Comment prévenir les anciennes pratiques sur le terrain ? Un guide contribue à apporter des réponses... Et donne lieu à une rencontre d'experts Un débat public intitulé «La police dans un Etat de droit» s'est tenu hier matin à l'hôtel Le Belvédère à Tunis. Cette rencontre était prévue à l'occasion de la mise à la disposition du public du guide de l'Association pour la prévention de la torture (APT), en partenariat avec l'Institut danois contre la torture Dignity, ainsi que l'Organisation mondiale contre la torture (Omct). Ce guide a pour objectif de cerner les principaux enjeux, conditions et règles qui se rapportent au monitoring de la détention de la police. Il est édité en langue française et présenté pour la première fois à Tunis. Dans un souci de diversifier l'échange et d'amener tous les organismes concernés au dialogue, étaient présents lors de cette rencontre différents représentants des associations citées, aux côtés de M. Ridha Ben Rabeh, directeur général des relations extérieures et de l'entraide internationale au sein du ministère de l'Intérieur. Cet échange entre experts était présidé par M. Haikel Ben Mahfoudh, professeur de droit. Le guide se concentre fondamentalement sur la protection des droits de l'Homme. Cela concerne la répression sur les lieux de crimes et l'intervention sur le terrain. Comme le précise M. Jean-Sébastien Blanc, conseiller en monitoring et membre suisse de l'APT, «il ne s'agit pas de stigmatiser des pays bien précis». Son intervention était illustrée de procès-verbaux rédigés à la suite de violences commises lors d'arrestations en Tunisie comme en Suisse. Le but de ce guide, en attente d'être édité en langue arabe d'ici la fin de l'année en cours, est de constituer un accompagnement national, de devenir un mécanisme pour la prévention de la torture. Le débat, animé par M. Mahfoudh, a d'abord concerné les experts, puis s'est étendu au public présent. La discussion a tourné autour du rôle de la police, de l'efficacité du service public en matière de sécurité et, en somme, de l'efficacité de ces mécanismes, dont le rôle est d'accompagner et de répondre aux besoins du citoyen en sécurité. Questionnée sur les instruments garantissant que l'action de la police soit conforme à l'état de droit, Mme Emna Gallali, membre de l'organisation internationale Human Rights Watch, a insisté sur la «countability», cette recevabilité, ou mise en responsabilité pénale des personnes ayant commis des violations. Mme Gallali constate un manque de recevabilité, dans un «cercle vicieux, un mécanisme fermé, sans contrôle, caractérisé par une faiblesse contre les abus»... En ce qui concerne l'utilité des visites inopinées, M. Dimiter Chalev, représentant du Haut-commissariat des droits de l'Homme, mais aussi M. Blanc, de l'APT, ont insisté sur l'importance de diversifier les profils des intervenants au sein des lieux de privation de la liberté. Il est ainsi nécessaire que les compétences des personnes intervenantes soient diversifiées et leurs expériences différentes. Cela peut aller du statut de médecin à l'avocat, en passant par l'historien, le sociologue ou encore l'anthropologue. Mme Radhia Nasraoui, avocate et membre organisatrice de l'Octt en Tunisie, est intervenue autour du rapport entre le secteur de la sécurité et les défenseurs des droits humains. «Il est indispensable de convaincre le secteur de la sécurité qu'il ne s'agit pas d'une relation hostile. Et si c'est aujourd'hui le cas en Tunisie, cela en dit long sur l'état de la police». Mme Nasraoui insiste sur l'obtention de ce droit de visite des lieux de privation de liberté de toute urgence. «Certains agents controversent l'accès à la torture, d'autres rejettent cette idée, alors que d'autres encore justifient cette pratique inhumaine. Ils n'ont pas de choix». Un terme fondamental, souvent revenu lors de cette rencontre est celui de «monitoring». Ce terme anglais concerne la surveillance des lieux de détention, par le biais d'une organisation indépendante, dont le but est de lutter contre la torture. Il s'agit d'un processus mis en place depuis juin 2011 dans plusieurs pays, et qui concerne la visite régulière dans des prisons destinées aux hommes, aux femmes ou encore dans des centres de détention pour les plus jeunes.