Dans la longue lutte de la Tunisie pour son indépendance, Moncef Bey, qui a régné durant une courte période, a marqué l'histoire tunisienne pour toujours. Pour célébrer le 65e anniversaire du décès de Moncef Bey , la fondation Farhat-Hached dirigée par son fondateur M. Noureddine Hached ,le fils du leader syndicaliste Farhat Hached, a organisé vendredi dernier dans un hôtel de la ville un forum dédié au «Bey du Peuple»; avec au programme une exposition de photographies , de documents inédits , et des articles de presse de l'époque beylicale provenant des collections des familles Moncef Bey , Farhat Hached et Mahmoud El Matri ou fournis par les archives nationales et celles de la police française . Une conférence intitulée «Moncef Bey , le Roi du peuple» a été présentée par l'historien et analyste militaire M. Faycel Cherif. En se basant dans son discours sur un document historique et inédit de 50 pages rassemblant les rapports d'espionnage qu'a menés le service de la police coloniale française à l'époque sur Moncef Bey . Ce document représente aujourd'hui une pièce historique importante dressant l'image de ce Roi , bien-aimé du peuple, l'homme d'Etat qui a toujours défendu son pays et son peuple.Une loyauté encore gravée dans la mémoire collective des Tunisiens . Car «les hommes d'Etat sont d'abord des gestes et non pas des paroles», confirme M. Faycel Cherif lors de son intervention. Le Bey du peuple Il faut savoir que dans la longue lutte de la Tunisie pour son indépendance, Moncef Bey, qui a régné juste quelques mois, de juin 1942 à mai 1943, a occupé une place à part . Face à la résidence générale française, qui détenait l'essentiel du pouvoir dans la régence, il a été le premier souverain tunisien, depuis le Traité du Bardo qui a instauré le protectorat français en 1881, à rompre avec la tradition de docilité qui a caractérisé les différents beys husseinites. Ses sentiments nationalistes, ses plaidoyers pour les réformes et ses critiques publiques à l'égard de l'administration coloniale lui ont valu le surnom de «Bey du peuple». Durant son règne, marqué par la Seconde Guerre mondiale, il a toujours tenté d'affirmer son indépendance vis-à-vis des autorités vichystes dont dépend la Tunisie, tout en protégeant sa population des conséquences du conflit. Il fut l'un des principaux soutiens du mouvement nationaliste, et fit preuve, par une attitude de bascule entre les diplomates étrangers et les autorités du protectorat, d'une grande souplesse politique qui lui permit de servir les intérêts de ses sujets et la cause de son pays. En confrontation avec la France A peine intronisé, son attitude déplaît à la France qui a l'habitude de beys plus consensuels. Ainsi, dans un mémorandum du 2 août 1942 présenté par son grand vizir Hédi Lakhoua et adressé au maréchal Pétain, il met en avant plusieurs revendications ayant pour objectif de renforcer la souveraineté tunisienne aux côtés de la souveraineté française. Il demande ainsi l'institution d'un conseil consultatif de la législation où toutes les couches sociales tunisiennes seraient largement représentées ; l'égalité de traitement entre les fonctionnaires français et tunisiens à tous points de vue (par l'abrogation du «tiers colonial» en vertu duquel les fonctionnaires français sont mieux payés que leurs collègues tunisiens); la résorption du chômage en œuvrant à la création d'emplois pour les Tunisiens ; la scolarisation obligatoire pour tous les Tunisiens avec l'enseignement de l'arabe comme langue nationale aux côtés du français ; l'accord d'une large compétence aux institutions judiciaires tunisiennes ; l'implication des Tunisiens dans le contrôle du budget de l'Etat ; la nationalisation des entreprises d'intérêt général, telles que les compagnies d'électricité ou de transport. Mort en exil ... Honoré parmi les siens Après la victoire des Alliés en Afrique du Nord, les autorités françaises , se basant sur des arguments d'une évidente mauvaise foi, annoncent la déposition du plus populaire des beys husseinites, sous l'accusation de collaboration avec les puissances de l'Axe. Et ce, en dépit des vigoureuses protestations du consul des Etats-Unis et du refus du souverain d'abdiquer. Le 20 mai, Moncef Bey est déporté à Laghouat, dans le Sud algérien, tandis que la population observe un jeûne en guise de protestation. La chaleur du désert, l'éloignement et la maladie le contraignent à signer, le 6 juillet, son acte d'abdication. Et le 31 du même mois, il est transféré sur la côte algérienne, à Ténès, où il survit grâce à la solidarité de la population musulmane, les autorités coloniales ayant bloqué ses fonds. Le 17 octobre 1945, le souverain déchu est transféré à Pau, en France, où il meurt le 1er septembre 1948 après avoir vainement attendu l'autorisation de retourner parmi les siens. Il est alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d'un martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à Tunis , se conformant à sa dernière volonté , contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey situé dans la Médina de Tunis.