Ce fut sûrement le monarque le plus aimé et le plus proche du peuple tunisien. Ce n'est donc pas un hasard si les natifs des années 1945 à 1950 portent son prénom. De son vivant il était considéré comme celui qui a défendu la souveraineté tunisienne corps et âme et qui a fini par l'incarner, non seulement aux yeux des Tunisiens, mais aux yeux de ses ennemis aussi. Rien d'étonnant à ce que la France sur ordre des généraux Henri Giraud et Alphonse Juin, lui demande d'abdiquer dans un premier temps avant de l'informer purement et simplement, de la décision de le destituer. Il abdiquera quelques semaines plus tard, connaîtra l'exil et ses difficultés et décèdera à Pau. Il est rapatrié et inhumé sur les hauteurs du cimetière du Jellaz à Tunis alors que la majorité des souverains sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey dans la Médina. De quoi l'a accusé la France, à la libération ? De collaboration avec le régime de Vichy et les forces de l'axe. C'est pour le moins stupéfiant ! Comment porter une telle accusation contre celui qui a eu le courage de déclarer : "Il n'y pas d'arabes ni de Juifs, ce sont tous mes sujets. Si vous leur mettez une étoile jaune, je la mettrais aussi...". Les véritables causes d'acharnement de la France sur celui que tous les Tunisiens appelaient familièrement : "Sidna El Moncef" sont bien plus pernicieuses. Ce souverain avait des revendications qui gênaient aux entournures ce protectorat qui avait montré son véritable et horrible visage de colon méprisant et méprisable : l'institution d'un conseil consultatif de la législation où toutes les couches sociales tunisiennes seraient largement représentées, l'égalité de traitement entre les fonctionnaires français et les fonctionnaires tunisiens, la résorption du chômage en œuvrant à la création d'emplois pour les Tunisiens, la scolarisation obligatoire pour tous les Tunisiens avec l'enseignement de l'arabe comme langue nationale, la nationalisation des entreprises d'intérêt général etc... Quant à sa collaboration avec les forces de l'axe `, elle ne peut nous inspirer que la révolte et il serait temps que la France reconnaisse cet horrible amalgame tissé contre celui dont le court règne a été marqué par la lutte contre la corruption et la défense des juifs, ayant exprimé clairement son refus de l'application des lois vichystes contre la communauté juive qui avaient été avalisées par Ahmed II Bey. Aujourd'hui Gérard Haddad, psychiatre, psychanalyste et écrivain tunisien, a déclaré faire partie d'une "action" regroupant plusieurs personnalités israéliennes qui militent pour que Moncef Bey soit considéré comme "juste de la nation". Chedly Khalladi, grand chevalier de la plume à l'époque, décrit l'arrivée de la dépouille du Roi du peuple à la Goulette et son inhumation à El Jellaz, d'une manière époustouflante. Tout le peuple était là. Jamais la Tunisie n'avait connu un enterrement de cette ampleur. Même Bourguiba qui ne ratait pas une occasion pour dénigrer la dynastie Husseinite n'a jamais osé toucher à ce souverain que nos enfants devraient connaître plus profondément parce qu'il fut, l'un des visages les plus nobles de notre pays. Non parce qu'il fut roi mais parce qu'il aimait son peuple.