L'indépendance industrielle devrait permettre de diminuer le recours aux donneurs d'ordre étrangers en faveur des inventeurs tunisiens De nombreuses entreprises dépendent pour leur survie et dans une large mesure, des décideurs d'ordre étrangers qui travaillent en partenariat depuis des années avec des unités de production tunisiennes. Conjoncture économique difficile oblige, certains partenaires ont décidé de mettre fin à ce partenariat ou de réduire la quantité de travail effectué dans les unités de production tunisiennes. Une telle situation a mis dans l'embarras plus d'une entreprise locale appelée désormais à compter sur ses propres ressources pour maintenir le rythme de la production à un niveau acceptable tout en cherchant de nouveaux marchés pour l'écoulement. Le partenariat a certes ses avantages comme le transfert — même partiellement — de la technologie, l'ouverture des marchés de consommation et la création d'une plus-value pour l'entreprise locale. Or, personne ne peut garantir la durabilité de ce partenariat qui peut être renouvelé ou tout simplement annulé. Il se peut que les donneurs d'ordre étrangers — et particulièrement européens — se tournent vers les opérateurs asiatiques ou ceux des ex-pays de l'Est pour diverses raisons qui ont trait essentiellement aux avantages comparatifs et préférentiels. On sait déjà qu'après la révolution, la Tunisie a perdu beaucoup de ces avantages, de l'avis même des instances internationales de notation qui ont revu à la baisse le classement de notre pays. Pour faire face à cette situation compliquée, l'Association tunisienne pour l'indépendance industrielle et le retour à l'emploi (Atiire) vient d'être créée avant d'entrer en octobre 2013 en activité. Selon M. Mohamed El Aid Ouertani, fondateur de cette association, «tous les secteurs d'activités sont concernés par l'indépendance industrielle qui consiste à assurer une intégration de l'industrie tunisienne sans avoir besoin de recourir aux donneurs d'ordre étrangers». Les inventeurs sont disposés à mener progressivement ce changement en proposant aux entreprises tunisiennes des produits innovants et à haute valeur ajoutée qui peuvent facilement être écoulés aussi bien sur le marché local que sur le marché étranger. Ces inventeurs sont disposés à trouver des marchés pour les produits fabriqués en sous-traitance. Les inventeurs et innovateurs qui ont les moyens peuvent même créer leur propre unité de production. L'indépendance industrielle qui est un concept nouveau dans notre pays a déjà trouvé un écho favorable de la part d'un nombre d'inventeurs qui ont décidé d'adhérer à l'association. «On peut commencer par créer et lancer des produits made in Tunisia, grâce à ce concept, souligne M. Ouertani. Si, au bout de la première année, on réussit à convaincre deux entreprises, cela sera bien. Le concept devrait être généralisé progressivement pour toucher le maximum d'entreprises qui produiraient selon des donneurs d'ordre tunisiens, ce qui favoriserait la création de nouveaux postes d'emploi tout en améliorant la valeur ajoutée de notre industrie dont l'intégration serait réelle». Dans plusieurs pays du monde développé, les donneurs d'ordre commencent non seulement à changer de partenaires mais aussi à se limiter aux unités de production qui se trouvent dans leur territoire pour épargner autant que faire se peut les devises. Les Américains qui disposent des technologies avancées ont longtemps fait leur sous-traitance dans des pays asiatiques aux multiples avantages comparatifs. Le site tunisien a été choisi par les Européens notamment, compte tenu de la main-d'œuvre à bon marché, de la stabilité et de la paix sociale. Or, ces donneurs d'ordre imposent des conditions lors de la signature du contrat en définissant, par exemple, le montant de la commission à leur profit. Exclusivité de la production «La demande en produits innovants est disponible», estime notre interlocuteur. C'est un garant pour la commercialisation et les recettes des entreprises. Celles-ci ont besoin simplement des équipements de travail et des matières premières qui peuvent continuer à être importés de l'étranger vu leur indisponibilité sur notre territoire. Les donneurs d'ordre tunisiens qui sont essentiellement des inventeurs et des innovateurs peuvent conclure par la suite des actions de partenariat avec les entreprises tunisiennes. L'association en question qui est entrée en activité en octobre 2013 compte, en tout cas, regrouper les inventeurs intéressés par ce concept d'industrie indépendante. Plusieurs inventions ont été déjà enregistrées à l'Institut national de propriété industrielle dont une grande partie n'est pas encore exploitée. Ces inventions concernent les secteurs de l'agriculture, de l'énergie renouvelable, de l'alimentation... M. Ouertani étant lui-même inventeur d'un Water Walk présenté comme «un prototype d'assemblage plastique permettant de marcher sur l'eau». Le chef d'entreprise aurait aussi l'exclusivité de la production d'un prototype tunisien, ce qui n'est pas toujours le cas avec les donneurs d'ordre étrangers qui peuvent s'adresser à plusieurs sous-traitants de par le monde. L'association va se faire connaître auprès des décideurs, des industriels et de l'administration publique à travers des séminaires pédagogiques pour les informer et les sensibiliser à l'importance et aux effets bénéfiques de l'indépendance industrielle. Du pain sur la planche attend l'association qui va sélectionner les inventions pertinentes et étudier les marchés potentiels intéressés par l'achat des produits innovants et à forte valeur ajoutée.