NASHVILLE, Tennessee (AP) — La question qui se pose aujourd'hui au mouvement politique informel du "tea party", réuni le week-end dernier en congrès à Nashville, est de savoir s'il pourra se transformer en une réelle force politique qui influera sur les élections et pèsera sur les choix gouvernementaux dans les années à venir. Rappelant la percée Ross Perot au début des années 90, à la différence que personne ne l'incarne, cette coalition lâche qui réunit les déçus de la politique, républicaine comme démocrate, est aujourd'hui en quête de consensus et de structure. Née au printemps dernier parmi un électorat déçu de la politique, elle a organisé ce week-end son premier congrès national à Nashville (Tennessee), où l'idole du camp conservateur Sarah Palin a fait une apparition remarquée samedi. Le "tea party" s'est nourri pendant un an de l'opposition au plan de relance de 787 milliards de dollars, au renflouage de Wall Street et au projet de réforme du système de santé du Président Barack Obama. Chez tous ses partisans, la colère couve depuis longtemps : trop d'Etat, trop de dépenses inconsidérées, des libertés individuelles menacées. "Il est question de liberté individuelle contre le contrôle de l'Etat. Qu'on me laisse tranquille, qu'on arrête de me taxer autant et qu'on gère de façon responsable l'argent du peuple", exhorte Ty Reynolds, 34 ans, venu de Topeka (Kansas). Entre rejet de l'Etat et conservatisme, le mouvement "tea party" constitue un rassemblement assez hétéroclite de citoyens sans chef et sans autre consensus que : moins de taxes, moins de gouvernement. "Il s'agit de donner la parole à des gens qui n'ont pas le sentiment d'être représentés dans aucun des partis. Mais il est trop tôt pour dire comment cela va évoluer", analyse Nancy Hiser, 26 ans, de Findlay (Ohio). "Le seul consensus ici est que tout le monde est probablement opposé au programme d'Obama". La question qui se pose aujourd'hui est donc bien de savoir si le "tea party" va se transformer en force politique qui influencera les élections et le gouvernement dans les années à venir. "Ce mouvement est en pleine maturation (...) pas en tant que troisième parti mais en tant que force sur laquelle compter dans la structure du parti traditionnel", pense Mark Skoda, un animateur radio qui a fondé une antenne du "tea party" à Memphis et co-organisé le congrès de Nashville. Tous les participants au congrès n'ont pas une vision aussi claire de l'avenir du mouvement. "On a peur, on en a assez et on est en colère", résume Donna Henton venue de la ville de Blair (Nebraska). "Mais savoir où ça va nous mener, on n'en sait rien". Depuis la formation de la coalition, les chefs locaux se disputent sa direction et le rassemblement semble difficile. A Nashville, des voix se sont déjà élevées pour contester la représentativité des points de vue exprimés lors de ce rassemblement. A Washington, républicains et démocrates ont d'abord regardé le mouvement prendre forme d'un œil prudent et circonspect. Aujourd'hui, chacun essaie de mobiliser à son profit cette énergie anti-establishment, dont le soutien pourrait faire la différence aux élections de mi-mandat de novembre. Les Républicains aimeraient l'attirer dans leur giron, poussant même le patron du parti, Michael Steel, a s'en revendiquer comme membre. Le Grand Old Party est en effet conscient que l'apparition d'une troisième grande formation nationale pourrait amenuiser ses chances électorales en divisant le camp conservateur. Chez les démocrates, on a d'abord diabolisé le mouvement comme émanation d'extrémistes de droite du GOP, mais le Président Obama lui-même a finalement fait marche arrière, comprenant que la colère de ses militants était bien réelle, que le mouvement ne semblait faire allégeance à aucun parti et qu'il comptait même en son sein des indépendants et des démocrates modérés. La coalition quant à elle ne s'est pas encore positionnée dans le jeu partisan. Des candidats placés sous la bannière du mouvement se sont déjà présentés à divers scrutins dans le pays en tant qu'indépendants. Parmi les militants, les avis sont partagés. Loren et Dora Nelson, un couple d'octogénaires de Seattle, considèrent la coalition comme une façon de consolider le GOP. "اa donne la parole à la base du Parti républicain", estime M. Nelson. Mais pour Eileen Million, 50 ans, de Huntsville (Alabama), il n'est pas forcément question de politique partisane. "C'est un mouvement populaire", juge-t-elle. "Républicain ou démocrate, ça m'est égal de savoir qui ils sont dès lors qu'ils incarnent réellement la volonté du peuple américain". Afin de structurer la coalition, Mark Skoda a annoncé la création d'un comité d'action politique visant à faire élire jusqu'à 20 candidats lors du scrutin de mi-mandat derrière un programme commun: moins d'Etat, moins de taxes, une fiscalité plus juste, plus de droits pour les Etats fédérés et une sécurité nationale forte.