Le prochain gouvernement sera présidé par une personnalité indépendante, mais pas hostile à Ennahdha. Mais que faire de l'armada des hauts fonctionnaires nahdhaouis placés dans les différents rouages de l'Etat ? Il est quasi certain qu'il y a des accords secrets qui sont en train de se tramer, afin que les pourparlers entre le quartet, parrain du dialogue national, et la Troïka reprennent au cours de cette semaine, mais cette fois sur la base d'une nouvelle initiative que le quartet a déjà concoctée et qu'il se prépare à soumettre, dans les heures qui viennent, aux deux principaux protagonistes de la crise, à savoir la Troïka et le Front du salut national. Cette initiative que Khalil Ghariani, membre du bureau exécutif de l'Utica, appelle «l'initiative nationale» (voir La Presse d'hier) constituera la synthèse des trois composantes suivantes : l'initiative du quartet qui a fait l'objet jusqu'ici de plus de 80 heures de discussions, l'initiative écrite de la Troïka rejetée jeudi dernier par le Front du salut national et la somme des évaluations faites par les différents experts depuis le démarrage des négociations et des propositions des uns et des contre-propositions des autres, divulguées en détail par les médias. Dans les coulisses Néji Jalloul, membre du bureau politique d'Al Jomhouri, n'y va pas par quatre chemins et souligne : «J'ai l'impression que dans les coulisses se trame une concession qui serait acceptée par Béji Caïd Essebsi et je ne pense pas que sa rencontre avec Abassi jeudi 5 septembre qui a duré plus de 3 heures, se soit limitée à l'examen du refus par le Front du salut des propositions avancées par la Troïka». «D'après certaines indiscrétions, Béji Caïd Essebsi serait d'accord qu'il y aura des changements à la tête de la présidence du gouvernement, des ministères de l'Intérieur et des Affaires religieuses alors que les ministères techniques resteraient entre les mains de la Troïka», ajoute-t-il. Notre interlocuteur va encore plus loin pour révéler que le patron de Nida Tounès, excédé par la rigidité du Front du salut et mécontent de la grève de la faim décidée par certains constituants sit-inneurs, «aurait pris la décision de chasser dans les rangs des centristes». Quant au parti Al Joumhouri, il a décidé, selon Néji Jalloul, de maintenir sa demande de dissolution du gouvernement, en entier. «Aujourd'hui (dimanche), nous avons tenu une réunion de notre bureau politique pour réaffirmer nos positions initiales. Quant à la nouvelle initiative du quartet, nous n'en sommes pas encore informés et au cas elle nous serait soumise, je pense que nous la rejetterons puisqu'elle ne cadre pas avec notre principale revendication, à savoir la démission du gouvernement Laârayedh», conclut-il. Une armada de hauts fonctionnaires difficiles à replacer Du côté de Nida Tounès, une source informée confie à La Presse que le dénominateur commun qui régira la formation du prochain gouvernement c'est bien le consensus et rien que le consensus. «Partie prenante de l'échiquier politique post-révolutionnaire, Ennahdha fera partie du futur gouvernement. Dans tous les cas, les Nahdhaouis ne seront pas écartés de la vie politique. Le prochain chef du gouvernement sera, dans tous les cas, une personnalité indépendante, mais qui ne soit pas connue pour ses positions anti-Ennahdha. Nida Tounès a avalisé cette option dans l'objectif de rapprocher les positions des uns de celles des autres et de faire en sorte que le consensus tant recherché devienne une réalité concrète. Reste maintenant de savoir pourquoi Ennahdha tient-il à jouer encore les prolongations et et à faire durer ce suspense qui ne séduit plus personne. Selon notre source, «Ennahdha vit des problèmes intérieurs qu'il cherche à résoudre, avant de céder le pouvoir au prochain gouvernement. A notre avis, ces problèmes seraient relatifs à certains dossiers dont Ali Laârayedh assume la responsabilité depuis l'époque où il était ministre de l'Intérieur avant de passer à La Kasbah. Cela s'applique exactement à Noureddine B'hiri qui est resté le véritable ministre de la Justice». Les observateurs et les analystes, au fait de la gestion par Ennahdha des affaires de l'Etat aux plans national, régional et local, ne manquent pas de leur côté, de mettre au tapis l'épineux problème des nominations décidées dès les premiers jours qui ont succédé aux élections du 23 octobre 2011. Ainsi, l'on se demande ce qu'elle va faire de cette armada de 47 ministres conseillers à la présidence du gouvernement, des 200 chargés de missions dans les différents ministères, recrutés directement sans avoir occupé de postes auparavant dans l'administration, des 236 délégués nahdhaouis sur 264 que compte le pays, des 19 gouverneurs appartenant également à Ennahdha sur un total de 24 et des 1500 cadres supérieurs parachutés dans les différents ministères et administrations. On ne forme pas un gouvernement en deux semaines Du côté de l'Alliance démocratique, le ton est toujours à la poursuite des négociations. Mahmoud Baroudi, constituant sit-inneur et membre du bureau politique de l'Alliance, estime que «la solution la plus raisonnable est de se réunir autour d'une table pendant 48 heures pour se mettre d'accord sur le nom du futur chef du gouvernement». «Dès l'annonce de son nom, on retourne à l'ANC pour finir le travail dans un délai ne dépassant pas 4 semaines. En parallèle,le chef du gouvernement, choisi sur la base du consensus, forme son équipe. Quant au gouvernement Laârayedh, il continuera à gérer les affaires courantes. Pour moi, il est impossible de former un gouvernement en deux semaines. Il est également difficile d'adopter la Constitution et d'élaborer le futur Code électoral au cours de ces deux semaines». Interrogé sur sa lecture de la nouvelle initiative du quartet, Baroudi relève: «Nous n'en sommes pas encore informés et l'Alliance déterminera sa position après avoir pris connaissance de son contenu».