de gouverner pendant un bail et de satisfaire tout le monde. Y-a-t-il une crise de présidents de club dans notre football et sport? Oui, absolument. C'est une crise aiguë et profonde qui date depuis des années. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le football tunisien a appris, via ses structures désuètes et faillibles, à bloquer l'émergence d'une race de présidents de club à vision et au charisme nécessaires. Anarchie... Prenez l'exemple de l'AS Marsa qui a ajourné les élections faute de candidats. Maher Ben Aïssa, président sortant, est sous une pression morale énorme de la part des ex-dirigeants et des supporters pour continuer à la tête du club. Et il est fort probable qu'il s'incline devant cette demande. Pour vous dire que nous sommes en train de vivre une période assez bizarre où le mécanisme des élections n'a pas suffi pour résoudre le problème de présidents de club. Les mêmes personnes d'avant le 14 janvier sont toujours là pour une simple raison : c'est devenu si difficile sur le plan financier, que l'on n'a plus envie de passer deux ans de galère et de course contre la montre pour payer des salaires galopants. Ce sont donc les anciens présidents qui se retrouvent par la force des choses, et faute de nouvelles têtes, au milieu de ce paysage. Ils s'y connaissent, ils ont un certain métier et capacité à toucher des bailleurs de fonds, que de nouveaux dirigeants qu'on a empêché avant de débarquer. Pourquoi il n'y a plus donc de candidats au poste de président ? Parce qu'également, on ne peut plus exercer le métier de président dans une pareille anarchie. Ça a commencé depuis une dizaine d'années. Les supporters ont la mainmise sur tout ce qui se passe au club. Violence, arrogance, intimidation et pression, et ajoutez-y l'anarchie dans laquelle se trouve le football tunisien, vous comprendrez pourquoi ce profil de président ne court plus les rues! Argent, médias et lobbying On trouve de moins en moins de gens concernés et intéressés pour faire un mandat de président au sein d'un club. Ils craignent le gouffre dans lequel ils vont se retrouver : pas de billetterie, pas d'abonnements suffisants pour créer un fonds de roulement en début de saison, des sponsors de moins en moins généreux, des recettes publicitaires dérisoires et parrains aux abonnés absents. Que pouvez-vous faire face à ce gouffre? Ceux qui ont pris le risque ont dû souffrir et suer pour terminer leurs mandats. Personne n'est venu à leur aide. Ça n'empêche qu'il y en a ceux qui n'ont trouvé aucun problème à tenir leurs rôles. Le profil? Ce sont des présidents de clubs-milliardaires qui n'ont pas de soucis de liquidité. A l'image des présidents-actionnaires en Europe, on a une race de présidents qui, sans être obligés d'avoir le charisme ni les qualités managériales, s'imposent par leur soutien financier. Hamdi Meddeb, Slim Riahi et Lotfi Abdennadher incarment ce profil. Ils ont assez d'argent qu'ils en détiennent une immunité contre tout et tous. Ils sont là pour payer, pour décider de tout, pour tout ce qui est gestion courante. Ils mandatent des personnes payées pour appliquer les instructions. Ce modèle vit au côté d'un autre modèle : les présidents appuyés par des bailleurs de fonds et qui réussissent à s'imposer par leur savoir-gérer et par la connaissance des rouages du club. On a aussi un autre profil. Celui des présidents notoires ayant une longue expérience du club et par-delà une notoriété. Une chose est sûre, nous sommes en train de perdre ce profil précieux : les présidents-managers qui savent gérer et qui s'y connaissent en football avec un réseau de bailleurs de fonds. Ceci au profit des hommes d'affaires cherchant une visibilité à tout prix ou aussi une nouvelle «virginité» politique. Si le statut de nos clubs reste aussi flou qu'il l'est, on risque de s'enliser dans cette impasse. Plus de structures électives claires, plus de transparence et les moyens financiers seulement pour justifier une candidature.