Hier matin, et quelques jours après l'ouverture de la nouvelle législature, l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a donné, en son siège sis au palais de justice à Bab Bnet, une conférence de presse. Ordre du jour : le récent mouvement des magistrats, le rapport justice-médias et le rapport justice-police. Trois grandes questions qui ont marqué l'actualité des derniers jours. Mme Kalthoum Kannou, présidente de l'AMT, s'est longuement attardée sur le premier point, indiquant que le mouvement du corps judiciaire a été moyennement satisfaisant, dans la mesure où les résultats ont été jugés en deçà des attentes. Et pourtant, cette initiative, la première dans l'histoire du secteur, est unanimement qualifiée de salutaire, étant donné la part qu'a prise la toute nouvelle instance indépendante de la magistrature, dont la création effective remonte seulement à la première quinzaine de juillet dernier. Toutefois, pour Mme Kannou, il est aberrant de faire assumer au nouveau-né la responsabilité des insuffisances. Même si, par ailleurs, elle n'omet pas de reprocher à ladite instance certaines carences, au niveau aussi bien procédural que structurel, faute de modalités d'organisation, de critères de décision bien déterminés et de publication des résultats à temps. D'après elle, le problème est dû à plusieurs raisons, comme l'absence d'un local mis à la disposition de l'association et le retard pris dans les préparatifs. Sans oublier Ramadan et la fête de l'Aïd. Cela étant, « le fait de confier la décision du mouvement des magistrats à une autorité autonome, représentative et indépendante du pouvoir exécutif (le ministère de la Justice), constitue en soi un des mérites de cette étape post-révolutionnaire », affirme la vice-présidente de l'AMT, Mme Raoudha Karafi. Elle rappelle que ce dernier mouvement, qui vient de se dérouler le 13 de ce mois, a profité à 781 juges, toutes catégories hiérarchiques confondues. Et bien que cette opération ait réussi, on ne peut pas occulter quelques failles au niveau des critères adoptés. «Il faut mettre fin aux promotions liées à des allégeances au pouvoir», s'indigne-t-elle. Sur le dossier du rapport entre justice et médias, l'AMT n'a pas manqué de réitérer sa position de soutien à l'égard des journalistes, pour la défense de la liberté d'expression et d'opinion. Mme Kannou souligne que le corps judiciaire n'a jamais manqué à son devoir de se placer aux côtés des voix libres et responsables. « Nous avons réclamé l'application du décret 115 relatif à la presse écrite et nous allons continuer de le faire sans relâche», a-t-elle insisté. Cependant, elle précise que les hommes des médias, tout comme les juges d'ailleurs, ne doivent pas se placer au-dessus de la loi, tout en déplorant les dernières procédures judiciaires arbitrairement intentées contre notre confrère Zied El Hani, mais aussi contre Tahar Ben Hassine et Zouhair El Jiss. «Certes, ce sont des pratiques injustes qui ont porté préjudice à l'image de la justice en Tunisie, mais il ne faut pas s'attaquer à tous les juges dont la majorité sont dignes et indépendants», soutient Mme Kannou, appelant à reconstruire une confiance mutuelle entre justice et médias. Sur un autre plan, les déclarations fracassantes qui ont été livrées par l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité lors d'une conférence de presse tenue le 6 de ce mois ont fait l'objet de poursuites judiciaires à l'encontre de certains syndicalistes parmi les forces de l'ordre. Cette affaire a créé une tension dans la relation entre justice et police. « Ce sont des déclarations dangereuses, dans le sens où elles pointent du doigt certains juges, en les accusant d'être complices des terroristes, ce qui porte atteinte à leur dignité professionnelle et morale », a-t-elle déploré. Son collègue, Mme Karafi, a renchéri en affirmant que ces informations ne sont que des allégations mensongères qui peuvent ternir l'image de la justice auprès du grand public. Il s'agit de déclarations qui ont dépassé les limites de l'action syndicale. « Cela ne signifie en rien que les magistrats sont au-dessus de tout soupçon, mais nous sommes engagés à défendre l'intégrité du corps tout entier», a-t-elle conclu.